« Gonalons, c’est le Lyon immanent »

RANK’N’OL S02 – BILAN #4.  « Supporters lyonnais, est-ce que vous êtes là ? » Oui, et jusque sur les ondes de France Culture, la station la moins info, talk et trash de la bande. Où l’on retrouve Tanguy Blum, 30 ans, Lyonnais de toujours qui s’est éveillé à l’OL quand il a fallu quitter la ville. Les années de domination passées, il fallait lui proposer un retour en forme de bilan pour le Rank de décembre.

Olympique Lyonnais

Si ça se trouve, même le maillot fluo lui va bien. (DR)

On dit des Lyonnais qu’ils ne parlent pas. Ou qu’ils parlent mal. Tanguy Blum n’a pas le choix : il fait de la radio et ça s’entend. Surtout s’il est question de l’OL : « J’ai développé une sorte de théorie assez tôt : le foot, c’est exactement comme la guerre de Troie. Des villes qui s’affrontent avec leurs héros. Ma chance, c’est de devenir supporter quand un héros est en train d’émerger : Juni. Un mec qui arrive en étant presque rien et qui finit par porter la ville avec son allure christique, la barbe et les bras en croix à chaque but. » Membre de l’équipe de Marc Voinchet pour les Matins de France Culture, on l’a également entendu cet été sur France Inter dans Au shaker, pas à la cuillère, drôle de ballade sonore parmi quelques-uns des films emblématiques de la pop culture.

« Il n’y a pas plus fier de sa ville qu’un Lyonnais »

Au moment de se retrouver, un chien policier est en train de renifler les alentours de la Maison de la Radio occupée par une visite présidentielle pour les cinquante ans de France Inter. Rien d’explosif à part cette passion pour l’OL qui ne met pas dix secondes pour éclater. Tout y passe, du souvenir le plus douloureux – « la défaite face à la Roma parce que j’ai senti l’idée d’une fin » – à la collection de maillots qu’on fait floquer sans trop savoir pourquoi – « un fluo dégueulasse floqué Juni, au moment où lui-même est dégueulasse, avec ses cheveux longs… » – jusqu’au rituel du Top 5 qui entretient un peu plus le flow. Au moment de l’interrompre, on a compris : « L’OL nous ramène toujours à cette idée il n’y a pas plus fier de sa ville qu’un Lyonnais. » On ne naît pas supporter lyonnais. On le reste.

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« On peut vendre et se faire du fric sur le dos de Grenier, je m’en tape. Le départ de Gonalons, je sais que je ne m’en remettrai pas. » (Photo Panoramic – Nolwenn Le Gouic)

Si tu devais garder un son de l’OL pour la radio, ce serait lequel ?

C’est Lacombe. J’irais le voir et je lui demanderais : « Racontez-moi votre vie du début jusqu’à aujourd’hui. » On ferait ça à la Brasserie des Croix-Roussiens, là où il va tout le temps, au milieu des souvenirs qui sont accrochés au mur. Même si tu lui fais lire le bottin, tu sais que tu entendras Lyon. Avec son accent, t’as les quenelles sauce Nantua et le tablier de sapeur qui arrivent, tu as Chiesa, Di Nallo et tous ces noms de joueurs dont on t’a toujours parlé mais que tu n’as jamais vus jouer. Tu l’as aussi en train de pleurer dans les bras de Juni.

Tu ne voudrais pas garder une ambiance de soir de match au stade ?

L’Olympique Lyonnais, c’est un club qui est autant de sa ville que le sont ses habitants : discret, sans doute familial, mais ultra fidèle. Et ça, je n’arrive pas à le transmettre. Pour moi, l’OL reste un club de classe moyenne, de son public jusqu’à son encadrement. Garde le porte sur lui comme personne. C’est aussi pour ça que je ne peux qu’aimer ce club.

 

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1. Alexandre Lacazette. « C’est encore avec Benzia et Lacazette que l’attaque est la plus belle à voir »

Pour moi, l’intérêt du losange se situe surtout devant. Parce qu’il permet d’aligner une paire Lacazette-Benzia.

Pourquoi cette association plus que Lacazette-Gomis ?

Si on joue les premières places, Gomis est certainement plus intéressant : on repasse en 4-3-3 et on l’utilise en point d’appui. Là, je me dis qu’en étant dixième du championnat, mieux vaut se faire plaisir. Je me souviens d’une interview de Garde du début de saison où il disait vouloir monter un schéma tactique sans point d’appui pour pouvoir jouer plus vite. On l’a vu cette saison : c’est encore avec Benzia et Lacazette que l’attaque est la plus belle à voir.

Ce qui nous ramène à l’importance de Lacazette en ce moment qui, par son travail et ses qualités, apparaît comme le vrai bénéficiaire du losange.

Le losange est fait pour Lacazette. Surtout parce que, comme il le raconte, il a travaillé sur la hargne. Avec la barbe, il rappelle Lisandro. Il a cette même attitude de chien galeux qui ne lâche rien. Ce qui cadre avec sa volonté de s’inscrire dans la lignée d’Anderson ou de Lisandro, parmi ces joueurs qui ont marqué l’attaque lyonnaise.

Tu le sens capable d’en arriver là ?

Oui, même si je le vois davantage comme Govou, à faire quatre ans de folie devant, marquer entre 10 et 20 buts par saison, avant d’aller s’exiler sur la droite, apprendre à défendre et finir ailier de métier à 28 ans. Pour moi, avec Bedimo, c’est la grande satisfaction de cette première moitié de saison.

Pourtant, ses premiers matchs sont loin d’être formidables…

En fait, ce qui m’intéresse quand on supporte un club, c’est de voir comment un joueur peut se donner. Cette volonté de ne rien lâcher et ce dégoût qu’il affiche à chaque fois que l’OL perd, ça le rend de plus en plus attachant. À la fin du match contre Marseille, tu sens qu’il a la rage. En comparaison, quand je vois Vercoutre se marrer à Paris avec Ibrahimovic, alors qu’il vient d’en prendre quatre, je suis fou ! Pas toi Rémy ! Un peu de fierté ! Surtout que s’il nous manque une chose en ce moment, c’est bien cette haine de la défaite que l’équipe avait dans les années de domination. Aujourd’hui, tu as parfois l’impression que les joueurs sont surtout contents d’être titulaires.

2. Henri Bedimo, « c’est carré, mais… »

Je le trouve très fort depuis le début de la saison, mais je ne peux pas m’empêcher d’avoir un regard clinique sur lui. Je suis content de tout ce qu’il peut apporter, notamment au niveau offensif. C’est carré et je le respecte énormément, mais rien qui me permette de me projeter en lui.

C’est la meilleure recrue de la saison…

C’était qui la dernière meilleure recrue, au fait ? Je dirais Licha… Quand j’y repense, je me dis que son passage à Lyon a quand même été dingue. Quand il lâche en partant « les plus belles années de ma carrière, c’est à Lyon que je les ai vécues », c’est parfait, parce qu’à ce moment-là tu sais que le mec a compris ce que Gerland attend de ses joueurs. Je n’oublie pas non plus ses passages devant la presse quand la traductrice avouait qu’elle devait simplifier ce qu’elle entendait parce que la langue qu’il parlait relevait de l’espagnol littéraire. Lisandro, c’était le joueur littéraire, celui que tu vois prendre sa moto en fin de match pour partir seul pêcher en pleine nuit dans la Dombes et écrire des poèmes.

3. Gueïda Fofana, « c’est un peu comme si on l’avait gâché »

Il commence à monter en régime dans le losange, même s’il reste encore une énigme pour moi. Je me souviens de sa Coupe du Monde en U20 l’été précédant son arrivée à Lyon, quand il est capitaine de la sélection et du Havre. Tu ne peux que le trouver monstrueux à ce moment-là. Ce qui me fait dire que depuis qu’il est à l’OL, c’est un peu comme si on l’avait gâché. Il y a encore ce côté diamant brut, alors que je suis sûr qu’il y a moyen d’en faire un super milieu. Il n’y a qu’à voir les matchs d’Europa League l’an passé où tu sentais revenir le fantôme d’Essien. À se demander s’il n’a pas besoin de se trouver dans une équipe qui tourne à plein régime pour devenir enfin un joueur exceptionnel.

4. Clément Grenier, « je le situe au niveau de Pedretti »

Grenier me fait péter un câble. Comme Gourcuff, ce mec pue la défaite, mais pour des raisons radicalement différentes. Grenier, c’est imputable à sa personne : tu sens qu’il va tirer la couverture à lui, ne pas s’impliquer dans le collectif… D’accord, il est capable de super gestes techniques, mais il n’est pas assez constant et quand il va saluer le public, je ne sais pas pourquoi, j’y vois un côté faux-derche. Je le situe au niveau de Pedretti : un joueur capable d’être titulaire dans n’importe quelle équipe de Ligue 1, mais rien de plus. Alors que Gourcuff, s’il pue la défaite, c’est parce qu’il l’a chevillée au corps. S’il ne s’était jamais blessé, ce serait un monstre aujourd’hui à l’OL.

Tu penses que c’est juste de la lose ? Tu ne crois pas qu’il force un peu l’affaire à vouloir retrouver sa splendeur perdue ?

Il y a une chose qu’il ne faut pas oublier avec lui, c’est cette peur qu’il dégage quand il a ne serait-ce qu’un petit pépin physique. Sans doute parce qu’il sait qu’il a besoin d’être au top physiquement pour faire valoir son gros volume de jeu. Maintenant, on a tous compris que son histoire à Lyon était déjà écrite : il ne fera jamais rien à l’OL. Ce qui en fait un autre genre de héros.

Tu penses à quel héros ?   Lui ? C’est Werther ! Le type triste qui a tout pour lui et à qui tu veux mettre des claques, mais qui incarne tellement l’idéal romantique.  À la fin, Werther se suicide. Gourcuff, lui, doit se suicider la cheville tous les deux mois ! (Rires) En ça, on peut dire qu’il est emblématique de l’OL du moment. Alors que, paradoxalement, c’est le joueur le moins lyonnais depuis vingt ans.

Il reste pourtant un de ces joueurs classieux que le public adore voir jouer à Lyon.

Mais il n’a pas cet esprit lyonnais : cette gouaille, cet art de se marrer, cette façon de ne jamais se prendre au sérieux. Prends l’exemple de Gomis : il sera toujours plus lyonnais. Le mec passe son temps à prendre des photos de lui sur Instagram, un jour au resto, la fois d’après avec Booba…

5. Maxime Gonalons, « je suis frustré de le voir jouer en 6  »

Je crois que je n’ai jamais autant aimé un joueur que Gonalons. Il ne faut pas oublier que Lyon n’est pas Paris et restera toujours une ville de frustrés. C’est même son histoire. Pour moi, Juni incarnait ce que Lyon pouvait espérer de mieux : une forme de transcendance absolue. Juni, c’est Lyon qui réussit et qui met l’Europe à ses pieds. À l’autre bout, Gonalons, c’est le Lyon immanent : Lyon qui reste Lyon. Je me rappellerai toujours de son quart de finale de Coupe de France face à Paris (1-3, mars 2012) et de son duel contre Thiago Motta. À un moment, Thiago Motta vient lui mettre un énorme coup de tampon. Il parvient à se relever et ne le lâche plus du match. Il le défonce, le met plusieurs fois par terre. L’autre gueule, mais Gonalons remporte le match par K.O. C’est Iron Man !

Il l’est encore ?

Oui, il l’est encore, j’en suis sûr. Même si je suis frustré de le voir jouer en 6…

Tu le vois où ?

Pour moi, c’est un 8. Au début quand il jouait, j’étais fasciné par sa capacité de percussion. Ce qui en fait le Steven Gerrard lyonnais. C’est aussi pour ça que je veux qu’il reste jusqu’à la fin. Au point de me dire qu’avec un bon discours, on peut le garder.

Quel genre de discours ?

Un discours d’Aulas qui lui dit : « On va construire autour de toi parce que t’es Lyonnais. Tu sais très bien que t’as pas le niveau pour t’imposer dans un top club européen. Tu auras toujours plus de reconnaissance en France qu’en tentant l’aventure ailleurs. Dans dix ans, tu auras incarné le club comme personne. » Après, je sais aussi qu’on a besoin de 10-12 millions et qu’on va le vendre à Naples ou ailleurs, que tout ce qu’il pourra viser en équipe de France, c’est le banc ; qu’il y a aussi ses pertes de balle qui mettent en danger la défense… On peut vendre et se faire du fric sur le dos de Grenier, je m’en tape. Le départ de Gonalons, je sais que je ne m’en remettrai pas.

Propos recueillis par Serge Rezza

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