Pourquoi l’OL doit arrêter de viser l’Europe

OL1

HUMEUR. En imaginant qu’il ne lui manque pas grand-chose à court terme pour redevenir ce qu’il était il n’y a pas si longtemps, l’OL ferme les yeux sur le fait qu’il est loin du compte. Il est temps d’assumer le déclassement pour préparer le reclassement.

« On n’est pas à notre place ». Les matchs se suivent et se ressemblent : aux habituelles prestations insuffisantes succède une désormais traditionnelle interview d’Anthony Lopes expliquant qu’il faut se dire les choses, et que l’OL retrouvera la place qui est la sienne. Mais quelle est cette place, au juste ? Celle de son budget ? De ses infrastructures ? De sa notoriété ? La question n’est jamais posée par les journalistes, et elle l’est finalement assez rarement de la part des supporters.

Car c’est entendu, L’OL resterait une institution majeure de la Ligue 1, certes momentanément en crise, mais qui doit retrouver naturellement le haut du tableau car il est programmé pour cela. La théorie est d’autant plus tentante que son salarié-président, Jean-Michel Aulas, la répète ad nauseam, s’appuyant sur des mastodontes étrangers en petite forme (Chelsea, Liverpool) pour (se) rassurer.

La fameuse « irrégularité » tantôt imputée à la jeunesse, au manque de confiance ou à la malchance prend de plus en plus la forme d’une vérité très régulière.

Quelle est la vraie place de l’OL ? La question est plus importante qu’il n’y paraît, car elle est un des éléments qui doit définir la politique sportive du club. Jouer le titre, les places européennes ou le maintien, cela ne signifie bien sûr pas la même chose en termes d’investissements financiers et de profils de joueurs. Mais, surtout, cela inscrit le club dans des trajectoires différentes à court, moyen, et long terme.

Le cas de l’OL en est le meilleur exemple. (Auto)-persuadé qu’il appartient au gratin de la L1, il se démène pour recoller au classement et grappiller coûte que coûte ces quelques points qui manquent. A chaque victoire, un espoir : est-ce enfin l’étincelle ? Après tout, l’Europe n’est plus si loin. Espoir balayé lors de la contre-performance du week-end suivant.

Une statistique devrait depuis longtemps avoir dissipé tous les doutes : après 26 journées, l’OL n’a jamais enchaîné plus de deux victoires de suite en L1. La fameuse « irrégularité » tantôt imputée à la jeunesse, au manque de confiance ou à la malchance prend de plus en plus la forme d’une vérité très régulière : l’OL est devenue une équipe du haut du ventre mou avec ce que cela signifie : une majorité de victoires contre les petits (sauf exceptions), des difficultés contre les gros (sauf quand ils sont très malades), et des matchs moyens qui peuvent tourner des deux côtés contre les concurrents du ventre mou.

Le club a besoin d’argent, les joueurs de perspectives

Refusant ce constant, l’OL continue de vouloir mener grand train, en s’offrant des joueurs ou des coachs devenus trop chers pour un club de milieu de tableau (Tolisso, Lacazette, Blanc…) tout en constatant une attractivité devenue de plus en plus faible, comme en témoigne la panique de la fin du mercato d’hiver aux postes de milieu de terrain et d’attaquant. La direction sportive (sic) espère ainsi qu’un surcroît d’investissement sur ce qui marchait bien avant suffira à ce que ça aille mieux demain. La partie sportive suit : refusant le constat de son déclassement, l’OL s’acharne à vouloir recoller au classement en misant sur les plus faibles incertitudes dont il croit disposer : les revenants, bien sûr, mais aussi les supposés « tauliers » avec de l’expérience (Toko-Ekambi, Marcelo…), même lorsqu’ils sont en fin de contrat et complètement désintéressés (Dembélé, Aouar).

La réalité du terrain étant sans pitié, elle n’épargne pas un club devenu trop gros pour ses résultats. Voilà qui explique pourquoi, malgré des investissements importants, l’OL doit aussi dégraisser. Le club est endetté, le foot ne rapporte plus parce que les saisons sans Europe sont presque devenues habituelles, et la liste des sacrifiés s’allonge : Gusto, Paqueta, Guimaraes, et avant eux Mendy, Ndombele… Il faut vite se séparer des bijoux qui commencent tout juste à briller, ce qui arrange bien tout le monde : le club, qui a besoin d’argent, et les joueurs, qui sentent bien que le club n’a plus de perspectives.

Au passage, disons un mot de la véritable puissance financière de l’OL. Souvent présenté comme le « deuxième budget de L1 » – ce qu’il est comptablement – le club lyonnais est en fait un club de milieu de tableau en termes de balance des transferts, loin derrière le PSG, Marseille, Rennes ou Nice. Son important chiffre d’affaires – qui englobe des activités hors football – ne dit pas grand-chose de l’argent qu’il compte vraiment mettre au profit de l’équipe – au sens large – qui évolue en L1.

Si l’on admet que l’OL est devenu un club de ventre mou de notre championnat, toutes les perspectives sont redessinées. L’OL n’est plus celui qui doit absolument rester au contact des places européennes dimanche prochain, mais celui qui doit reconstruire un projet pour se rapprocher de nouveau de l’Europe à moyen terme. Cela change tout : la pression pour l’atteinte de la Coupe d’Europe s’atténue, les exigences de résultats aussi. L’enjeu devient celui de retrouver un fond de jeu, de construire un collectif, et de se rapprocher à terme des places européennes, avec en cerise sur le gâteau la possibilité d’y participer si les choses tournent bien.

« Donnons du temps à l’OL : acceptons qu’il est déclassé »

Pour mener un tel projet, l’OL dispose d’un atout unique en France : son centre de formation. Il lui offre une base largement au niveau pour jouer le ventre mou (de fait, c’est le cas actuellement par la force des choses), et c’est à partir de lui que peuvent se reconstruire les choses. De cette base, tout doit changer : le président et ses équipes d’abord, eux qui n’accepteront jamais d’accepter le déclassement et de reconstruire un nouveau projet ; Laurent Blanc et la plupart du staff ensuite, lui qui a été mis en place dans l’optique d’obtenir des résultats à court-terme et qui préfère des joueurs en fin de contrat à des espoirs du centre de formation ; la majorité de l’effectif, enfin, lui qui oscille entre désillusion et désintérêt.

Le nouveau projet doit être basé sur le centre de formation, car c’est la seule certitude à court terme, une ancre d’attachement identitaire pour les supporters, et une chance exceptionnelle pour un club aux abois. Mais il ne peut pas être l’alpha et l’omega du nouveau projet, qui implique refonte totale de la direction sportive, de la cellule de recrutement et du staff au sens large. Cela prend du temps, et c’est ce qui manque forcément lorsqu’un club espère encore rattraper l’Europe à la 26ème journée alors qu’il n’a jamais enchaîné trois victoires. Donnons du temps à l’OL : acceptons qu’il est déclassé, qu’il se reconstruit, et qu’il est parfois plus simple (et moins cher) de presque tout raser pour mieux reconstruire.

Vincent G.

(Photo Damien LG / OL)

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