Hima : « Houllier m’a dit que j’aurais ma chance. Je l’attends encore »

GLOBE TROTTER. Il y a dix ans, les Tola-Vologiens et autres OLtévistes n’avaient que son nom à la bouche. Yacine Hima ne s’est jamais enflammé, mais il sait quand tout a basculé. Retour sur l’itinéraire d’un Lyonnais vrai de vrai, de l’Hôtel-Dieu au plateau de la Duch’ en passant par le Point du jour, Gerland… et quelques contrées plus exotiques.

(Photo Le Libéro Lyon - Gaspard Moreau)

Yacine Hima s’est trouvé trop gentil à son retour à l’OL en 2006 : « On était jeunes, on était sages. Et on s’est fait entuber. » (Photo Le Libéro Lyon – Gaspard Moreau)

Chasselay, un samedi après-midi. C’est le printemps mais il fait froid dans un stade Ludovic-Giuly idéalement placé pour prendre le vent. MDA lutte pour conserver sa place en CFA. Soudain, le milieu défensif des locaux récupère le ballon dans les pieds d’un adversaire. Enchaîne par une roulette. Et trouve sereinement un partenaire démarqué à une trentaine de mètres que personne n’avait vu, même des tribunes. « C’est qui ce type ? » C’est Yacine Hima.

« Je n’étais pas un phénomène »

Né à l’Hôtel-Dieu (Lyon 2e) le 25 mars 1984, Yacine Hima grandit au Point du jour (5e). Après avoir fait ses classes au Cascol, le réservoir à champions d’Oullins (Garande, Lamouchi, Balmont, Abidal, etc.), il arrive à 13 ans au centre de formation de l’OL. Durant son adolescence, la progression du milieu défensif lyonnais est linéaire mais discrète : « Je n’étais pas un phénomène », assure-t-il, presque surpris quand on lui rappelle les attentes, pour ne pas dire les certitudes, suscitées par son cas autour de la vingtaine. Il se sent même obligé de rappeler qu’il n’a jamais été convoqué en équipe de France de jeunes pour justifier son propos. Ou ne pas attiser les regrets.

Une première fête ratée

Comme Sylvain Idangar, Yacine Hima obtient son premier contrat pro, en 2004, alors que l’OL est déjà triple champion de France et que débarquent cet été là Éric Abidal, Cris ou encore Sylvain Wiltord. Mais contrairement à son grand pote, le Gone d’origine algérienne ne participera pas à la fête du 8 décembre 2004 face au Sparta de Prague (5-0). « Paul Le Guen a dit que son seul regret sur ce match, c’est de ne pas m’avoir fait jouer. » En effet, au moment d’effectuer son dernier changement, l’entraîneur breton opte pour Johann Truchet, au bénéfice de l’âge (le Caladois est né un an plus tôt).

« Châteauroux, c’était magnifique »

Ses grands débuts en pro, Hima les effectuera huit mois plus tard. Prêté à Châteauroux, il ne met qu’un petit mois à s’imposer en tant que titulaire et un de plus pour inscrire ses deux premiers buts, au soir d’une victoire face à Istres (4-3) au cours de laquelle il délivrera également la passe décisive pour le but de la victoire dans les arrêts de jeu. « Châteauroux, c’était magnifique. » Ce qui rend « Yass » nostalgique, ce ne sont évidemment pas les charmes de la ville. Mais bien la plénitude sportive qu’il va y connaître. C’est même cette saison-là qu’il connaîtra ses trois sélections en équipes d’Algérie. Et si le club, un temps au pied du podium, connaît un hiver difficile, le milieu défensif tient son rang et inscrit même six buts en championnat, dont celui du maintien face à Grenoble (3-1). L’avenir s’annonce radieux. Pourtant, ce 21 avril 2006, Yacine Hima vient de jouer son dernier match pro en France.

« À Lyon, j’ai connu la mauvaise personne »

Yacine Hima est donc de retour à l’OL. Il ne se fait guère d’illusion : devant lui, il y a Tiago, Toulalan, Diarra, Fabio Santos ou encore Källström. Pour deux places. Cédric Daury, qui avait remplacé Didier Ollé-Nicolle en cours de saison à la Berrichonne, veut le reprendre. « Mais à Lyon, j’ai connu la mauvaise personne : Gérard Houllier. » L’ancien manager de Liverpool est en effet dépourvu de ses meilleurs éléments à la reprise, dans la foulée de la Coupe du monde 2006. Il a besoin de ses jeunes. Au moins pour faire le nombre. « Houllier m’a dit que j’aurais ma chance. Je l’attends encore. » C’est peu dire qu’Hima l’a mauvaise, surtout quand il voit la situation de ses coéquipiers castelroussins : « Mansouri part à Lorient, Ramos et Boukari à Lens, Issa Ba à Auxerre. Tous en L1. Et moi… en CFA. »

« Petit à petit, ils nous la mettent doucement »

Car au-délà du calvaire sportif, c’est surtout la déception humaine qui lui reste en travers de la gorge. « Petit à petit, ils nous la mettent doucement, comme on dit dans le jargon », sourit Hima, plus pour la formule que pour le procédé. Comme attendu, les jeunes (Hima, Idangar mais aussi Grégory Bettiol et Mourad Benhamida) n’ont pas leur place. Mais ils déplorent surtout la façon dont Houllier va les évincer du groupe pro, au sens propre. « Les recrues arrivent, faut faire de la place. C’est Patrice Bergues (adjoint de Gérard Houllier, ndlr) qui te le dit. Le mec n’est pas capable de dire la vérité entre quatre-z-yeux ! »

Yacine Hima sous le maillot de Châteauroux

À Châteauroux, Hima croisera Michel Denisot : « Un homme gentil, ouvert, l’un des meilleurs présidents que j’ai eus. » (Photo Panoramic – Benoît Ledoyen)

 

« Il n’y a pas que les meilleurs qui ont percé »

Il se passe rien pendant le mercato hivernal. Hima a la sensation d’être blacklisté. « Lacombe, s’il prend son téléphone, n’importe quel club vous prend dans l’heure. » Hima pense avoir payé cher l’addition de petits détails. Il y a « les petites douleurs au genou pour les matchs de CFA traquenards à six heures de bus. Les anciens l’ont toujours fait. » Il ne s’en sert pas d’excuse, mais quand on lui demande si être arabe, ce n’est pas aussi un défaut, il souffle : « Il faut être encore meilleur pour avoir la même chance que les autres. » Mais pour Yacine Hima, les problèmes viennent alors surtout de son côté : « Voilà, je suis jeune et je n’ai pas été conseillé correctement non plus. Il faut les contacts, le feeling, la chance, le bon agent. Il n’y a pas que les meilleurs qui ont percé. »

« Le foot étranger, à part le Barça et le Real… »

Finalement, Yacine signe en février 2007 à Aarau, en Suisse. « Quand je suis arrivé, le club était dernier. Puis on a fini barragistes et on s’est maintenus. J’étais titulaire. C’était une super expérience. Ils m’ont proposé deux ans derrière. J’ai retrouvé le contrat récemment… C’était un petit club et j’espérais rentrer en France. Le foot étranger, à part le Barça et le Real, je ne savais même pas que ça existait. » Il va apprendre.

Lassé d’attendre, il suit Sylvain Idangar à Al Watani. « C’est le 15 août, je venais tout juste de me marier, je me voyais pas au chômage. » S’il concède que, pour sa femme, l’Arabie Saoudite, « c’est plus coincé » (« mais elle savait que c’était momentané »), pour le reste, c’est le grand luxe: « Il y a même des ramasseurs de balles à l’entraînement ! » Niveau foot, « on ne se balade pas, mais on fait une super saison. On était considérés parmi les meilleurs recrues du championnat. » Pas question de rester dans le Golfe pour autant.

« À partir du moment où tu sors du système, les gens t’oublient vite »

Un agent qui l’avait vu évoluer à Aarau lui trouve un point de chute à Bellinzone, en Suisse italienne. Rien à redire sur le cadre : « L’endroit est super beau, l’italien, c’est une belle langue et les gens sont accueillants, ils ont une mentalité du Sud. » Yacine Hima reste deux ans, est titulaire, et espère encore taper dans l’oeil des recruteurs français : « Le seul hic de ma carrière, c’est de ne pas avoir eu ma chance en France. Mais pour des joueurs peu connus comme nous, à partir du moment où tu sors du système, les gens t’oublient vite. »

« Sketch » en Belgique

On est alors à l’été 2010 et les propositions ne se bousculent pas. « J’attends, j’attends et je me retrouve chez un promu belge, Eupen, à côté de Liège. J’arrive tard, faut que je me remette à niveau, et puis c’est un peu le bordel, les résultats sont mauvais (5 matchs, 5 défaites). Ils virent le coach (Danny Ost) et ils ramènent un Italien, Eziolino Capuano. Une catastrophe ! Je n’ai jamais vu ça de ma vie : pas de duels, pas jeu, interdiction d’aller en muscu, que de la tactique. » Le « sketch » ne durera que dix-neuf jours. L’arrivée d’Albert Cartier remet les choses dans l’ordre, le club obtient quelques résultats et Hima joue au début. Mais Cartier veut resserrer son effectif et, dès la fin novembre, on lui signifie, comme au défenseur central Nicolas Desenclos, qu’ils peuvent chercher ailleurs.

Yacine Hima

C’est en venant voir jouer son camarade de la promo 84 Serge Simon que Yacine Hima s’est vu proposer de signer à Chasselay. (Photo Le Libéro Lyon – Gaspard Moreau)

 

« J’arrive à Bakou, je suis un vagabond »

Mercato d’hiver 2011 : « Mon agent me propose l’Azerbaïdjan. Je lui réponds : ‘Je vais me renseigner… » L’international belge Émile Mpenza, déjà sur place, le rassure. Hima signe donc au Neftchi Bakou. « J’arrive là-bas, tout seul, je suis un vagabond: je prends le métro, je me balade partout. La capitale est super belle. Les Azéris sont de très bons footballeurs et il y a des étrangers qui relèvent le niveau. Et c’était vraiment bien payé. » Mais pas de chance, il se blesse dès le premier match. Il ne reviendra qu’en toute fin de saison. Suffisant pour décrocher le titre de champion d’Azerbaïdjan. Mais pas assez pour convaincre les dirigeants de prolonger l’aventure. « Honnêtement, j’aurais aimé rester. Ils ne m’ont pas fait de proposition. Et je ne suis pas quelqu’un qui va demander pourquoi. »

Deux semaines de vacances aux Baléares, tous frais payés

Au revoir le Caucase, direction le Maghreb et l’Algérie. Pour un séjour encore plus éphémère. « Tous les sites annoncent ma signature. Manquait plus que la prime à la signature. » Et Idangar, jamais loin, lui déconseille vivement de griller cette étape : « Je suis bien placé pour savoir qu’il faut la prendre d’entrée. » Quand Hima rentre en France, les clubs ont repris. Il prospecte. « Avec Desenclos, en octobre, on part à Majorque, pour un essai en D3. Mais le gardien se blesse et ça devient leur priorité. Du coup on a passé deux semaines de vacances aux Baléares tous frais payés… » raconte-t-il, mi-blasé, mi-content de son coup.

Cap sur la Duchère

Il tente le coup au Shanghai Shenhua. « J’étais perdu dans la ville. Même le jour où je veux partir, je ne sais pas comment aller à l’aéroport ! » Avant d’aller en Thaïlande rendre visite à l’ami Idangar. « Ça tombait bien : il faisait froid en France, on s’est offert un mois d’entretien. C’était portes ouvertes au club. » Après une année blanche, Yacine se résigne à rejoindre le FC Wil, en D2 suisse. Et comme par hasard: « Deux jours après, Didier Ollé-Nicolle m’appelle pour aller à Rouen (National)… » Malgré un contrat de trois ans, il revient à Lyon au bout d’un semestre. « Mon fils rentrait à l’école, ma femme commençait un boulot : j’ai résilié sans rien demander de plus. » C’est seulement une fois sur place que se présente l’opportunité Chasselay. Et s’il ne parvient pas à éviter la relégation -sur le terrain- de sa nouvelle équipe, il convainc les ambitieux dirigeants de la Duchère et leur nouvel entraîneur de miser sur lui pour l’opération National.

Parce que s’il est « content d’avoir fait tous ces pays », Yacine est aussi ravi d’être revenu à Lyon. À la maison.

Pierre Prugneau

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