Benoît Assou-Ekotto, le footballeur qui n’aime pas le foot

Assou-Ekotto

INCULTURE FOOT. Dans la liste des métiers contraignants (mineur de fond, pyrotechnicien à Daesh, auteur pour Pierre Ménès), footballeur arrive logiquement en première position. Que les stars s’éclatent à marquer des buts, soit. Mais ceux qui les encaissent, les fautifs, les nuls, quel plaisir trouvent-ils à exercer cette profession ? Absolument aucun. Ils font comme vous : ils masquent leur ennuis pendant de longues années, traînent la jambe, simulent puis se suicident à cinq ans de la retraite après avoir assassiné épouse et enfants, soigneusement dissous dans une cuve d’hydroxyde de sodium.

Comme beaucoup de Français, Benoît Assou-Ekotto n’aime pas son travail. Il n’aime pas le football et le répète à chaque interview : il ne lit pas la presse, méprise le nom de ses adversaires et ignore si son club joue en L1 ou en L2 (à sa décharge, cela change chaque année). Pourquoi continue-t-il ? C’est alimentaire, mon cher Watson : le Messin va au stade comme les pauvres vont à l’usine – ou au stade eux aussi, dans le cas présent. Habitué à un certain confort, il touche son chèque puis rentre à la maison. Étranger aux résultats de son équipe, il n’est pas au courant du classement et s’endort ainsi apaisé. À Metz, seuls les supporters sont victimes de burn-out.

Vivre de sa passion constitue un idéal de carrière atteint par quelques privilégiés : l’éboueur pétri d’Histoire qui découvre à l’arrière de son bolide les monuments de Paris, le curé donnant des cours de catéchisme, le clochard gastronome faisant les poubelles des restaurants étoilés. Benoît Assou-Ekotto n’a pas eu le choix. Pour nourrir sa famille, il fut contraint de jouer au foot. L’international camerounais a poussé le dédain à des limites inégalées puisqu’il ne connaît même pas les règles de son sport. « Cela ne m’a jamais intéressé. Je joue à l’instinct, tranquille, posé. Les consignes vous conditionnent et brident votre créativité. L’humain doit être libre de s’exprimer comme il l’entend. » Un vrai discours de fumiste candidat de l’UNEF à la fac de Rennes 2.

Adolescent, afin qu’il se souvienne des mises en place tactiques, ses formateurs glissaient des antisèches dans ses chaussures avant chaque match. Un jour, l’arbitre l’expulsa pour avoir aplati le ballon dans la surface de réparation. On le mit gardien mais il passait par-dessus les cages avec une perche. Puisque personne ne voulait jouer latéral, son coach le plaça à gauche de la défense. Benoît n’a rien dit : il pensait que c’était un poste prestigieux. Comme il ne maîtrisait pas la règle du hors-jeu, on tenta de l’inclure dans l’équipe féminine du club ; il refusa, non par conviction, mais simplement parce que le vestiaire des hommes était plus proche de chez lui.

Un hommage lui sera rendu avant le coup d’envoi de Metz-Lyon, ce dimanche 8 avril, une juste récompense de son apport au football : en effet, c’est en le voyant évoluer comme latéral gauche devant son propre attaquant, à hauteur des seize mètres, que Pep Guardiola eut l’idée de devenir entraîneur.

Florian Bifflard

(Photo FC Metz)

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