Yacine Bammou, chambreur professionnel

Bammou

INCULTURE FOOT. Avec son physique de vendeur de vêtements soldés, Yacine Bammou a été contraint de développer d’autres qualités pour séduire, et c’est à son sens de l’humour qu’il doit ses conquêtes sportives. Repéré adolescent lors du concours annuel de blagues de l’INF Clairefontaine, il brilla lors de l’épreuve écrite (un résumé de match du Real Madrid, noté par Frédéric Hermel) puis durant l’épreuve orale (la lecture d’un compte-rendu de la Commission de discipline de la LFP). Recruté puis prêté dans diverses salles de cabaret de Loire-Atlantique, il signa à 19 ans son contrat de chambreur professionnel, son poste actuel au FC Nantes

En mars 2017, Yacine Bammou justifiait sa vocation sur Twog, site de référence de l’humour français : « J’ai toujours voulu faire rire, et je m’y suis mis à fond après avoir vu la performance de Fabien Barthez dans Les Yeux dans les Bleus. En Ligue 1, j’apprécie beaucoup le jeu de Rémy Vercoutre. On sent qu’il se donne à 100 % dans son travail. Le secret reste évidemment de s’inspirer des meilleurs, alors je regarde sur Youtube des compilations des grands noms du chambrage comme Daniel Alves, Laurent Paganelli et Souleymane Diawara. Je leur pique des vannes, des tics de langage… » Cette méthode franco-américaine, la Tomersisleymologie, est plébiscitée en L1, où le chambreur est la personnalité la plus importante d’un club, bien plus qu’un attaquant dont la fonction se limite à inscrire des buts et à faire gagner des matchs. Il est facile d’être bon quand tout va bien. Entretenir la bonne humeur d’un vestiaire après une défaite réclame un talent rare. Seul Neymar parvient à être décisif sur le terrain tout en se foutant de la gueule de ses adversaires, ce qui fait de lui le footballeur le plus complet du XXIe siècle.

Deux tendances s’affrontent. Les tenants de la vieille école, portée par Franck Ribéry, mettent du dentifrice dans les chaussures de leurs coéquipiers. La nouvelle vague, élevée sur Internet, préfèrent leur montrer des gifs de footballeurs qui enfilent des chaussures pleines de dentifrices ; c’est certes beaucoup moins drôle, mais bien moins salissant. Le plus souvent, le chambreur pro s’assied volontairement sur le banc, ce qui lui laisse du temps pour réfléchir à ses vannes. En 2005, c’est en racontant l’histoire des deux nains enfermés dans un frigo, à la mi-temps de la finale Liverpool-Milan, que Djibril Cissé a rallumé la flamme chez ses coéquipiers. On a rien trouvé de mieux qu’une bonne blague pour ressouder un groupe, sauf si, bien sûr, ce groupe comporte des nains, un frigo ou toute autre catégorie considérée comme oppressée.

La mésaventure vécue par Nicolas Le Bézénech rappelle toutes les difficultés du métier : apprécié pour son franc-parler, l’ancien gardien remplaçant du Stade Bretois (2001-2006) vit sa réputation ternie après une remarque piquante sur la qualité des chips servies au salon V.I.P du stade Francis-le-Blé. Attaqué en justice par l’association de défense des droits des pommes de terres transformées, il passa deux ans en prison. Depuis cet incident, une stratégie prime : éviter les sujets clivants. Pour un rire garanti, le plus efficace consiste à se moquer de l’élément le plus faible du groupe, par exemple un blessé de longue date ou un roux, et idéalement d’un étranger qui n’osera pas répliquer afin de s’intégrer. Une consigne aussi utile dans un vestiaire que dans la vie.

Florian Bifflard

(Photo Arnaud Duret / FC Nantes)

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