Roland Vieira, le héros de la Gambardella

SOUS L’HORLOGE. Malgré une seule apparition en pro, l’attaquant Roland Vieira a marqué l’histoire de l’OL en arrêtant deux tirs au but lors de la finale de la coupe Gambardella 1997, au cours de laquelle il avait pris place dans les buts suite à la blessure du gardien. Récit de cette incroyable histoire avec un joueur dont la légende veut qu’il ait été mis dehors par Lacombe parce qu’il ne voulait pas se couper les cheveux.

Roland Vieira // Sous l'horloge

Roland Vieira, ici sous le maillot de Moulins, a beau avoir été un héros, il n’en reste pas moins un buteur : « Ça m’aurait fait autant plaisir de gagner cette Gambard’ et de mettre trois buts. » (Photo asmoulins.fr)

10 mai 1997. Dernière finale de la Coupe de France au Parc des Princes. En lever de rideau de Nice-Guingamp (1-1, 4 tab à 3), la finale de la coupe Gambardella, la coupe de France de ceux qu’on appelle encore les juniors, oppose l’OL d’Armand Garrido, emmené par Steed Malbranque, Jean-François Suchet, Olivier Bernard et Jérémie Bréchet, avec Florent Balmont sur le banc, à Montpellier, coaché par Fleury Di Nallo. Le petit prince de Gerland, qui a fini sa carrière vingt ans plus tôt dans le club de Louis Nicollin, aligne quant à lui Toifilou Maoulida, Ahmed Madouni et… Rémy Vercoutre.

La compo de l’OL : Cyrille Clavel (Sébastien Mercier, 44e) – Pascal Pedemonte, Grégory Tissot, Dhave Ngakolamale, Jérémie Bréchet – Jean-François Suchet (Florent Balmont, 86e), Frédéric Ribeiro, Steed Malbranque, Armand Scaini – Roland Vieira, Olivier Bernard. Entr. : Armand Garrido.

(source : France Football via Wikipédia)

« C’est loin… », concède Roland Vieira, qui vient de mettre un terme à sa carrière la semaine dernière, après avoir raté la montée en CFA de peu avec Le Puy aux dépens de Saint-Priest, et qui vient d’être intronisé entraîneur de l’équipe auvergnate. C’est d’ailleurs en préparant son DEF (diplôme d’entraîneur de football) à Clairefontaine, en compagnie de Maxence Flachez, qu’il a eu l’occasion de se replonger dans ses souvenirs. « Un des sujets de mon mémoire devait concerner une des émotions de ma carrière. Je me suis appuyé sur cette finale, il y avait de quoi broder quelques pages… »

« J’étais un peu casse-cou à l’époque »

Vieira est alors une des figures de proue du centre de formation lyonnais, où il est arrivé de Mâcon à 13 ans. Il a été sélectionné dans toutes les équipes de France de jeunes et enfile les buts. L’avant-centre a sûrement en tête d’être l’homme de la finale. Ce sera le cas, mais pas exactement comme il l’avait imaginé. Il y a déjà un partout – égalisation de Suchet- quand Maoulida percute Clavel, qui perd connaissance et ne peut reprendre sa place dans les buts. « Fallait bien que quelqu’un y aille puisqu’on avait pas de gardien sur le banc. Ça m’est venu tout de suite à l’esprit : c’était moi qui devais y aller puisque j’étais le joueur le plus en pointe, pour éviter de déstructurer l’équipe. » Outre son esprit de sacrifice et son analyse tactique, à seulement 18 ans, Roland Vieira a aussi quelques références : « Jeune, je m’amusais beaucoup aux buts avec mon frère, j’étais un peu casse-cou à l’époque. J’avais fait pas mal de judo, je n’avais pas peur de tomber. J’aimais ça. Maintenant j’ai beaucoup plus de mal à m’y mettre… »

« J’ai l’habitude de tirer les coups francs, donc je sais comment placer un mur ! »

« La première mi-temps se termine sans qu’il ne se passe rien. Après on rentre au vestiaire. Le coach demande à ce qu’on fasse deux lignes de quatre et qu’on protège le but. Moi, j’avais un tempérament insouciant, je ne m’inquiétais pas du tout. J’étais dans mon match. Je savais que ce que j’avais à faire, j’allais le faire. J’avais complètement changé de rôle mais j’étais concentré sur le match. En deuxième mi-temps, j’ai quelques sorties à faire, un coup-franc dangereux et un arrêt du pied qui n’est pas vraiment un arrêt de gardien… Sur les corners, je tente quelques sorties. Les joueurs sont doublement concentrés, ce qui fait qu’on concède très peu d’occasions. Pour placer un mur, je sais faire. J’ai l’habitude de tirer les coups francs, donc je sais comment le placer de l’autre côté ! »

Les tirs au but : « S’ils marquent, on a perdu.. »

Les Montpelliérains ne partent pas non plus à l’abordage, car les Lyonnais sont quand même onze sur le terrain. Au bout du compte, la deuxième période est stérile et débouche sur la séance de tirs au but. « Je demande à mes collègues de tous les marquer parce que je suis persuadé que j’en arrêterai un. » Sauf que tout ne se passe pas comme prévu : un Gone rate la première tentative. « Je ne sais plus qui est le coupable », sourit le Mâconnais, apparemment pas rancunier. Heureusement, un tireur héraultais envoie sa frappe au-dessus. Mais Balmont manquera aussi sa tentative. Si bien que les Montpelliérains ont la balle de match. C’est alors que commence l’irrationnel show Vieira : « S’ils marquent, on a perdu. Et là, j’arrête le premier penalty ! On marque derrière et j’arrête celui qui nous donne la victoire, sur Maoulida, qui avait blessé notre gardien. »

« J’ai réalisé longtemps après »

« Ça m’a fait la même sensation que si j’avais marqué : on rentre un peu en transe. Mais j’ai réalisé longtemps après. En plus on avait enchaîné avec la finale du championnat de France des 17 ans, au Cascol, contre Saint-Étienne (perdue… aux penaltys). Puis l’équipe de France, avec Malbranque, Bernard, Ribeiro mais aussi Samir Beloufa, Sébastien Frey et Anthony Réveillère. »

 

11 OL star de Roland Vieira

 

Roland Vieira poursuit le cursus de manière classique : CFA puis quelques apparitions dans le groupe pro. Il entre finalement en jeu, à la place de Tony Vairelles, le 4 mars 2000, en 8ème de finale de Coupe de France, sur le terrain du Red Star (National). Un autre jeune fait ses débuts ce jour-là : Sidney Govou, qui remplace David Linarès avant d’inscrire un doublé en une minute (1-2). Si le second deviendra sept fois champions de France, Vieira ne reportera plus le maillot de l’équipe première. « La saison suivante, je signe pro et je suis prêté à Angers. Le club souhaitait me garder pour me mettre en concurrence avec Sidney en quatrième ou cinquième attaquant, mais moi je voulais jouer. Après, quand on a souhaité partir de l’OL, y revenir, c’est compliqué. Surtout que l’expérience n’a pas été très très bonne. »

Lacombe ? « Ça lui aurait plu que j’ai une image un peu plus lisse »

Mais alors, quid de la légende qui prétend que Bernard Lacombe voulait lui faire couper ses longs cheveux ? « Elle est vraie. J’ai résisté. Mais vu que j’étais un peu dans la provoc’, j’ai gardé mes cheveux longs jusqu’à ce que je quitte le club. Et dès que je suis parti, je les ai coupés ! » Quand on lui demande si écouter le boss lui aurait permis de rester à Lyon, Roland Vieira hésite : « Je ne sais pas du tout. Je ne sais pas si c’était pas un petit peu de la provoc’ du côté de Bernard aussi. C’était un peu un jeu… » Un rapport d’avant-centres et de têtes brûlées ? « Oui, c’était ça. On était un peu dans le conflit, mais c’est quelqu’un que j’apprécie énormément et que je trouve très gentil. C’était quand même mon boss et ça lui aurait plu que j’ai une image un peu plus lisse que celle que j’avais. »

« J’ai fait un dizaine de clubs, j‘en ai peut-être oublié »

Après avoir connu aussi des pépins de blessures, le héros de la Gambardella 1997 quitte définitivement Lyon en 2003. « Je suis parti en résiliant la dernière de mes quatre années de contrat pour partir à Libourne, en National, puis à Niort, en Ligue 2. J’ai fait un prêt de deux-trois mois à Sion, en D1 suisse, puis Ajaccio, Romorantin, Moulins, Le Puy-en-Velay… J’en ai peut-être oublié, j’ai fait une dizaine de clubs. » Après une saison en CFA 2 à Andrézieux-Bouthéon, il a donc terminé sa carrière avec Le Puy, l’année même de la résurrection de son pote Steed Malbranque, qu’il a régulièrement au téléphone. Mais la comparaison n’éveille aucune douleur en lui. « Par rapport à mon cursus, après avoir touché le haut niveau de toutes les catégories de jeunes, oui, j’ai raté quelque chose à un moment. Mais j’ai eu une carrière durant laquelle j’ai rencontré énormément de monde, j’ai beaucoup bougé, je me suis épanoui. Je suis marié, j’ai trois enfants. Si quelque chose avait été différent, ça aurait peut-être changé tout ce qui est venu après. Donc non, je ne regrette rien. »

Et puis, qui sait ? Peut-être que Roland Vieira reviendra un jour à Lyon, pour entraîner. « Ça me plairait beaucoup, même chez les jeunes. » Ou faire autre chose d’ailleurs : le dépassement de fonction, ça ne l’a jamais vraiment effrayé.

Pierre Prugneau

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