Comment le lancement de Spoutnik 1 en 1957 a conduit à la défaite de l’OL contre le LOSC

Ezquiel Ponce

HISTOIRE. « Petites causes, grandes conséquences. Pourtant jolie comme expression. Petites choses, dégâts immenses », théorisait le philosophe Bruno Nicolini à propos du phénomène connu de façon triviale sous le nom « d’effet papillon ». Un phénomène qui permet notamment d’expliquer la deuxième défaite de la saison de l’OL, face à un adversaire pourtant 19e de Ligue 1 au coup d’envoi. Une contre-performance contre le LOSC qui prend ses racines il y a tout juste 60 ans.

 

Spoutnik 1, missile gap et débat Kennedy/Nixon

« Bip bip… » Ce simple son capté par toutes les radios du globe fait entrer le monde dans une ère nouvelle. Nous sommes le 4 octobre 1957 et l’URSS vient de mettre en orbite Spoutnik 1, le premier satellite artificiel de la Terre. La conquête de l’espace est lancée.

Le lancement de Spoutnik est un choc pour l’autre super-puissance de cette époque qu’on appellera plus tard « Guerre Froide » (les principales batailles entre les deux camps ayant lieu en Alaska et dans le Doubs). Les USA se réveillent la tête dans le cul en découvrant l’avance technologique prise par les savants soviétiques. Un complexe qui infuse largement l’opinion publique américaine lors des années suivantes. John Fitzgerald Kennedy utilise dès 1958 le terme de « missile gap » (écart de missiles, en VF) dans un discours, une expression désignant l’avance prise par les Soviétiques sur les Américains en terme de nombre de missiles nucléaires.

KennedyNixon

Ce concept de « missile gap » sera d’ailleurs l’un des sujets forts de la campagne de 1960. Les soutiens de JFK appuieront notamment sur la faiblesse présumée des Républicains en matière de défense. Cette élection présidentielle est surtout marquée par la première série de débats télévisés entre les deux candidats. Kennedy en profite pour s’échapper dans les sondages, par son calme apparent qui dénote face à l’anxiété de son adversaire au front suant, son slogan de la « New Frontier » qui parle à l’imaginaire collectif américain et transforme l’espace en Far-West à conquérir, mais aussi par son soutien à une politique de défense ferme. Nixon, qui ne peut pas trop se désolidariser de la précédente mandature, semble moins volontaire sur la question. Le débat est un tournant et JFK emportera l’élection. Merci Spoutnik, merci le « missile gap » (enfin il dira un peu moins merci trois ans plus tard lors d’un déplacement à Dallas, mais c’est une autre histoire).

« Le monopole du cœur » et Robien d’Amiens

On traverse l’Atlantique et on fait une avance rapide de 14 ans. La télévision a changé le game (comme disent les jeunes d’origine maghrébine), y compris en France. Le débat Kennedy-Nixon a eu un retentissement planétaire et il est donc décidé d’en organiser un pour l’élection présidentielle française de 1974. Le Kennedy français s’appelle Giscard d’Estaing : en une phrase, il gagne son clash face à Mitterrand. Le format .gif n’existe pas encore, mais VGE aurait mérité que Brut fasse un montage avec sa punchline suivie de cette image animée.

Comme tous les hommes politiques à succès, Giscard attire des jeunes loups aux dents longues. L’un d’eux se nomme Gilles de Robien. Président de la fédération départementale de la Somme du Parti républicain à partir de 1977, il devient ensuite maire d’Amiens en 1989. Il sera réélu deux fois, en 1995 et 2001. Sous son impulsion, la cité picarde se modernise. Son bon boulot est remarqué : il reçoit une Marianne d’Or en 1999 et le journal l’Équipe décerne aussi à la ville le titre de « Ville la plus sportive de France » la même année.

 

Licorne, Loco et fin de série pour l’OL

Amiens a donc la folie des grandeurs en cette fin des années 90 : la ville dirigée par Robien décide de bâtir un nouveau stade de football. La construction de la Licorne débute en 1997, et l’enceinte sort de terre en 1999. Les débuts sont flamboyants : Amiens accueille de grands événements sportifs (Trophée des Champions entre le Nantes de Nicolas Savinaud et le Bordeaux de Kodjo Afanou) et culturels (concert de Johnny Hallyday). Mais très vite, l’état du stade se dégrade.

Architecte, municipalité et club : chacun se renvoie la balle. Toujours est-il que la vétusté de la Licorne a de graves conséquences le 30 septembre 2017 : des supporters lillois descendent en bas du parcage pour fêter un but, une barrière cède, 29 blessés sont à déplorer. Le match est interrompu, avant d’être rejoué quelques semaines plus tard.

Sur le terrain, tout tourne différemment. Lille menait 0-1 et avait totalement dominé le début de match lors de la rencontre initiale. Cette fois, Fares Bahlouli est blessé et le LOSC est balayé 3-0 par Amiens. Marcelo Bielsa fait les frais de cette défaite. Le technicien argentin est « suspendu momentanément » par le club nordiste.

À relire : pourquoi Hubert Fournier est meilleur que Marcelo Bielsa

Le déplacement à Décines se fait donc sans ce soi-disant grand génie du football, qui n’a jamais battu l’OL en 4 tentatives. L’équipe est enfin cohérente sans les choix incompréhensibles du Gourou de Rosario, les joueurs peuvent enfin jouer libérés en l’absence du Dictateur en Jogging.

Sans Spoutnik, pas de « missile gap » et de « New Frontier ». Sans « missile gap » et« New Frontier », pas d’avantage à JFK lors du débat contre Nixon. Sans débat marquant aux USA, pas de débat télévisé en France. Sans débat télévisé en France, pas d’élection de Giscard. Sans Giscard président, pas de Gilles de Robien. Sans Robien, pas de stade de la Licorne. Sans Licorne, pas de licenciement de Marcelo Bielsa. Avec Marcelo Bielsa, une victoire facile de l’OL. ALORS POURQUOI VOUS AVEZ VOULU ENVOYER UN BALLON FAIRE « BIP BIP » DANS L’ESPACE, SALOPERIES DE COCOS ?

Zénon Zadkine

(Photo LOSC)

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