De quoi Karl Toko Ekambi est-il l’incarnation ?

KTE

PORTRAIT-ROBOT. Sa sortie lors de la défaite contre Strasbourg pourrait être la goutte d’eau qui fait déborder un vase bien rempli. Si beaucoup d’observateurs externes se réveillent soudainement pour voir dans le rejet du joueur par ses supporters quelque chose d’arbitraire, un statut de tête de Turc sorti de nulle part, le dossier Karl Toko Ekambi est évidemment plus épais que ça.

La patte de Garcia

Arrivé pour pallier l’absence de Memphis Depay et Jeff Reine-Adélaïde au mercato hivernal 2020, Toko Ekambi a souffert d’être un choix estampillé Garcia (pas l’entraîneur le plus populaire ici). Pour ne rien arranger, avec KTE dans son effectif, Rudi ne fait jouer qu’une minute de jeu à Gouiri entre janvier et mars 2020. Le Covid interrompt le foot, qui reprend en août, à un moment ou Memphis et Reine-Adélaïde font leur retour. Le prêt de Toko, alors tout proche de ses 28 ans, est transformé en achat (4 M€ le prêt, 11,5 M€ l’achat). Gouiri n’a définitivement plus de place, il est vendu pour 7 M€ à Nice, générant l’indignation de pas mal de « suiveurs de l’Academy » pour qui le move est clairement perdant, à une période où les cas Kalulu et Bard rendent le sujet des jeunes formés au club particulièrement sensible.

Persistance rétinienne à la Cornet

Toko Ekambi a fait preuve d’une constance à très bon niveau (jeu et statistiques) lors du dernier trimestre 2020. Joueur fort d’un OL dominant (champion d’automne cette saison-là), il a marqué certains esprits. Pour qui regarde l’OL avec une certaine distance, il est facile de mémoriser cette période comme une référence. Trois mois, c’est assez pour donner une impression favorable qui dure, même quand les choses se dégradent assez vite ensuite. Cornet a bénéficié d’une vibe similaire, quand a livré des performances étonnantes sur des matchs très exposés à l’été 2020 lors du Final 8. Il est devenu dans les mémoires collectives l’exemple-type de l’ailier reconverti piston avec succès, alors qu’il est devenu cata à ce poste dès le mois de septembre.

Le problème de l’OL
est de couler trop lentement

Le syndrome Genesio

Toko n’est donc pas un joueur mauvais. Et même après 2020, il a été au niveau bien des fois, et a marqué pas mal de buts, et des beaux. Il reste susceptible d’offrir des 8/10 qui font plaisir, mais il est aussi capable, dans la foulée, d’enchaîner des perf à 2 ou 3/10 qui amplifient l’incompréhension et la lassitude. Le fait est que vu de l’extérieur, encore une fois, ses belles performances semblent plus visibles, ou marquent davantage les esprits. Un peu comme à la grande époque Genesio : ceux qui regardaient OL-PSG et City-OL affirmaient que l’équipe jouait bien, oubliant (ou n’ayant pas vu) les matchs contre Caen, Angers et Amiens. Ce genre de décalage entre la perception extérieure et celle des assidus, pousse inévitablement les premiers à considérer les seconds comme trop durs tout en amplifiant l’agacement des seconds.

Le style de Ghezzal

Tout le monde l’a oublié assez vite, mais Ghezzal a été un titulaire en puissance à l’OL entre janvier 2016 et juin 2017. Dans ses périodes fastes comme dans la galère, il se distinguait par la récurrence de son jeu. Faux-pied partant de la droite, repiquant sur son gauche pour frapper. Et ainsi de suite. Dans la ligne offensive actuelle de l’OL, Toko fait figure de seul joueur dit « de profondeur », une aptitude parfois exploitée avec réussite, mais souvent laissée de côté pour faire le faux-pied parti de la gauche, repiquer sur son droit pour frapper. Une récurrence qui lui vaut une certaine expertise, mais également d’être plutôt très prévisible. Ce qui ennuie forcément ses supporters et régale les adversaires, contre qui il n’a plus marqué depuis le 11 septembre 2022.

Un statut mal-taillé à la Mapou

Blanc l’a récemment exprimé avec maladresse : « Karl, c’est marrant car son niveau pendant la semaine est très différent de celui en match ». Malgré ce constat, l’actuel entraîneur de l’OL, comme ses prédécesseurs Bosz et Garcia, fait jouer KTE. Quasi tout le temps. Il incarne, avec d’autres, la logique des statuts qui nuit à une véritable concurrence au sein de l’effectif lyonnais. Certains se souviendront de Mapou Yanga-Mbiwa, alors en réserve depuis plus d’un an, sans avenir à l’OL et attendant patiemment sa fin de contrat, préféré à Pierre Kalulu pour étoffer le groupe à plusieurs reprises lors de l’hiver 2020.

L’à-propos de Dubois, le doigté de Marcelo

Chambrer la tribune après un but inutile dans un match inutile… En enchaînant les gestuelles dites du « chut » et du « on ne vous entend plus » (assorties d’insultes selon certaines sources), Toko n’a semble-t-il pas bien compris qu’une victoire 5-2 qui ne compte pour rien, à la fin de la pire saison depuis 25 ans, n’avait pas valeur de preuve de quoi que ce soit. Un move qui rappelle celui de Dubois, encore plus chirurgical, chambrant les supporters après son unique geste décisif de la saison contre Porto l’an passé, et la réaction pleine de doigté de Marcelo après Leipzig en 2019.

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même depuis Charleville-Mézières

Victime et porte-étendard d’un OL complètement perdu

Soyons honnête : en partie, oui, le rejet qu’inspire Toko Ekambi peut sembler injuste, dans la mesure où il souffre d’incarner certains maux de l’OL malgré lui. Il n’est pas responsable de l’identité du coach qui le fait venir, ni du prix qu’il a coûté. On ne peut lui reprocher d’être si souvent titulaire, ce n’est pas lui qui en décide. Ce n’est pas de sa faute si la concurrence avec des Gouiri, Cherki ou Barcola lui vaut un malus dans l’esprit des supporters les plus branchés sur l’Academy. Mais son irrégularité, où chaque match réussi est exagérément mis en avant et la récurrence de plus en plus marquée des performances décevantes glissée sous le tapis, relève bel et bien du joueur. Son attitude, aussi : qu’il s’agisse de chambrer les supporters ou de sortir du terrain en marchant alors que l’OL est mené, KTE donne l’impression de ne rien comprendre au cadre dans lequel il évolue. Depuis plusieurs saisons maintenant, l’OL agace par sa certitude de valoir mieux que ses résultats, s’accroche à son statut passé, s’empêche d’évoluer et ne comprend pas la colère des supporters. Cette partie-là du club, Toko l’incarne beaucoup plus délibérément.

Eloi Pailloux

(Photo L. Domoztski / OL)

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