Linarès : « Trois semaines après, je courais seul à la Tête d’or »

SOUS L’HORLOGE. Quand les choses tournaient mieux, Jean-Michel Aulas était un peu moins à cheval sur « l’institution ». Titulaire l’année du premier titre de champion, David Linarès s’est retrouvé sans nouvelle de l’OL du jour au lendemain. Pas de quoi laisser des regrets à l’entraîneur qui vient d’être sacré champion de Bourgogne avec l’équipe C de Dijon. Parce qu’il est entré dans l’histoire du club le 4 mai 2002 et que ça, on ne pourra jamais lui enlever.

FC Barcelone - Olympique Lyonnais

S’il a participé à la Ligue des champions et remporté le premier titre de l’histoire de l’OL, Linarès n’aura pas eu par la suite la chance de Cocu. (Photo Panoramic – Alain Mounic)

 

Moisson chez les jeunes avec Giuly, Bardon, Fiorèse et les autres

Le foot, ça vous est venu comment ?

C’est une passion qui est venue… dans le jardin, avec mon frère. J’ai signé ma première licence dans mon village, à Arlay (Jura). Puis j’ai fait un an à Lons-le-Saunier puis un an en sport-études à Dole-Tavaux. La structure a fermé donc je suis allé en 3e à Besançon avant d’arriver au centre de formation de Lyon un an plus tard. À l’époque, j’étais un des seuls en équipe de France minimes à ne pas faire partie d’un club pro. J’étais sollicité par différents clubs et c’est l’Olympique Lyonnais qui m’a séduit avec son projet de pouvoir concilier études et football. Enfin surtout mes parents…

Comment se sont passés vos débuts à l’OL ?

Avec Giuly, Devaux et Bardon, on devient champions de France des U17. Et l’année d’après, avec la génération qui a un an de plus, celle des Jurietti et Fiorèse, on gagne la Gambardella (1994, contre Caen [5-0]). J’ai commencé les entraînements avec l’équipe pro avec Guy Stéphan. Puis il y a eu un changement d’entraîneur après une défaite à Auxerre (7-0, le 25 octobre 1996) et je débute en D1 avec Bernard Lacombe, à Lille (1-1, 17 novembre 1996). Après j’enchaîne. On fait plusieurs campagnes européennes en UEFA, notamment contre l’Inter de Ronaldo (16e de finale 1997-1998, victoire 2-1 à San Siro, défaite 1-3 à Gerland) et le quart de finale contre Bologne (1999, défaite 3-0 en Italie, victoire 2-0 au retour).

Qui étaient les joueurs qui vous impressionnaient à l’époque ?

Flo Maurice et Franck Gava m’impressionnaient vraiment. Mais quand j’étais gamin, mon joueur préféré, c’était Guardiola.

« Je ne me suis jamais senti comme un remplaçant »

La saison du premier titre, vous ne partez pas titulaire sur le papier et finalement vous jouez 27 matchs sur 34.

C’était un peu mon histoire à Lyon : je n’étais jamais dans l’équipe annoncée par les journalistes en début de saison et, au final, avec la coupe d’Europe et le championnat, je tournais à 35-40 matchs par saison.

Vous prenez la place de Foé l’année du titre.

Ouais, même si je n’aime pas trop voir les choses comme ça. On jouait tous les trois jours et la force de ce groupe et du management de Jacques Santini, c’est qu’il n’y avait pas de titulaires à part entière et de remplaçants définitifs.

Mais vous êtes titulaire contre Lens pour le match du titre, alors que Carrière est sur le banc, Edmilson n’est même pas sur la feuille, etc.

On avait fini en boulet de canon et j’avais fait pas mal de matchs dans cette série. Mais je ne me suis jamais senti comme un remplaçant dans cette équipe. L’année précédente, il y avait deux phases de poules en Ligue des champions, j’avais joué 11 matchs sur 12. J’étais un travailleur de l’ombre, je n’avais pas un statut médiatique très élevé mais, à l’intérieur du club, j’avais le sentiment d’être important, par rapport au discours de mes entraîneurs et au regard de mes coéquipiers.

L’OL, Aston Villa ou l’OM… puis finalement Troyes

Mais alors pourquoi vous vous retrouvez à Troyes dans la foulée ?

Parce que je suis en fin de contrat à Lyon. Le président avait évoqué une prolongation pour les joueurs qui avaient participé au titre. Malheureusement, ça ne s’est pas passé comme prévu. Je n’ai pas de rancœur mais ça fait bizarre de se retrouver trois ou quatre semaines après avoir gagné le championnat à courir tout seul au Parc de la Tête d’or.

Au delà de la déception humaine, un joueur titulaire chez le champion de France peut légitimement signer dans un club du top 5. Vous avez trop attendu ?

Je ne sais pas si c’est à cause de l’euphorie du titre, mais, dans ma tête, je restais à l’OL. Après, Aston Villa s’est manifesté, ça aurait été une belle opportunité de vivre une expérience à l’étranger, puis ça tombe à l’eau.

Aston Villa, c’est fait quand vous montez dans l’avion mais l’entraîneur a été viré au moment où vous atterrissez à Birmingham…

C’est ça. J’arrive au club, plus ou moins pour visiter les installations. Je m’entraîne avec l’équipe. Plus exactement, c’est le manager qui avait été débarqué. Et puis on me convoque pour me dire que des nouvelles orientations sportives ont été prises… Je me retrouve tout seul à Lyon en train de me préparer dans mon coin…

Donc vous vous retrouvez à Troyes…

Alain Perrin, qui vient de quitter le club pour Marseille, m’avait sollicité pour aller à l’OM. Mais sa priorité, c’était (Fabio) Celestini. Il l’emmène finalement avec lui, ça libère une place à Troyes et le club me contacte. Mais la saison est catastrophique. Moi, je paye ma préparation tronquée et je me blesse gravement dès le début, je reste indisponible pendant trois ou quatre mois. On finit par descendre mais Faruk Hadzibegic me convainc de rester pour essayer de remonter immédiatement. Malgré une bonne équipe, on fait un championnat moyen (10e), le club a de grosses difficultés financières, il y a un changement de président, etc. Du coup, comme je suis en fin de contrat, je pars.

Avec Carteron, « pour tout vous dire, ça ne se passe pas très bien »

Mais pourquoi à Tenerife, en D2 espagnole ?

À ce moment-là, après l’épisode Lyon puis ces deux années, je vous avoue que je suis un peu fatigué, désabusé. Mentalement, j’y avais laissé beaucoup d’énergie. C’est plus un challenge « sentimental » : ça me permet de me rapprocher de ma culture familiale, de connaître la langue et de tenter une expérience en Espagne, chose que j’avais toujours voulue faire. Mais ça se passe moyennement bien. L’adaptation est difficile : je suis le seul joueur à parler français, tous les autres parlent italien, portugais, etc. La vie de vestiaire est importante pour moi et je me sens un peu exclu de ça. Et puis c’est aussi assez tendu avec l’entraîneur. Je ne suis plus très loin de m’intégrer quand intervient un coup de fil de Rudy Garcia pour me sonder et savoir si un retour en France m’intéresserait.

Et quand vous découvrez Rudi Garcia, à Dijon, vous vous dites qu’il a un truc ?

Ouais, ouais. Honnêtement. C’est un coach qui a eu une carrière professionnelle, qui est très axé sur le jeu et l’animation offensive, sur l’équilibre de l’équipe. En plus il a joué à mon poste, donc il a un peu la même sensibilité que moi, il est d’origine espagnole comme moi, donc ça facilite énormément la communication entre nous.

Après Romano et Hadzibezic, vous vous retrouvez coaché par Patrice Carteron, avec qui vous avez joué. Ça fait bizarre ?

Extrêmement bizarre. J’ai toujours eu une certaine affinité avec tous les joueurs avec qui j’ai joué à Lyon et Patrice en faisait partie. Mais là, pour tout vous dire, ça ne passe pas très bien. Dès les premiers entraînements, je sens que ça va être compliqué pour moi. Je n’ai pas trop joué les cinq-six premiers mois. Ça faisait cinq ans que j’étais ici, j’étais connu et respecté à l’intérieur du club. Il a eu du mal à gérer ça. Ça se passe difficilement au niveau des résultats sportifs. Il y a pas mal de blessures. Il me remet et je gagne ma place jusqu’à la fin de la saison.

Et vous arrêtez, juste avant la saison de la montée en Ligue 1. Vous avez regretté ?

Je serais hypocrite si je disais non. Et puis j’avais été très déçu de notre relation avec Patrice. Donc voilà : pour moi, c’était la fin.

Onze OL star de David Linarès

  « Ouais, c’est une équipe qui a de la gueule. Si c’est moi le coach ? (Rires, puis sérieux) Non, je mettrais Rémi Garde, parce que je trouve que c’est quelqu’un qui incarne très très bien les valeurs du club. »

 

« L’OL gardera son identité, la clé vers de nouveaux succès »

Et alors, c’est comment d’entraîner des filles ?

C’est pas facile ! C’est un métier que je découvrais avec un public que je ne connaissais pas. J’attaque avec beaucoup d’humilité et ça se passe plutôt bien puisque, la première année, on finit vice-champions de notre groupe et on rate la montée en D1 tout en étant demi-finalistes de la Coupe de France.

Entre le départ de l’OL, le transfert raté à Aston Villa, la fin de carrière un peu bancale, vous avez des regrets ?

Non, aucun ! Avec le recul, j’ai eu la chance de vivre de très bons moments. Je suis parti très très jeune de chez moi, à 12 ans. J’ai perdu ma maman tout jeune, décédée d’un cancer, quand j’étais au centre de formation à Lyon. Malgré ça, j’ai réussi à relever le défi de devenir professionnel, j’ai gagné pas mal de titres, j’ai découvert la Ligue des Champions… Je me suis construit en tant qu’homme aussi, que ce soit sur le terrain ou en dehors, je sais ce que c’est de vivre à l’étranger. J’ai noué des relations et aujourd’hui j’ai des gens avec qui j’ai partagé des émotions sur le terrain qui font partie de ma vie. Je me sens privilégié.

En ce qui concerne l’OL, vous êtes optimiste ou plutôt inquiet ?

Je connais le club de l’intérieur. Il y a des garants de l’esprit du club, des gens qui travaillent très bien au centre de formation et des joueurs de qualité. Les années 2000 ont permis au club d’avoir cet esprit de compétition et de relever les défis. Donc je sais que le club gardera son identité et, pour moi, c’est la clé pour aller vers de nouveaux succès.

Et revenir bosser un jour à l’OL, ça vous ferait plaisir?

Ce club fait partie de ma vie, il m’a aidé à des moments clés de ma vie et m’a permis de devenir professionnel. C’est sûr que c’est un club particulier pour moi.

Propos recueillis par Pierre Prugneau

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