Pont-Saint-Esprit – OL (1-0) 1993 : quand le fighting spiripontain achevait l’ère Domenech

OL

ÉPHÉMÉRIDE. Entre la dernière semaine du mois de février 1993 et la sortie 35 de l’autoroute A9, se trouve à Pont-Saint-Esprit l’un des plus tristes souvenirs de l’histoire contemporaine de l’OL. Retour sur un échec douloureux en 32e de finale de Coupe de France et sur la fin sans éclat de l’ère Raymond Domenech.

 

JMAPontSaintEsprit

Twitter n’existait évidemment pas à l’époque et cette déclaration présidentielle est en réalité issue du Progrès du lundi 9 mars 1993. Nous pourrions nous arrêter à cette litanie d’excuses typique des éliminations précoces en Coupe de France et refermer ce souvenir sur lui-même pour toujours. Mais ce catastrophique Pont-Saint-Esprit – OL est bien plus qu’une classique surprise des 32e de finale. Il s’agit en fait du dernier acte de l’ère Domenech débutée dans l’allégresse de la saison 1988/89 et qui devait s’achever dans la tristesse au printemps 1993. La faute en partie au fighting spirit gardois, mais pas seulement. Explications.

 

Difficile apprentissage

La qualification inespérée en coupe de l’UEFA en 1991 était, à cette époque, la dernière marche de l’irrésistible progression de ce nouvel OL modelé par Jean-Michel Aulas (JMA accède à la présidence de l’OL en 1987. Le club remonte en D1 en 1989 et se qualifie, de manière in extremis, en C3 au terme de la saison 1990/91). La morosité, ponctuée de désillusions et de mauvais choix, avait pris le dessus sur l’immense enthousiasme de la remontée en D1. Depuis deux ans, les supporters lyonnais avaient tour à tour appris :
– à situer Trabzon sur une carte de Turquie (L’OL est éliminé de la C3 1991/92 au terme d’une double confrontation contre le club turc de Trabzonspor)
– que Alfonso Fernandez Leal n’était pas le génie promis par Bernard Lacombe, (recruté à l’été 1991, le transfuge de Castellon est alors présenté comme le deuxième meilleur milieu de terrain de la Liga)
– que Thomas Pfannkuch n’avait qu’un point commun avec Franz Beckenbauer et que ce n’était pas son jeu (l’Allemand avait de son côté été comparé à son illustre compatriote)
– à gérer la déception d’une élimination en 32e de finale par un club de niveau inférieur (le terrible FC Istres Ville Nouvelle, club de deuxième division, avait éliminé aux tirs au but l’OL en 1992)
– à gérer le stress d’une lutte pour le maintien (l’OL sauve sa place en D1 le 17 avril 1992 en battant Auxerre 1-0 lors de la 36ème journée de championnat)
– que recruter un champion d’Europe, c’est bien, mais qu’avec ses genoux, c’est mieux (Torben Frank, tout juste vainqueur de l’Euro avec le Danemark, débarque à Lyon blessé et ne jouera jamais un match officiel avec l’OL)

 

Une victoire contre Pont-Saint-Esprit… en D3

La saison 1992/93, moins pénible mais toute aussi anesthésiante que la précédente, semblait confirmer une tendance : l’OL, revenu en D1 quatre ans auparavant, redevenait le club moyen et irrégulier qu’il avait toujours été, les Coupes de France en moins. Justement, la Coupe de France 1993 était devenu le dernier objectif de cette année insipide quand le tirage au sort offrit à l’OL un adversaire largement à sa portée : l’Indépendante Pont-Saint-Esprit qui, au tour précédent, avait difficilement battu 1-0 l’Union Olympique Demi-Lunoise. Oui, ce Tassin-la-Demi-Lune là, qui était alors dernier de son championnat d’honneur régional.

Le 2 février 1993, le hasard et la main de Jean-Pierre Foucault choisirent donc d’opposer l’OL et Pont-Saint-Esprit. Bernard Lacombe déclara : « Si on passe les 32e, on ira en finale. » Le décor, bizarre, était planté. Nous étions l’Olympique Lyonnais, nous n’avions peur de personne et, si nous battions une équipe inférieure de deux niveaux, nous irions au bout ! Et cet exploit de battre les Spiripontains, l’OL allait l’accomplir en… D3.

Le 15 février, les deux clubs se retrouvent en effet sur le terrain n°10 de la plaine des jeux de Gerland. La réserve de l’OL, et le jeune Florian Maurice, reçoit le renfort de nombreux professionnels : Alim Ben Mabrouk, Alfonso Fernandez Leal, Guillaume Masson, Alexandre Bès, Christophe Breton, Ghislain Anselmini ou encore Bruno Genesio. En face, l’équipe entraînée par Bernard Boissier, un ancien de l’OL, aligne un 4-4-2 solide et vif en contres, emmené par un certain Stéphane Boesso.

Fernandez Leal fait enfin étalage de tout son talent en poussant dans le but vide un ballon relâché par le gardien gardois. 1-0, l’OL conforte sa première place au classement de D3 et se sent capable de passer l’obstacle Pont-Saint-Esprit en Coupe de France. Malheureusement, et nous ne le savions pas encore, l’OL s’apprêtait à vivre l’une des pires quinzaines de son Histoire.

 

« Nous n’avons jamais réussi à battre notre D3″

La quinzaine commença par le 76e derby. En ce glacial vendredi 26 février 1993, l’OL avait rendez-vous avec son plus grand ennemi à Gerland. Invaincus contre les verts depuis septembre 1989, nous chérissions cette série comme la dernière de nos fiertés. Sûr de sa force, l’OL avait même prévu un spectacle pyrotechnique pour la fin de la partie. Gerland aura finalement le droit à un feu d’artifice de violences dans les tribunes et autour du stade, et à une très réaliste victoire stéphanoise sur le terrain.

Le climat délétère qui avait entouré cette défaite restera, pour longtemps, gravée dans les mémoires. La fin de l’hiver était bien celle des humiliations. Mais nous n’avions encore rien vu. La peur changeait de champ et remontait le Rhône. De Pont-Saint-Esprit, qui confirmait sa volonté de jouer l’OL dans son petit stade et non à Nîmes, elle débarquait à Lyon. Pour preuve, cette déclaration étrange de Raymond Domenech dans Le Progrès du 3 mars 1993 : « Ce n’est pas dimanche qu’il faudra se mettre dans le match. Aujourd’hui, j’ai la nette impression que les gars ne sont pas motivés, que le match leur parait bien loin, qu’ils se disent que notre D3 les a battus deux fois en championnat. À cela, je réponds : OK. Mais il ne faut pas oublier que nous n’avons, nous-mêmes, jamais réussi à battre notre D3… »

 

Explosion de transistors

En cet après-midi ensoleillé et venteux du 7 mars 1993, l’ambiance est champêtre pour accueillir l’OL. Une centaine de supporters lyonnais ont fait le déplacement au Stade du Clos Bon Aure. D’autres, comme l’auteur de ses quelques lignes, suivent le match l’oreille collée au multiplex du transistor. Domenech, privé de Garde (blessé à l’échauffement), Rousset et Flachez aligne Breton dans les cages, Debrosse, Péan, N’Gotty, Bès en défense, Deplace, Fugier, Gava et Delamontagne au milieu, Debbah et Abou en pointes face un 4-3-3 gardois animé par leur n°10 Stéphane Boesso.

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Comme de coutume, le petit se montre solide, résistant et patient quand que le supposé grand club professionnel accumule les imprécisions et brouillonne son football. Évidemment, le gardien de Pont-Saint-Esprit sort le match de sa vie (selon l’expression consacrée) et sauve à trois reprises son équipe de l’ouverture du score en première mi-temps. L’hypothèse d’une quatrième élimination consécutive en 32e de finale (après Nîmes, Angers et Istres) commence à prendre forme. Et ce qui doit arriver arrive.

Au retour des vestiaires, Boesso, lancé dans le dos d’une défense lyonnaise attentiste, bat facilement Breton. Explosion de joie dans le Gard, explosions de radio-cassettes à Lyon. L’OL nous offrait une humiliation qui en cumulait plusieurs : perdre dès l’entrée en lice en Coupe de France, perdre contre un adversaire qui évolue deux divisions plus bas et perdre contre un adversaire qui, comble du mauvais goût, joue le match en vert.

Stéphane Boesso, le héros du jour, dans son très seyant maillot Intermarché Pont Saint Esprit

Stéphane Boesso, le héros du jour, dans son très seyant maillot Intermarché Pont Saint Esprit

 

Domenech, une fin dans le noir

Dès le lendemain, l’immuable boîte à excuses présidentielle ronronna ses sempiternelles explications climatico-arbitrales. Mais elle se heurta à une sourde colère et surtout à cette triste impression que la génération de la remontée de 1989 avait vécu. Elle avait abandonné ses derniers reliquats d’enthousiasme sur le terrain bosselé du Stade Clos Bon Aure de Pont-Saint-Esprit. La saison devait se terminer rapidement et la page devait se tourner.

Des « Aulas démission ! » et des « Domenech démission ! » se firent entendre dans les travées de Gerland. Ce n’était pas un désamour, c’était simplement l’envie de ne pas entacher cette période avec davantage de mauvais souvenirs, nous voulions qu’elle s’arrête pour ne garder d’elle que le meilleur. Le boss promit de la fermeté : des mises au vert, des mises à l’écart et des réductions de primes de matchs, mais la saison et le temps des promesses étaient terminés. Restaient onze matchs à jouer en D1 : sept défaites, deux nuls, deux victoires et rien pour se consoler. De son côté, l’Indépendante accueillit le week-end suivant son exploit un autre club lyonnais. La Duchère réussit, elle, à arracher un match nul face aux Gardois sur le chemin de sa montée (finalement refusée) en D2.

C’est ainsi que s’achevait l’aventure d’une génération débutée cinq ans avant avec le retour de Domenech. Au soir du dernier match de la saison contre Bordeaux (une défaite, évidemment), Domenech entama un tour d’honneur sous les applaudissements. Soudain, le stade s’éteignit à cause d’une coupure (volontaire ?) de courant. L’ère Domenech s’achevait dans le noir, l’OL se retrouvait devant une nouvelle page blanche à écrire.

phanou herko

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