Frédéric Sammaritano, le DJ du DFCO

Frédéric Sammaritano

INCULTURE FOOT. La réussite d’une carrière se joue dans la chanson qu’une recrue doit contractuellement entonner lors de son premier repas en commun. Des footballeurs talentueux ont vu leur destin brisé en dévoilant à cette occasion un extrait de leur mixtape, et on ne compte plus les ruptures de contrat après une interprétation trop timide de La Zoubida, un tube sur lequel même les plus grandes voices (Mariah Carey), Bruce Springsteen, Frank Sinatra) se sont cassé les dents.

Le moment s’avère si intimidant que beaucoup préfèrent s’entraîner avant d’oser monter sur la table du self : signalons le cas de ce défenseur central qui enchaîne les concerts depuis bientôt quinze ans, un certain Fabien Maël, plus connu sous le pseudonyme de Christophe Maé. Ancien choriste remplaçant du groupe Alliage et quart-de-finaliste de Faites entrer l’Incroyable Nouvelle Star Academy du village préféré des Français 2007, Frédéric Sammaritano est devenu DJ du vestiaire de Dijon après avoir survécu au bizutage.

Responsable de la bande-son d’avant-match, le DJ a des fonctions multiples : galvaniser ses coéquipiers, préparer la cérémonie du dab collectif et, plus important encore, perturber le vestiaire voisin en poussant le son au maximum. Ces maîtres-chanteurs n’ont pas tous le talent de Benzema : à Paris, par exemple, Cavani ne joue qu’en une touche, à l’instar de son modèle David Guetta. Ils sont généralement des joueurs de devoir, bien conscient de l’importance de leur rôle. Dans le foot, l’ambiance musicale est un problème sociétal, au même titre que l’épineuse question de l’homosexualité. Le DJ joue le médiateur entre la branche modérée, élevée à la chanson française de supermarché, et le courant « extrémiste, fan de musique urbaine, rap, hip-hop, wesh-wesh, etc. » (Racaille Football Club, Daniel Riolo). Le plus souvent, le conflit ne cesse qu’après l’écoute d’un morceau d’Orelsan.

Les professionnels de l’industrie du disque recommandent de diffuser un chant rassembleur cinq minutes avant le coup d’envoi, en évitant certains classiques : Eye of the tiger (trop connoté boxe), Jump de Van Halen (trop connoté OM) ou Maréchal, nous voilà ! (dont le rythme entraînant compense difficilement la faiblesse du texte, en particulier l’abus de rimes pauvres). Pour être efficace, le morceau doit être connu de tous : inutile de diffuser l’hymne de la Ligue des Champions dans le vestiaire de l’AS Saint-Etienne, cela n’entraînerait que de l’incompréhension. En revanche, chanter à tue-tête Les Rois du monde (de la comédie musicale Roméo & Juliette) permet de motiver les troupes tout en préparant l’annonce de son coming-out. Et ainsi de régler deux problèmes d’un coup.

Au fil des années, l’expérience aidant, Frédéric Sammaritano est parvenu à concilier les exigences du foot pro avec une playlist de qualité : « Je veux chanter pour ceux qui sont loin de chez eux », déclarait-il dans le magazine So Foot n°11 548. « Je dirai les mots, les poèmes, je chanterai les musiques du ciel. C’est l’heure de défendre notre terre contre une armée de Sumériens prêtes à croiser le fer. Et on fait tourner les serviettes. » Une belle leçon de vie.

Florian Bifflard

(Photo DFCO)

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