Supporters lyonnais, est-ce que vous êtes las ?

OL2

HUMEUR. Ce dimanche, les principaux groupes de supporters de l’OL ont décidé de se réunir sur le parvis du stade pour exprimer leur mécontentement. Quels que soient leurs arguments et les manifestations prévues, l’interprétation qui en sera faite par la majorité des observateurs est déjà calée. Les supporters lyonnais, même quand ils ont raison, sont de vilains enfants gâtés, des coupeurs de tête.

Lors du match Lyon-Strasbourg, Amin Sarr fait sa première entrée en jeu pour l’OL. Le public applaudit. Le commentateur de Canal+ semble s’en étonner. En mode : « Tiens, voilà un joueur bien accueilli par le public ». C’est une petite phrase en passant, certainement non-préméditée, ce qui en dit d’autant plus long. Dans la tête de ce commentateur, il apparaît surprenant que le public lyonnais acclame une recrue. Énième symptôme d’un phénomène durablement établi : les Lyonnais sont considérés comme des supporters odieux.

« Les supporters lyonnais », un concept absurde

Bizarrement, cette réputation ne semble pas remonter pas au rejet, pourtant très télégénique vu du stade, de Claude Puel. L’épisode Genesio a nettement plus marqué les esprits. Trois ans et demi de débat autour d’un entraîneur, perçu de l’extérieur comme un rejet unanime de la part « des » supporters lyonnais, avec un gros pluriel qui tache. Avec des temps forts très médiatisés : la fameuse pétition avant même qu’il ne gère son premier match ; l’agression de Genesio et sa fille à Confluence par un supporter ; les banderoles ; le lâchage de Genesio par Aulas sous pression des supporters, en direct, après l’élimination contre Rennes en coupe de France.

Il serait très tentant de factualiser ces épisodes. Chacun mériterait un décryptage à part entière (la pétition rassemble 8 ans après son lancement 2800 signatures – pas toutes d’époque et certaines avec des noms bidons – sur une communauté de plusieurs centaines de milliers d’individus ; l’embrouille du Azar n’a rien à voir avec la contestation du travail de Genesio, mais est une banale embrouile de soirée ; les banderoles, deux au total, tout sauf gratuites et féroces ; Aulas n’a jamais lâché Genesio, encore moins après le match de Rennes ; hop, on a fait le plus gros). On se contentera de faire remarquer que Genesio avait aussi des défenseurs, dans les tribunes et sur les réseaux sociaux (tous ne faisant d’ailleurs pas preuve non plus d’une argumentation ciselée), et que si les sceptiques ont pu être majoritaires au moins à la fin, certains se montraient capables de nuances, et de lui reconnaître des qualités et des réussites. On peut aussi suggérer que trois ans et demi, c’est assez long pour qu’un avis évolue (et pour un mandat d’entraîneur). Mais bon, qu’importe au fond ce qui s’est réellement passé : à tort ou à raison, les mémoires collectives ont retenu une manifestation d’hostilité généralisée, et de tous les instants.

Mémoires collectives unanimes

« Les supporters lyonnais » détestaient Genesio. « Les supporters lyonnais » lui appliquaient un délit de sale gueule totalement gratuit. « Les supporters lyonnais » ont eu sa peau. L’étiquette est collée, et pour un moment. Et depuis, la mécanique est simple, pour qui ne veut pas trop se fatiguer à rentrer le détail : les Lyonnais sifflent ? Pas étonnant, ce sont des enfants gâtés, des enfoirés coupeurs de tête qui aiment à désigner, dans leur propre club, des boucs émissaires de manière arbitraire. « Souvenez-vous de Genesio… »

Prenons un joueur décevant depuis plus de deux ans et demi, jamais à la hauteur des espoirs placés en lui. Ses faits d’armes les plus notables sont un centre décisif et un chambrage lors de deux derbys, et une patate dans un match random contre Bordeaux. Ce joueur ne symbolise pas réellement les rares succès de son club sur une période de ratage global. Un ratage qu’il incarne assez bien, en revanche, à travers ses performances et le capitanat lors de la pire saison depuis 25 ans. Il finit par être sifflé à l’annonce des équipes au mois de mars de sa troisième saison. Le match suivant, sur son seul geste décisif de l’année, il enjoint le public à la fermer. Le divorce est consommé. Ce genre d’histoire serait exclusif à l’OL, vraiment ? À en croire l’essentiel des chroniqueurs et consultants, oui.

Pour ceux qui n'avaient pas compris...

Pour ceux qui n’avaient pas deviné…

Je suis d’accord avec vous mais fermez-là

On a déjà essayé ici de montrer ce que le cas Toko Ekambi pouvait recelait de plus complexe qu’un rejet gratuit, venu comme une envie de pisser. On pourrait se livrer au même exercice pour Marcelo, Cornet, Beauvue, etc. Tous ont leur propre histoire avec le club et les supporters. On les décrypterait sans doute avec un peu plus de parti pris que ce qu’on voudrait. N’empêche : même menée subjectivement, cette approche serait toujours plus fine que de mettre tous ces cas dans le même panier, avec une explication unique, « les supporters lyonnais sont la cause commune à tous ces rejets » (au lieu de se dire que ce rejet est la conséquence commune de plusieurs histoires différentes).

Il faut pourtant faire avec. Ami supporter lyonnais, tu es fiché. Et si demain tu exprimes ton ras-le-bol d’une situation que même les suiveurs les plus approximatifs ont fini par juger indigne de l’OL, tu ne seras pas crédible. Le journaliste untel ou le consultant bidule, qui la veille aura fait le même constat que toi sur la décrépitude de l’OL, t’en jugera indigne. Il est d’accord avec toi, mais lui critique avec raison, alors que toi c’est à cause de ta nature de sale mec. Te voilà condamné à applaudir, et pendant un bon moment encore. Dire bravo et encourager des joueurs que tout le monde trouve moyens et un club dont le fonctionnement est unanimement jugé inadapté.

Eloi Pailloux

(Photo OL)

Commenter

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>