Casimir Ninga, le Johnny Hallyday du Tchad

Ninga

INCULTURE FOOT. Florian Bifflard (c’est un pseudonyme), notre analyste vidéo à nous, voit pas moins de trois matchs de Ligue 1 par week-end. Avant chaque match de championnat de l’OL, il nous présente dans cette nouvelle rubrique « Inculture Foot » un adversaire à suivre. Pour le déplacement à Montpellier, il nous conseille de garder un œil sur Casimir Ninga, véritable star dans son pays.

 

Être l’attaquant de l’Équipe de France n’a que des inconvénients : la concurrence au poste d’attaquant et les critiques des médias par exemple, mais principalement le fait d’être dirigé par Didier Deschamps. Pour une pratique joyeuse du football, le Guide du Footard recommande les nations classées au-delà de la 140e place du classement FIFA. Toute sa carrière, le Tchadien Casimir Ninga a affronté des ambiances hostiles, que ce soit lors de la CAN ou durant les déplacements à Bastia. Les rencontres du continent africain sont sa Coupe du monde. Zambie, Mozambique, Congo, Malawi : des stades de 30 000 places à l’atmosphère irrespirable. 80 000 spectateurs à l’entrée, un peu moins à la sortie. 80 000 passionnés venus admirer de médiocres joueurs de L1, comme dans un témoignage éclairant du désœuvrement de l’Afrique.

Star chez lui, anonyme dans le reste du monde, Ninga est un Johnny Hallyday qui aurait bâti sa carrière sur des reprises de volées plutôt que des reprises volées dans le répertoire américain. Ainsi va la vie de l’international star d’un nain du football. À chaque rassemblement de la sélection, il apporte équipement, maillots, préservatifs et vaccins. Proche du Ministre des Sports, il lui réclame les primes de victoire et la libération de ses coéquipiers qui ont eu cette idée avant lui. Blessé, il loge dans la tribune présidentielle. Ballon d’Or, il devient président de sa république. Partagé entre insouciance et gravité, il doit mener sa carrière tout en inspirant la jeunesse. Ce poids s’étend aux cinq continents. Regardez Mario Balotelli : souvent nerveux sur un terrain, il a conscience d’incarner le seul espoir de sa nation pour les années futures.

Meilleur joueur de son pays, Casimir Ninga réalise le rêve de ces collégiens français qui s’imaginaient footballeur de l’Azerbaïdjan en plein contrôle. Ils étaient aussi nuls en foot qu’en géo. Combien d’entre eux rêvaient de disputer les qualifs du Mondial ? Des milliers, assurément. Des milliers de pauvres petits Français qui n’ont pas eu la chance de naître en Azerbaïdjan, au Tchad ou en Corée du Nord.

Par le jeu de la double nationalité, des footballeurs talentueux peuvent revêtir le maillot d’une sélection mineure. C’est toute la beauté de ce sport. Plutôt que de rester dans l’ombre, des Brésiliens portent ainsi les couleurs du Qatar, l’un des plus petits pays au monde. Des philanthropes font le choix d’évoluer à Monaco, un geste chevaleresque, même s’ils pourraient quand même faire l’effort de chanter l’hymne avant les matchs. Dans chaque micro-état se cache un Alexandre Lacazette guatémaltèque remplaçant en D1 mexicaine. En voyant Ninga jouer contre l’OL, en scrutant ses prises de balle, vous rirez sûrement. Pensez simplement que son poster trône dans chaque chaumière du Tchad. Pensez-y, vraiment. Et la prochaine fois que vous aurez une pensée raciste dans le métro, dites-vous que ce type qui emmerde la moitié de la rame avec son gros sac de sport est peut-être la plus grande star du Lesotho.

Florian Bifflard

(Photo MHSC)

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