Paillot : « De Lyon à Épinal, j’ai vraiment dégringolé… »

RELANCE. Taulier défensif de la fameuse génération 1987 de l’OL, Sandy Paillot a cru entrevoir une brèche pour évoluer dans son club formateur,  en 2007, à l’arrivée d’Alain Perrin. Après une Peace Cup et deux apparitions avec les pros, le fils de Patrick Paillot s’est fait une raison. Six années plus tard, il rejoint Rouen (National, enfin pour l’instant…) avec dans sa besace une poisse tenace.

Les deux Coupes Gambardella perdues, la déchéance grenobloise, les blessures à répétition ou la relégation en CFA avec Épinal, l’attachant défenseur de 26 ans nous raconte tout.

Grenoble - OL

Sandy Paillot à la lutte avec Karim Benzema à l’occasion d’un Grenoble-OL (0-2, le 17 janvier 2009). (Photo Panoramic – Thibaut Vianney)

As-tu toujours évolué en défense centrale ?

Non, j’étais milieu de terrain à mon arrivée au centre de formation de l’OL à 8 ans. En moins de 13 ans, lorsqu’on a commencé à jouer à 11, ce poste m’allait moins bien et je suis passé derrière. Je me souviens qu’en poussins, il y avait déjà Julien Faussurier, Karim Benzema et Rémy Riou.

Justement, as-tu rapidement senti que tu faisais partie d’une génération dorée à l’OL ?

Pas vraiment, on savait qu’on avait une belle équipe. Mais jamais je ne pensais que Karim Benzema et Hatem Ben Arfa deviendraient ce qu’ils sont aujourd’hui. Pareil pour Loïc Rémy, Anthony Mounier, et même Rémy Riou (Nantes) et Julien Faussurier (Sochaux). On se comparait juste avec les joueurs de notre âge mais le monde pro était encore loin pour nous, même à 18 ans. On avait l’habitude de jouer ensemble depuis tout petits donc on ne se rendait pas vraiment compte qu’on était bons, même si on a été champions de France 16 ans, 18 ans et CFA. Notre seul objectif était alors d’être professionnel.

« On n’a pas vu venir Loïc Rémy »

Mais certains de tes partenaires t’impressionnaient parfois quand même ?

Plusieurs étaient déjà au-dessus du lot techniquement. Je voyais bien à l’entraînement qu’ils étaient sur une autre planète. On parlait beaucoup d’eux mais c’était mérité car ils avaient déjà beaucoup de talent. Surtout Hatem (Ben Arfa) : quand il est arrivé à 15 ans, il dribblait toute l’équipe adverse et débloquait des matchs en étant surclassé avec les 18 ans. Karim (Benzema) est davantage arrivé sur le tard, et Loïc (Rémy) encore plus car il a connu des problèmes de croissance. On ne l’a pas vu venir, il a explosé d’un coup ! Rémy Riou et Julien Faussurier étaient impressionnants aussi.

Comment vit-on, en tant qu’ado, d’être coaché par son père (Patrick Paillot, joueur de l’OL de 1976 à 1980 et entraîneur des moins de 18 ans alors) pendant deux saisons ?

Cela a été étrange au début mais il pouvait me donner des conseils tout le temps. C’était important pour ma progression. Je me faisais gentiment chambrer mais en ayant mon père comme coach, je m’attendais à bien pire (sourire). Il fallait que je mérite ma place. Mon père ne m’aurait pas fait de cadeau et il ne voulait surtout pas m’enflammer. Au début, c’était un peu inconfortable pour moi mais ça devait aussi l’être pour lui.

« Je ne pensais pas qu’Hatem et Karim deviendraient aussi mal aimés »

Comment expliques-tu avec le recul les deux défaites en finales de Coupe Gambardella (2005 et 2006) au Stade de France ?

Une semaine avant la première finale, on gagne le championnat de France (5-1) face à Nantes. Je pense qu’on s’est vu beau. Nous étions persuadés de faire le doublé et Toulouse était en pleine réussite ce jour-là (2-6). Contre Strasbourg (1-3 en 2006), on aurait autant mérité de l’emporter qu’eux. Ce sont deux grosses frustrations car la Gambardella était la compétition la plus prestigieuse.

Comment perçois-tu toutes les critiques subies depuis plusieurs années par « ta » génération 87 ?

À partir de 16-17 ans, on a beaucoup moins côtoyé Hatem et Karim car ils sont vite passés dans le monde adulte avec les pros. Je n’avais pas spécialement d’affinités avec eux. Je ne sais pas ce qu’ils sont devenus aujourd’hui donc je ne peux pas vraiment avoir d’avis. Ils avaient certes leur caractère mais je ne pensais pas qu’ils deviendraient un jour aussi mal aimés. Selon moi, ils paient surtout la mauvaise période actuelle du football français.

« Dans cette équipe, je n’aurais pas fait tache »

Quand tu as signé à ton tour un contrat pro de trois ans à l’OL en 2007, tu as vraiment l’espoir d’y percer ?

Sincèrement, je me suis dit que j’aurais peut-être ma chance en cas de blessures car j’avais joué tous les matchs à la Peace Cup (en pré-saison). Je me souviens que (Christophe) Galtier et (Alain) Perrin étaient contents de mes prestations. C’est une saison où il y avait eu beaucoup de blessés aux ligaments croisés (Patrick Müller, Cleber Anderson, Cris). Du coup, il y avait une place derrière mais les coachs ont préféré faire reculer (Mathieu) Bodmer. D’ailleurs, il était avec Juninho le pro qui m’impressionnait le plus, notamment dans sa conservation de balle. C’était ma première année en pro donc j’étais déjà content d’être sur le banc. Mais d’un autre côté, je voyais à l’entraînement que je pouvais dépanner. Dans cette équipe, si j’avais joué à l’époque, je n’aurais pas fait tache. J’avais fait un match de Coupe de France qui s’était bien passé contre Créteil (une mi-temps en janvier puis 19 minutes en L1 contre Lorient) mais j’ai commencé à tourner en rond. Je faisais le banc en L1 et je ne jouais même plus en CFA. Cela me manquait vraiment.

En veux-tu à Alain Perrin ?

C’était à l’époque où il y avait de gros joueurs… et de gros salaires. Si ça avait été aujourd’hui, ça se serait peut-être passé différemment car le club fait beaucoup plus confiance aux jeunes comme Umtiti, même si c’est un très bon joueur. Je suis tombé à la mauvaise période, où il y avait un gouffre entre le centre de formation et le groupe pro. C’était un fossé quasiment infranchissable à part si tu t’appelais Karim Benzema ou Hatem Ben Arfa. Même Anthony Mounier et Loïc Rémy ont peu eu leur chance à l’OL en pros.

« [Bazdarevic] préférait me faire jouer à 70 % »

Cela a été dur de quitter l’OL ?

Grenoble (L2) s’est manifesté en janvier 2008 pour un prêt et par chance on a réussi à monter en L1 tout de suite. J’ai pu m’aguerrir au haut niveau. Le coach (Mehmet Bazdarevic) me proposait une place de titulaire en Ligue 1. Quand (Claude) Puel est arrivé ensuite, j’avais une place de remplaçant. Il me disait que j’allais être en concurrence mais je n’y croyais pas trop. J’ai préféré partir à Grenoble même si Lyon était ma ville et mon club de cœur. Mais j’avais vraiment envie de jouer en L1 à l’époque, je sentais que j’avais le niveau. La première saison, j’étais en bonne forme (4 buts en 17 matchs de L1).

Puis les pépins physiques ont débuté…

J’avais des problèmes aux hanches depuis l’OL. À Grenoble, je commençais à enchaîner des débuts de pubalgie et des déchirures. J’ai vraiment eu une période noire. J’étais tout le temps blessé et Grenoble (20e de L1 en 2010) avait des mauvais résultats. Le coach (Bazdarevic) ne voulait jamais que je me fasse opérer. Il me disait qu’il préférait me faire jouer à 70 % plutôt que de mettre quelqu’un d’autre. J’ai commencé à tirer un peu sur la machine. Ça s’enchaîne : on joue moins, on est moins bon, on se blesse à nouveau… Avec les douleurs de hanche, au bout d’un moment, c’est invivable ! J’ai fini par me faire opérer et j’ai mis du temps à m’en remettre (quatre mois plus la rééducation pour chaque hanche).

« Je voulais absolument aller à Évian »

Tu as enchaîné une deuxième relégation à Grenoble (20e de L2 en 2011). Pensais-tu alors pouvoir encore rester dans le monde pro ?

J’étais un peu en contact avec Évian et Caen (L1). Je voulais absolument aller à Évian car je restais dans ma région. Je m’étais fait des films avec mon agent et je ne m’étais pas rendu compte de la réalité du marché à l’époque. J’ai refusé des clubs de L2 et je n’aurais jamais dû car je me suis retrouvé au chômage en septembre 2011. Comme j’avais souvent été blessé, plusieurs clubs de L2 se sont méfiés et j’ai attendu janvier pour accepter le challenge Épinal (4e de National cette année-là).

Tu étais ensuite prêt à rebondir à Metz (National)…

J’étais proche de signer sauf que lors du premier entraînement, je me suis fracturé le péroné ! Encore un coup de malchance…

« Je me suis rendu compte du gouffre »

Ton deuxième passage à Épinal (de janvier à juin dernier) a été marqué par une relégation en CFA mais aussi un exploit en Coupe de France face à l’OL. Pourquoi n’as-tu pas joué ce match si particulier pour toi ?

Je venais de reprendre les entraînements après ma blessure et je n’étais pas du tout prêt pour jouer. Voilà encore un rendez-vous manqué… On a fait un gros gros match ce jour-là car je n’ai pas trouvé l’OL si fébrile que ça. J’ai revu certains joueurs que je connaissais comme (Maxime) Gonalons, Rémy Vercoutre, mais aussi (Robert) Duverne, Rémi Garde et (Joël) Bats. C’était sympa mais d’un côté ça m’a fait mal au cœur. Car c’est le moment où je me suis totalement rendu compte du gouffre entre le moment où j’ai commencé ma carrière et maintenant. De Lyon à Épinal, j’ai vraiment dégringolé…

À 26 ans et après avoir signé pour deux saisons à Rouen (National), gardes-tu l’espoir de rejouer dans un club professionnel ?

Avec toutes ces blessures, je n’arrivais parfois plus à sortir la tête de l’eau. Mais dans ma tête, je suis encore le joueur que j’étais en L1 à Grenoble. Si je suis épargné par les blessures pendant deux-trois années, je peux peut-être goûter au monde pro. Le meilleur moyen de signer un nouveau contrat pro, c’est de monter avec le club dans lequel je suis et pourquoi pas à Rouen.

Entretien réalisé par Jérémy Laugier

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