Sonny Anderson : « Partout on parle de moi comme d’un Lyonnais »

Olympique Lyonnais

SOUS L’HORLOGE. Il suffit de regarder un best-of des buts de l’Olympique Lyonnais pour se rappeler très fort de Sonny Anderson. Si le Brésilien prend beaucoup de place dans ce genre de compil’, ce n’est pas un hasard: il a marqué des buts pour l’OL. Beaucoup de buts. Aujourd’hui, les souvenirs d’un buteur racé, d’une classe folle, restent ancrés dans les mémoires comme autant de frissons qu’a offerts le Brésilien à Gerland, dont il est l’une des plus grandes idoles. Para sempre.

 

Sonny Anderson n’a pas seulement fait le lien entre le Lyon d’avant et le Lyon qui gagne. Il l’a matérialisé. Il était ce lien. L’élément déclencheur. Celui qui a opéré la bascule. Le facteur décisif. Désormais consultant pour beIN Sports, Sonnygoal a rangé les crampons. Mais le bruit des tribunes après un de ses exploits résonne encore, comme ne s’éteindra jamais le souvenir d’un pas de samba au poteau de corner, devant le Virage Nord. Pour le Libero Lyon, Sonny Anderson, toujours instinctif et juste, a décidé de raconter un peu de son histoire lyonnaise. L’histoire de sa vie.

 

 

« C’est l’instinct qui parle dans ces moments-là »

Il y a des souvenirs qui restent comme ça, on ne sait pas pourquoi… Quand j’entends « Sonny Anderson », je repense à ce but que tu as mis contre le PSG de Ronaldinho à Gerland, l’année du deuxième titre (1-0). Une frappe hallucinante de 30 mètres…

Je sais pourquoi tu t’en souviens. En fait, tout le monde s’en souvient car c’était mon dernier but à Gerland…

Mais pourquoi être parti comme ça vers le but, tout seul contre quatre… Et cette frappe ?

Ça s’est passé simplement. Philippe Violeau récupère le ballon, puis me le passe. J’ai instinctivement l’habitude d’aller vers le but. Je ne sais pas si mes coéquipiers suivent. Après, je vois quatre Parisiens m’enfermer. Ils étaient bien en place. Je n’avais pas la possibilité de les dribbler tous les quatre, et je savais que j’avais une chance de marquer en frappant de cette distance. Effectivement, oui… (Rires) On avait besoin de la victoire, alors j’ai pris le risque.

On a le souvenir de beaucoup de buts assez insensés comme ça, surtout du pied gauche d’ailleurs. Comme ce lob contre Monaco l’année du premier titre… Il se passait quoi dans ta tête pour tenter de telles frappes avec ton mauvais pied ?

Alors, je précise, le pied gauche était mon mauvais pied, mais à la naissance ! Après, je l’ai tellement travaillé qu’il est devenu plus précis que le pied droit. J’avais plus de contrôle dans les frappes avec mon pied gauche. Pour parler de tous ces « beaux buts » en question, on n’analyse pas assez l’action à chaque fois. Contre Monaco, par exemple, Carrière me donne le ballon en profondeur. Je vois que Porato est avancé et moi, je suis excentré. Je me suis dis alors que je devais trouver la solution pour marquer de là où j’étais, et j’en ai conclu que je n’avais pas d’autre choix que le lob, à part si je contrôlais et que je donnais le ballon derrière. Donc j’ai tenté et c’est passé.

« J’encourage sans cesse les attaquants à tenter davantage. Si on rate, ce n’est pas grave. Et si on marque, on marque aussi les esprits et ça reste. Donc il faut tenter »

Il y a aussi cette frappe contre l’Inter à San Siro…

C’est pareil pour ce but. J’opte pour la seule solution qui s’offre à moi, simplement. L’angle était fermé, j’ai tenté ma chance… C’est l’instinct qui parle dans ces moments-là. Ça m’a réussi.

Et puis après être parti de l’OL, à Villarreal, tu mets un but extraordinaire contre le Real Madrid. Encore du pied gauche !

Mais là, encore une fois, c’est pareil ! Le ballon rebondit et je suis excentré à gauche. Par expérience, je sais que quand on est dans cette position-là, le gardien vient naturellement au premier poteau et laisse toujours un espace vide derrière lui, au second poteau. Je savais qu’en mettant le ballon derrière Casillas, je marquerais. J’encourage sans cesse les attaquants à tenter davantage. Il y en a beaucoup qui n’essayent pas… Mais si on n’essaye pas, on ne pourra jamais savoir. Si on rate, ce n’est pas grave. Et si on marque, on marque aussi les esprits et ça reste. Donc il faut tenter.

Contre Lens, à Gerland, saison 2000-2001, tu marques encore une fois un but superbe du gauche, qui lui, ne doit rien à l’instinct en revanche.

Sur ce but, avant de recevoir le ballon de Steed Malbranque côté droit, je savais déjà tout ce que j’allais faire. C’était programmé: partir vers l’intérieur et enrouler du pied gauche. Mais ce jour-là, Steve Marlet marque un but beaucoup plus beau que le mien ! Une reprise de volée croisée incroyable. C’est ce dont on vient de parler: s’il n’avait pas tenté, il n’aurait jamais marqué ce but. C’est un des plus beaux buts qu’il y a eu à Gerland. Le geste qu’il fait est très, très difficile. Mais c’est exactement ce qu’il fallait faire à ce moment-là.

Si tu devais faire ton top 3 buts à l’OL, ça serait quoi ?

Le premier, c’est celui contre Monaco, le lob. Après, c’est compliqué. Il y a celui contre l’Ajax… Ce but je l’aime beaucoup car j’ai réussi à faire tout ce que j’avais imaginé avant d’avoir la balle. Je reçois le ballon de Flo’ Laville, puis je fais un coup du sombrero au défenseur, puis un lob au gardien. Enfin, en troisième, je mettrais celui qu’on a marqué contre l’Inter à Gerland. Il est exceptionnel dans le collectif. C’est l’un des plus beaux buts dans le jeu que l’OL ait marqué. Et puis c’était en Ligue des Champions, donc ça reste.

 

« Je savais que je venais pour faire grandir le club »

Comment les dirigeants lyonnais arrivent à te convaincre de signer ? Est-ce que l’un d’entre eux se montre déterminant ?

J’étais à Barcelone. Mes agents m’ont signalé un intérêt de Lyon. Je me suis dit: « Pourquoi pas ? » Là, j’ai eu Bernard Lacombe, qui était le coach, au téléphone. Il m’a parlé du projet sportif du club, ce qu’il voulait faire dans l’avenir. Bernard a dit plus tard: « Je ne voulais qu’un seul joueur, c’était Sonny Anderson. » Le projet sportif était très ambitieux. Le club voulait gagner des titres dans les années qui arrivaient. Être en Ligue des Champions chaque saison. Ça correspondait exactement à ce que je voulais. C’est ce dont j’avais besoin pour la suite de ma carrière. En restant à Barcelone, j’étais sûr de gagner un titre à la fin de chaque saison. À Lyon, à ce moment-là, ce n’était pas du tout sûr. Après, j’ai eu aussi le président Aulas. Il m’a dit qu’il voulait faire du club l’un des meilleurs en Europe. C’est exactement ce que je recherchais comme projet. De mon côté, il fallait que je fasse en sorte que les joueurs à côté de moi aient la même ambition que moi. On m’a donné cette responsabilité qui m’a beaucoup plu.

On t’a dit que tu devais prendre le leadership de l’équipe ?

Non, non. Pas comme ça. Mais quand tu viens du FC Barcelone, forcément, tu es naturellement considéré comme un leader. On n’a pas besoin de te le dire. En plus, à l’époque, le transfert était le plus cher en France. Dans ma tête, clairement, je me suis senti tout de suite comme un leader. Il fallait que j’emmène mon expérience, que je sois professionnel jour après jour à l’entraînement, que je fasse les efforts pour que les autres joueurs puissent me suivre dans le projet. Personne n’a été obligé de me dire – ni le président Aulas, ni Bernard Lacombe – « on compte sur toi, tu es le leader ». Personne ne m’a dit ça car je l’avais déjà compris, dès que Lyon a fait de gros efforts pour me faire signer. Je savais que je venais pour faire grandir le club.

« On a construit patiemment. Moi, j’ai terminé mes deux premières saisons meilleur buteur du championnat. Je savais qu’il fallait que je laisse tout de suite mon empreinte, dès mon arrivée. Après ça, on pouvait penser à gagner des titres. Et c’est ce qui est arrivé »

D’ailleurs, beaucoup de gens pensent que ton arrivée fait basculer le destin de l’OL. Et toi, comment vois-tu les choses ?

Oui, ça correspond un peu… (Il hésite) Après, quand je suis arrivé, l’équipe était déjà qualifiée pour le tour préliminaire de la Ligue des Champions, donc les objectifs étaient déjà là. Il fallait juste donner une continuité et un coup de pouce pour aller encore plus loin. Avant moi, il y avait déjà des joueurs très performants, comme Cavéglia. Des leaders aussi, avec Violeau, Laville, Coupet… Il fallait juste leur donner un coup de pouce. Et les ambitions sont venues petit à petit.

Comment ça ?

Si j’étais arrivé de Barcelone en disant « Il faut qu’on gagne des titres tout de suite », je pense que les joueurs ne m’auraient pas suivi. Là, peu à peu, on s’est encore qualifiés pour la Ligue des Champions, ça permettait de faire venir d’autres joueurs performants… On a construit patiemment. Moi, j’ai terminé mes deux premières saisons meilleur buteur du championnat. Je savais qu’il fallait que je laisse tout de suite mon empreinte, dès mon arrivée. Après ça, on pouvait penser à gagner des titres. Et c’est ce qui est arrivé.

 

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« J’ai passé quatre ans au club. Même si j’ai du respect pour Marseille et Monaco, ça m’a moins marqué. À Lyon, on a construit quelque chose ensemble. » (Photo Marcos – Archives Lyon Figaro)

 

Comment vis-tu tes premières semaines compliquées à Lyon ? On a l’impression que les 116 millions de son transfert te mettent une grosse pression, tu mets un petit peu de temps à marquer, et puis il y a Maribor…

J’étais tranquille dans ma tête. J’ai bien compris l’exigence des gens à l’époque. Mais il ne faut pas oublier que je suis arrivé blessé de Barcelone. Le club a pris un risque en me prenant à ce moment-là. Mais les gens veulent toujours des résultats immédiats… Après Maribor, il m’a fallu du temps. Mais je savais qu’à partir du moment où j’irai mieux physiquement, j’allais retrouver mon niveau et faire ce que j’ai fait par la suite. Il s’est passé des choses très fortes juste après Maribor. Les supporters n’ont pas été patients à ce moment-là… J’ai eu une discussion avec eux, tout de suite après cet échec. Je leur avais dit: « Laissez-moi faire mon travail. Si ça ne marche pas, vous aurez le droit de manifester. » Je n’ai pas apprécié la violence qu’il y a pu avoir suite à cette élimination. Tout de suite après, on jouait contre Paris, à Gerland. Je provoque un penalty, que je marque. À partir de là, tout a changé. Les supporters ont commencé à avoir confiance en moi. Et on a commencé à construire quelque chose de fort.

 

« Il faut trois buts ? Je peux marquer ces trois buts »

Tu avais déjà beaucoup marqué en D1, à Marseille ou Monaco. Mais en France, tu as l’étiquette OL pour toujours. D’ailleurs, quand tu reviens, Gerland chante ton nom. Ça te fait plaisir ?

(Rires) Bien évidemment que ça me fait plaisir. Aujourd’hui, partout où on parle de moi, on parle de moi comme d’un Lyonnais. Et c’est normal ! J’ai passé quatre ans au club. Même si j’ai du respect pour Marseille et Monaco, ça m’a moins marqué. À Lyon, on a construit quelque chose ensemble, on a gagné ce premier titre. Puis je suis revenu dans le staff, j’ai fait mon jubilé à Gerland… Je suis lié au club. J’ai aussi de très bons amis, que je vois encore aujourd’hui, qui font partie des Bad Gones. J’ai créé beaucoup d’amitiés qui resteront. Et puis je suis toujours installé à Lyon, j’y ai toute ma vie. Les moments les plus forts de ma carrière, je les ai vécus ici.

Tu es quasi systématiquement cité parmi les plus grands joueurs de l’histoire du club…

C’est énormément de plaisir et de fierté. Ça signifie que j’ai su marquer positivement le club au moment où j’y étais. C’est comme ça: on passe, puis on part… Après, on reste dans la mémoire des gens mais le club continue à vivre sans nous et d’autres joueurs prennent le relais. Ça me fait très plaisir de savoir que j’ai réussi à accomplir ce que les dirigeants attendaient de moi en venant me chercher à Barcelone. Et aujourd’hui, mon lien avec les supporters reste.  Je le vois quand je me promène à Lyon, ou sur les réseaux sociaux. Cette reconnaissance restera pour toujours et ça me touche beaucoup.

« Bruges, c’est le seul match de toute ma carrière où je n’ai pensé vraiment qu’à moi. Je voulais qualifier l’équipe. Moi. Tout seul »

Il y a un match qui a beaucoup fait pour ta légende. Ce match retour contre Bruges, à Gerland, où tu qualifies l’équipe tout seul.

(Rires) Oui, c’est sûr… Ce match était très spécial. On avait perdu à Bruges 4-1, et le lendemain, dans la presse… (Il hésite) Quand un joueur de foot dit qu’il ne regarde pas la presse, c’est faux. Parce qu’on regarde tout. Et je me souviens qu’à l’issue de ce match aller à Bruges, j’avais vraiment été très critiqué. J’ai accepté cette critique, j’étais le joueur le plus important de l’équipe à l’époque et je n’avais pas fait ce qu’il fallait. Après avoir vu ça, pendant quinze jours, je n’ai parlé à personne et j’ai travaillé. Je me disais dans ma tête : « Je veux qualifier le club. » C’est le seul match de toute ma carrière où je n’ai pensé vraiment qu’à moi. Je voulais qualifier l’équipe. Moi. Tout seul. Ce n’est pas l’équipe qui doit se qualifier, c’est moi qui dois la qualifier. Le jour du match retour, je suis rentré sur le terrain en me disant : « Il faut trois buts ? Je peux marquer ces trois buts. » Et j’ai réussi à le faire. J’avais imaginé un scénario, et je m’étais donné les moyens de le réaliser, c’est ce qui était encore plus beau à la fin.

 

« Je ne voulais plus être le meilleur buteur. Je voulais être champion »

L’année du titre, tu joues moins, et tu ne reviens vraiment que pour les derniers matches… Sens-tu déjà que ton histoire doit continuer ailleurs ?

Déjà, il faut savoir que dans tous les matches décisifs où l’OL a gagné des titres, ou bien tous les matches vraiment importants, je n’ai pas marqué. Je ne jouais pas vraiment ces matchs-là pour marquer, mais plutôt pour faire en sorte que l’équipe gagne à tout prix. Les deux premières années à l’OL, je savais qu’on ne pouvait pas gagner un titre. En revanche, il fallait que je marque beaucoup de buts, tout de suite, et que je sois le meilleur buteur du Championnat. Pour être respecté. Pour que l’OL soit respecté. Les deux années suivantes, en revanche, je sentais qu’on pouvait être champions de France. Et on a été champions de France. J’ai marqué, je crois, 19 buts la 3e année, et 14 buts lors de ma dernière saison (18 et 17 exactement, après 28 et 31 les deux premières saisons, toutes compétitions confondues). C’est à dire que j’étais loin de ce que j’avais fait auparavant. Sauf que dans ma tête, je ne voulais plus être le meilleur buteur du championnat. Je voulais être champion de France.

Et tu pars après le deuxième titre.

J’ai vraiment senti que mon avenir n’était plus à l’OL lors de ma dernière saison. Il me restait un an de contrat. L’OL était d’accord pour me laisser partir. Au départ, je voulais rester. Mais c’était compliqué pour le coach Paul Le Guen, car j’avais beaucoup de blessures… Et c’était compliqué pour moi de continuer au même niveau de performance qu’avant. Donc j’ai préféré partir et laisser la place. J’ai compris qu’en restant dans l’effectif, en sachant que je n’aurais pas pu faire tous les matchs, ça aurait été compliqué.

« Après, Juninho a pris les rênes. Mais il les avait déjà prises lors de ma dernière saison, où il avait été très, très décisif »

J’avais un nom qui portait, il fallait que je joue. « Pourquoi il ne joue pas, Sonny Anderson ? » Je ne voulais pas imposer ce genre de problème à l’entraîneur et au club. Aujourd’hui, on voit que c’était une bonne décision de me laisser partir, car le club a enchaîné cinq autres titres juste derrière.

Il y a le passage au 4-3-3, la prise de pouvoir de Juninho… Est-ce que tu comprends qu’un relais est en train d’avoir lieu dans le jeu de l’équipe, basculant alors de l’attaque vers le milieu ?

Quand j’étais sur le terrain, à l’OL, on ne jouait jamais en 4-3-3. On était toujours en 4-4-2. Après, oui, Juninho a pris les rênes. Mais il les avait déjà prises lors de ma dernière saison, où il avait été très, très décisif. C’est un joueur de caractère. Comme moi avant, il s’est senti le joueur le plus important de l’équipe, le groupe le lui a fait ressentir, et il a pris ses responsabilités. Il a su accepter cette obligation d’être le meneur, l’homme décisif, vis-à-vis du groupe et vis-à-vis du club. Quand on fait le bilan aujourd’hui, on voit que Juninho a été décisif dans les moments vraiment importants. Après, pour revenir à la façon de jouer et au 4-3-3, c’était une évolution du football à ce moment-là. Comme, aujourd’hui, ça joue en 4-4-2 en losange… C’était une évolution, voilà.

Cette équipe guidée par Juninho, on a souvent dit qu’il lui manquait un avant-centre… Que s’est-il passé entre l’ère Anderson et l’ère Benzema ?

Le problème, c’est qu’il aurait fallu un peu plus de temps à Fred. C’était l’avant-centre, à ce moment là, qui pouvait marquer. Mais son adaptation au football européen n’a pas été bonne, ça a pris du temps… Avec un attaquant d’expérience, régulier, comme aurait pu le devenir Fred, l’équipe aurait pu passer à Milan. Et puis Karim est arrivé, mais après… On dit souvent que j’ai arrêté trop tôt et que Karim est arrivé trop tard. C’est comme ça. (Rires)

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« Juninho un joueur de caractère. Comme moi avant, il s’est senti le joueur le plus important de l’équipe, le groupe le lui a fait ressentir, et il a pris ses responsabilités. » (Photo Alain Mounic – FEP / Panoramic)

 

« Seul un attaquant peut comprendre un autre attaquant »

Quand tu reviens à Lyon, dans le staff, tu participes à la création de ce poste spécifique d’entraîneur pour les attaquants. Comment se met en place cette innovation ?

J’en avais parlé auparavant avec Bernard, avec le président, avec Gérard Houllier… Mais le coach qui m’a vraiment fait confiance pour ce rôle, c’est Claude Puel. Un attaquant, aujourd’hui, c’est comme un gardien de but. Il lui faut un entraînement spécial pour être en confiance. Comme les gardiens, les attaquants doivent répéter les gestes tout le temps, quotidiennement. Jusqu’à la fin de sa carrière, il faut répéter, car en match, ce sont toujours les mêmes situations qui reviennent. La plupart des attaquants se précipitent face au but, alors qu’on a le temps. (Il insiste) On a le temps ! Ça, ça se travaille. Si on veut faire progresser les attaquants en France, il faut un entraîneur des attaquants dans tous les clubs. Ça peut être très efficace. Un attaquant qui a joué dans des grands clubs peut apporter cette expérience et cette confiance nécessaire. Seul un attaquant peut comprendre un autre attaquant.

Quel bilan tires-tu de cette expérience ?

J’ai fait un très gros travail avec Gomis. Il faut se souvenir qu’au début, à Lyon, Gomis tombait tout le temps. Ça énervait tout le monde. Je lui ai dit: « Bafé, ton point fort, c’est ton physique. Il faut que tu mises dessus. » Je lui ai appris à jouer dos au but, ce qu’il ne faisait pas avant. Ça a donné des résultats, car il a marqué des buts de manière régulière. J’ai aussi travaillé avec Fred, dans la surface, sur des finitions à une touche de balle. Avec Lacazette, on a aussi énormément bossé devant le but. Pour moi, Alex n’a jamais été un joueur de côté, un centreur. C’est un vrai buteur. Aujourd’hui, on voit bien le résultat. C’est un vrai finisseur. Il doit rester axial. Un joueur comme Loïc Rémy aussi, pour moi, est bien plus à l’aise et efficace dans l’axe.

« Je suis d’autant plus supporter de ces jeunes que je les ai vus grandir. Je les ai vus tout petits, à 15 ou 16 ans. Aujourd’hui, ils sont là, en train d’écrire l’histoire du club »

C’est pas trop dur de donner des conseils à des attaquants quand tu sais que Bernard Lacombe passe derrière pour apporter lui aussi sa touche personnelle ?

Non, car on a exactement la même vision du poste. On connaît tous les deux la psychologie d’un attaquant. Bernard m’a beaucoup apporté quand je suis arrivé à Lyon. Il savait toujours ce qu’il se passait dans ma tête. Entre buteurs, on se comprend. Encore aujourd’hui, à chaque fois que je parle avec lui, on parle d’attaquants. Donc savoir que Bernard était derrière moi, c’était plus une aide qu’autre chose. On a vraiment la même perception du poste. Il bonifiait mon travail.

La formation lyonnaise a une spécificité, celle de sortir des attaquants. Pourquoi ça marche plus à Lyon qu’ailleurs dans ce domaine ?

Car il y a une tradition de grands attaquants dans ce club, tout simplement. Di Nallo, Bernard Lacombe, Cavéglia, Benzema… Quand vous avez de telles références, ça fait rêver, ça permet de s’identifier. Et puis l’attaquant, c’est celui qui marque, donc celui qui donne du plaisir aux gens. Ça aussi, ça attire. À Lyon, il y a toujours eu une formation pour faire du jeu, pour attaquer. Et ça, ça se fait avec des attaquants, où des joueurs très offensifs, comme Nabil Fekir aujourd’hui.

Lacazette-Fekir, c’est un duo qui te plaît ?

Bien sûr qu’il me plaît. Il y en a un, Fekir, qui garde bien le ballon, qui aime provoquer, dribbler, qui trouve des solutions par le dribble. Et l’autre, Lacazette, qui crée le danger par ses appels, ses déplacements, mais qui est aussi capable de dribbler dans les petits périmètres. Quand l’un prend la profondeur, l’autre décroche… Ils sont très complémentaires, c’est un duo d’attaque idéal pour l’OL aujourd’hui.

Tu regardes toujours les résultats de l’OL ? Tu les supportes ?

Bien sûr. Je suis supporter de cette ambition que montre le club. Ce que fait le président Aulas est toujours bien réfléchi. Et ce que le club réalise avec l’Académie est extraordinaire. Je suis d’autant plus supporter de ces jeunes que je les ai vus grandir. Je les ai vus tout petits, à 15 ou 16 ans. Aujourd’hui, ils sont là, en train d’écrire l’histoire du club. Alors je suis ça de très près.

Pour finir, c’est la tradition, tu dois composer ton onze OL star.

Olympique Lyonnais

Pour l’entraîneur, je choisis Jacques Santini. C’est lui qui a eu l’idée de gagner le premier titre avec l’OL. Il avait la moins bonne équipe des sept titres, mais il a su créer un groupe très, très fort. Santini trouvait à chaque fois les bons mots pour nous parler. Mentalement, pour moi, il a beaucoup compté. En gardien de but, Grégory Coupet. J’ai vu la progression qu’il a eue, jusqu’à l’équipe de France: impressionnant. Et il nous a sauvés sur beaucoup de matchs. Arrière droit : Anthony Réveillère. Un joueur très offensif, parfait pour l’OL, et régulier. En défense centrale, c’est très compliqué, on a eu plusieurs excellents joueurs à Lyon. Je mettrais d’abord Claudio Caçapa. C’est le joueur qui a le plus de caractère défensif. Avec lui… (Il soupire) C’est très compliqué. On a eu Patrick Müller et Florent Laville, qui ont été très, très importants. Mais je mettrais Cris. Une charnière Caçapa-Cris. Cris était un vrai guerrier. Donc je choisis deux vrais défenseurs, qui pensent d’abord à défendre. Ensuite, à gauche, Éric Abidal. Il était très offensif sur son côté… Après, en récupérateur, Mahamadou Diarra. Alors, Mahamadou Diarra, ce qu’il faut savoir, c’est que quand il est arrivé à Lyon, il voulait dribbler tout le monde et il voulait marquer des buts… (Rires) On a eu une petite discussion lui et moi. Je lui ai dit : « Djila, tu récupères, et tu donnes. » Avec ce petit conseil, il a fait une grande carrière ! Il faisait peur à tout le monde et il protégeait très bien l’axe du but. Personne ne le passait. Ensuite, c’est très compliqué au milieu, j’ai joué avec des joueurs exceptionnels… Bon déjà, je mets Juninho. Je le connaissais depuis le Brésil. Il donnait de très bons conseils dans le jeu. Même à moi, il me donnait des conseils. Il a été décisif dans l’histoire du club. Je choisis Tiago à côté de lui. J’aurais vraiment aimé jouer avec Tiago, un joueur d’une classe et d’une technique exceptionnelle. Devant, Sidney Govou, bien entendu. C’est lui qui m’a fait le plus marquer à Lyon. Il abattait un travail énorme. Il harcelait les défenseurs, récupérait des ballons, marquait des buts… C’était exceptionnel de jouer aux côtés de Sidney. Pour finir la ligne d’attaque, je mettrais Karim Benzema et moi. Avec Karim un peu à gauche hein… Et moi dans l’axe.

Propos recueillis par Hugo Guillemet


(Photo Alain Mounic – FEP / Panoramic)

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