Fekir, la supériorité homérique

Olympique Lyonnais

RANK’N’OL #S03E40. À défaut de profiter d’une heure à onze contre dix pour jouer la gagne et rejoindre le podium de la Ligue 1, Saint-Étienne a au moins réussi à amenuiser les chances de l’OL de remporter le titre à la fin de la saison en ramenant un nul de Gerland (2-2). Mais, dans le sillage de leur meneur Nabil Fekir, les Lyonnais ont aussi obtenu leur petite victoire symbolique, en ne cessant jamais de jouer, jusqu’à l’épuisement. Mourir pour des idées, l’idée est excellente. Surtout quand elles permettent de rester plus vivant que jamais.

 

Le match : Un Derby ça se gagne pas, mais ça se joue

 

Olympique Lyonnais

 

Le mode d’emploi : Let’s Rank’n’OL !

 

Olympique Lyonnais1. Nabil Fekir

Fekir n’irradie jamais un match au hasard. Plus la tension paraît démesurée, plus il se hisse à la hauteur de l’événement. De là à se dire qu’il n’est déjà plus taillé pour ces joutes d’une Ligue 1 qu’il aurait apprivoisée en une trentaine de matchs, il n’y a qu’un pas que Jean-Michel Aulas sera sans doute tenté de faire pour remettre ses affaires à flot. Le cas échéant, on aura beau se consoler en se disant qu’il n’aurait jamais dû être là, Nabilon laissera sans doute plus qu’un vide. Un manque. Pas seulement pour ce goût de la provocation et ces coups de pied arrêtés d’une précision redoutables qui, à deux poings (9ème) et une arrête près (15ème), manquent de faire basculer le Derby – et bien plus encore. Car bien au-delà du nul au goût amer, il y a sous la performance de Fekir une célébration du foot tel qu’il vibre à Lyon. Une affaire qui doit rester suffisamment légère pour balancer tout le reste : la ferveur qui ne sera jamais aussi démonstrative qu’à Sainté, les valeurs du bon peuple vert opposées à l’humour vachard qui se déploie pleines banderoles, le procès en bourgeoisie qui pointe derrière la satisfaction présidentielle. Forcément, quand on le voit fixer toute une défense sur une accélération pour libérer Njie (24e), on veut y voir l’art de chambrer qui se manie sur les terrains plus ou moins cabossés de l’Est lyonnais. On n’oubliera pas non plus d’y retrouver une marque commune à tous ceux qui, parvenus à un certain point de maîtrise de leur art, peuvent se permettre un détour par la dérision. Là où plus rien ne paraît difficile. Y compris la fin de certaines illusions.

Olympique Lyonnais2. Corentin Tolisso

La formule était un classique du Rank quand celui-ci n’en était pas encore un. Il en était à ses débuts, et le Malbranque de l’automne 2012 en avait fait sa chose. De Steed on disait (alors) qu’il pouvait être placé n’importe où et face à n’importe qui, il était plus qu’un milieu : il était le milieu. Tolisso, dans un style plus rudimentaire mais pas moins efficace, en est un peu là en ce printemps 2015. D’abord relayeur puis plus récemment récupérateur avec le même rendement, Cocoteau Tolisuisse a rejoué sa saison (moins la dépanne estivale sur les côtés de la défense) à l’échelle d’un match. On n’osera pas dire en miniature, puisque cette fois il a fallu gérer la zone pendant plus d’une heure, pas tout seul mais presque, notamment au cours des vingt-cinq première minutes de la seconde mi-temps, alors que Ferri ne ménageait pas ses efforts mais en portait sévèrement les stigmates sur son visage, à la limite de l’asphyxie. Un visage tout rouge, un peu comme la couleur du carton que Tolisso aurait peut-être récolté s’il n’avait pas taclé Gradel en tout début de match (3e), histoire de rappeler que cette fois, il n’avait pas l’intention de finir un Derby en victime éplorée. Une vingtaine de ballons grattés plus tard, tous joués vers l’avant, c’était plutôt les Stéphanois qui auraient pu porter plainte, pour harcèlement vertical ascendant. Sur individus inoffensifs.

Olympique Lyonnais3. Clinton Njie

Les Verts ne l’ont pas vu arriver. Ça tombe bien, nous non plus. De la dernière passe décisive envoyée plus tôt dans la semaine face à Bastia, on avait voulu retenir la course folle plutôt que l’extèr’ allumé. Façon de renvoyer le joueur à ce qu’on connaît le mieux de lui, ses limites et ses coups de chatte. Il n’en est déjà plus question dès l’ouverture du match quand, envoyé dans le dos de la défense, il se charge du premier face-à-face avec Ruffier (1re). S’il remporte le second sur crochet, c’est Perrin qui l’arrête sur la ligne (12e). Au troisième, Fekir se charge de fixer son monde pour l’envoyer nettoyer les côtés. La vitesse d’exécution ne laisse pas le temps à Ruffier de fermer l’espace (24e). Clinton sait tellement y faire quand il déborde qu’il en arrive à éclater bien plus que la seule défense stéphanoise. C’est aussi le losange qui ramasse pour prendre des allures de 4-3-3 où les couloirs sèment la zone et récoltent les occases. La disparition progressive de Lacazette n’est pas à chercher ailleurs, renvoyé aux tâches obscures quand l’exclusion de Rose (29e) le confine dans un rôle de pointe solitaire. C’est alors à Njie de manquer le cadre d’un rien sur une frappe enroulée envoyée des dix-huit mètres (49e). Le manque de réussite nous empêcherait d’y croire vraiment. Mais là encore, les faits viennent contredire le mauvais esprit qui surgit dès qu’il est question de l’homme à crête de sioux : 94 % de passes réussies, des crochets qui passent, du jeu de compensation dans le couloir avec Bedimo, des courses un peu tarées vers l’avant qui font remonter tout le bloc lyonnais. Tout est là désormais pour faire basculer son histoire – et celle de l’OL au gré des événements de fin saison. Entre naître un jour de Derby et n’être qu’un jour de Derby.

Olympique Lyonnais4. Christophe Jallet

On se souvient s’être fait la réflexion suivante : Christophe Jallet est trop bon client pour les médias pour être honnête. Façon de dire qu’on ne se laisserait pas mavubiser comme les autres parce que nous, on est le Rank et toi t’es qui, putain ?! Ressorti de sa première conférence de presse avec un sourire niais et la furieuse envie de lui offrir une caisse de côte-rôtie, on en avait conclu que Jallet était peut-être juste un chic type et que, même si c’était feint, il faisait suffisamment bien semblant pour qu’on s’incline. Et puis, parce que ça compte un peu quand même, il était bon. Jusqu’à ce dimanche, Jallet était donc ce boy next door, déjà pas loin d’être la meilleure recrue du dernier quinquennat. Depuis, c’est un héros. Parce qu’il est revenu avec une bonne dizaine de jours d’avance après avoir subi une luxation de l’épaule ; qu’il a eu mal mais qu’il a fait beaucoup de bien ; et qu’il s’est même permis de marquer dans le Derby, une fois encore là où on l’attendait le moins : au premier poteau et de la tête (2-2, 48e). Alors on a beau ne pas être des garçons faciles, Christophe Jallet a fini par avoir nos cœurs de Rankeurs. Comme quoi, il ne faut jamais dire jamais. Et encore moins médire de Jallet.

5. Hubert Fournier

Un Derby, ça ne se joue pas, ça se gagne. On pourra toujours reprocher à Fournier de ne pas avoir su remporter le match le plus important de la saison entre Saône et Rhône. Raison de plus pour le citer parmi ceux qui, à l’OL, en ont fait quelque chose. La claque de l’aller était déjà parvenue à envoyer un 4-4-2 jusque-là juvénile et inconstant dans la course au titre. Le résultat du retour peut bien ramener l’OL à sa place naturelle, soit dans l’ombre de Paris, il ne dit rien d’une démonstration tellement éclatante qu’elle prend l’allure de manifeste du jeu lyonnais : intensité, technique, vitesse. Pour avoir droit à ce récital, il fallait des joueurs sûrs de leur force. À dix contre onze, ils avaient besoin d’un coach qui les renforce un peu plus dans cette orientation. Menés avant la mi-temps, ils peuvent compter sur la science du technicien et de son staff pour prendre le temps de revenir au score sans avoir besoin d’en passer par le jeu à haut risque. Bien au-delà de la qualité de la prestation, c’est peut-être dans ces deux moments-là que s’imprime le mieux la marque de Fournier. Dans cet équilibre entre une assurance gagnée au fil de la saison et une intelligence collective qui tient à distance le manque d’expérience de certains. À la différence de l’effet Rémi Garde qui se voyait surtout les soirs de Derby ou de l’effet Bielsa qui renverrait davantage à une forme de dépendance à la limite de l’étouffement, celui recherché par Fournier a le mérite de ne pas se voir. Ce qui, dans une ville qui porte la discrétion au rang de vertu, est ce qui pouvait lui arriver de mieux. Pour vivre heureux, vivons coachés.

Par Pierre PrugneauSerge Rezza

Retrouvez le Rank’n’OL sur OL Dirty Bastards et le Libéro Lyon.

(Photo Moa – Panoramic)

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