Dans la tête de Miguel Lopes

SÉANCE #9. Juste avant de passer entre les mains du Dr Sonnery-Cottet pour se faire opérer du tibia, Miguel Lopes a fait un détour par le cabinet du Dr Meriem Cherchab. Un passage sur le divan moins futile que ça en a l’air pour un homme terrorisé, un peu par sa blessure, beaucoup par la fatalité.

Aujourd’hui on joue Guingamp. Hier soir on a regardé « Souviens-toi l’été dernier », du coup les gars et moi-même sommes en panique à l’idée de savoir qu’un mec peut se péter à tout moment. La tension est au maximum. En arrivant au stade, un jardinier local nous propose de visiter ses plantations de tomates et de carottes sur la pelouse. On décline avec courtoisie, avant de comprendre ce qu’il voulait dire.

Sur le terrain, on joue à 11 contre 20 en comptant les taupes qui surgissent de temps à autre. J’ai beau me concentrer sur le match, j’arrive pas à retirer cette idée qui hante mon esprit depuis hier : « Et si j’étais le prochain ? » Je m’attends à tout moment à voir surgir un mec encagoulé avec une hache pour me briser la jambe. Ou pire encore : scalper mon bisou sur le cou.

À la mi-temps, on n’a rien à se mettre sous la dent. Le Mister, quelques cheveux blancs en plus, écrit nerveusement sur un bout de papier la liste des joueurs blessés. Voyant qu’il n’a plus de place pour écrire, Bruno Genesio lui offre un carnet. Bafétimbi Gomis me demande de le prendre en photo. Il porte un survêtement Puma vert, assorti à des chaussures italiennes de la même couleur. « Mais, Bafé, comment tu peux porter du vert ? » , lui demande Maxime Gonalons. « T’inquiète pas mon capitaine, c’est juste pour gagner des sous avant le Derby. » Joël Bats propose de l’étrangler, cette fois-ci à mains nues. Le coach lui demande d’attendre encore un peu.

Au retour des vestiaires, Bafé Gomis plante son but, le seul et l’unique du match. On joue sereinement jusqu’à ce que Mouhamadou Dabo tombe sur la pelouse. Milan Bisevac se blesse aussi. Apeurés, on se regarde tous, et là tout le monde comprend. Je décide alors d’aller me cacher derrière les panneaux publicitaires, histoire d’éviter d’être le prochain sur la liste. Max me force à revenir sur le terrain en m’assurant que le film d’hier n’était que de la fiction. Moi, je n’y crois pas. À la 86e minute, dans un moment de révolte et d’héroïsme, je me pète le tibia gauche. La malédiction est en marche et j’en suis une victime collatérale.

Je reste sur la pelouse malgré ma blessure pour savourer ma première et dernière saison à l’OL. Avec une pointe de nostalgie. Moins douloureuse, celle-là.

Meriem Cherchab

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