Jason Ranneaud, la bombe à retardement

La Duchère

PORTRAIT. Après une seule saison en CFA avec La Duchère, Jason Ranneaud vient de signer son premier contrat professionnel avec Brest, en Ligue 2. Retour sur le parcours atypique du Lyonnais de 23 ans qui n’a jamais effectué le moindre stage à l’OL et qui évoluait encore en Division d’honneur il y a un an. 

Lire : Jason Ranneaud (la Duchère) signe à Brest

 

BrestL’OL a peut-être laissé échapper pour 0 euro et quatre ou cinq Smic le joueur idéal pour occuper la partie gauche de son losange et capable de dépanner à l’occasion devant la défense. Maintenant que vous avez souri, on va espérer pour vous – et pour Florian Maurice – que Jason Ranneaud ne crève pas trop l’écran les vendredis soir de l’année prochaine.

Mais un peu de patience. Après avoir signé en Ligue 2 avec le Stade Brestois, « Jez » n’a plus qu’un dernier bond à faire pour atteindre l’élite. Et ce ne sera pas le plus grand qu’il ait effectué.

« Quand j’ai vu que vous m’appeliez le Matuidi blanc, ça m’a fait rire. Puis je me suis mis à regarder les matchs du PSG pour l’observer plus attentivement. Et c’est vrai que moi aussi je prends du plaisir à harceler les adversaires et à participer aux attaques. »

Car il y a un an, quand le duo d’entraîneurs Jean-Christophe Devaux et Karim Mokkedem débarquent à La Duchère, le Gone du quartier des Essarts, à Bron, n’est qu’un joueur de DH. Il a fait quelques apparitions en CFA, mais Éric Guichard, le précédent entraîneur, trouve ce défenseur central un peu léger. Pas vraiment un scandale avec le recul, de l’aveu même de Ranneaud : « C’est vrai que j’avais quelques difficultés derrière, je n’étais pas assez costaud. »

Manutentionnaire en intérim

Pourtant, le Brondillant « ne lâche pas l’affaire ». Depuis tout petit, il rêve de vivre du football. Et même quand sa mère lui dit de reprendre ses études (arrêtées après une année de Staps) ou de trouver un boulot plutôt que d’aller à l’entraînement, il s’entête, espérant au moins décrocher un contrat fédéral, qui permet de rémunérer les footballeurs amateurs. Il ne le signera jamais et passera donc directement de son statut d’intérimaire dans la manutention à Saint-Quentin-Fallavier à celui de footballeur pro sur beIN et Eurosport.

Tout bascule à une semaine de la reprise

Son destin s’accélère à l’été 2013. Après avoir participé au stage à Tignes, Jason Ranneaud dispute la série de matchs amicaux avec le groupe de CFA. Il est encore considéré comme un défenseur, jusqu’à la dernière rencontre avant le début du championnat. La Duchère est opposée à la réserve d’Évian et Devaux et Mokkedem, qui doivent faire face aux absences et aux états de forme disparates, décident de tester le garçon, arrivé trois ans plus tôt de l’AS Bron, au milieu. Ranneaud est suffisamment convaincant pour être associé à Yacine Hima pour la reprise du championnat contre Vesoul. Et il ne quittera plus sa place.

Récupérateur ou relayeur

Véritable sensation du début de championnat,  il gagne dans la rédaction du Libéro le surnom de « Matuidi blanc ».  « Quand j’ai vu que m’appeliez comme ça, ça m’a fait rire. Puis je me suis mis à regarder les matchs du PSG pour observer Matuidi plus attentivement. Et c’est vrai que moi aussi je prends du plaisir à harceler les adversaires et à participer aux attaques. » Comme le Parisien, Ranneaud, deux buts et deux passes décisives cette saison, se considère plus comme un relayeur que comme un véritable milieu défensif. « Mais je n’ai pas de préférence », assure-t-il.

Le recruteur n’était pas venu pour lui

Les tribunes de Balmont ne sont pas pleines, mais l’information circule. Et dès l’automne, un des collaborateurs de Frédéric Guerra, l’agent de Gonalons, Umtiti et Grenier, l’a déjà pris son sous aile. Mais c’est bien le hasard qui va s’occuper du reste. Le 9 novembre, le Stade Brestois dépêchent un scout pour le derby contre la réserve de l’OL, afin de jeter un œil sur Élohim Rolland, le brillant meneur de La Duchère, sur les conseils d’Éric Guichard, devenu depuis son départ de Lyon entraîneur adjoint d’Alex Dupont dans le Finistère. Mais c’est Ranneaud qui impressionne l’émissaire breton ce soir-là, où il inscrit notamment un superbe but à Jérémy Frick.


Sur la route de l’Angleterre

C’est là le paradoxe de l’histoire : c’est à l’initiative de l’entraîneur qui ne lui avait jamais donné sa chance en CFA que Jason Ranneaud s’apprête à découvrir le monde pro. « Ça a un peu étonné tout le monde », sourit-il. Mais l’ancien défenseur de l’OL (1982-1989) risque de ne pas reconnaître son ancien réserviste. En montant d’un cran sur le terrain, le joueur d’origine laotienne (par son père) en a gravi quatre dans la hiérarchie du football français en un an. Il sait qu’il va devoir progresser dans certains domaines (« Il va falloir que je prenne un peu de masse, mais pas trop, pour rester rapide, et si j’ai une bonne détente, c’est pas encore ça niveau coup de boule… »), mais il ne compte pas s’arrêter là. Car le rêve, pour ce grand fan de Steven Gerrard, c’est de « traverser la Manche ». Ça tombe bien, une fois arrivé à Brest, il ne sera plus qu’à 400 km des côtes anglaises.

Pierre Prugneau

(Photos Lyon Duchère AS)

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