Réveillère, sans pleurs et sans reproche

MONUMENT. Pour son dernier match avec l’OL, Anthony Réveillère est sorti sous les acclamations de Gerland. Une déclaration d’amour reçue avec pudeur, à l’image d’un joueur qui ne s’est jamais fait remarquer, au point qu’on en a parfois oublié qu’il était remarquable.

Anthony Réveillère OL Rennes

Anthony Réveillère est probablement le meilleur arrière droit français depuis le retrait de Willy Sagnol. Le problème, c’est que la France n’était pas au courant. (Photo Panoramic – Anthony Bibard)

 

Été 2003. Anthony Réveillère débarque à Lyon, après un prêt de six mois par le Stade Rennais au FC Valence qui, sous la houlette de Rafael Benitez, finit cinquième de Liga, un an après avoir été sacré champion d’Espagne… et un an avant de réaliser un triplé historique (championnat, Coupe de l’UEFA, Coupe du Roi).

Le Lyon de Paul Le Guen, en poste depuis 2002 et qui avait eu l’arrière droit sous ses ordres à Rennes (1998-2001), chipe au nez et à la barbe de nombreux prétendants l’un des grands espoirs français à son poste. Son arrivée est pourtant éclipsée par la signature de deux autres pépites, Michael Essien et Florent Malouda, et par le feuilleton de l’été qui consiste à savoir comment l’OL arrivera à remplacer Anderson – c’est finalement Giovane Elber qui débarquera à Tola Vologe fin août.

Un décennat à peine perturbé par Clerc

Pourtant, Lyon tient enfin l’homme qui saura prendre la place laissée vacante par Carteron, que ni Deflandre, ni Chanelet n’auront jamais vraiment su faire oublier en trois saisons. Réveillère attendra cependant une année avant de donner la pleine mesure de son talent sur le flanc droit. Il est en effet souvent contraint de dépanner à gauche. Abidal n’arrivera qu’un an plus tard et Berthod, alors 19 ans, est encore un peu frêle. Le Diable rouge conserve son poste à droite, avant de partir l’été suivant.

Anthony Réveillère ne fait pas de vague. Il n’est pas spectaculaire sur le terrain et n’a pas le charisme d’une star en puissance. Pourtant, dès la saison 2004-05, il s’impose définitivement sur le côté droit, et ce pour neuf longues saisons. La concurrence de François Clerc, notamment de 2006 à 2008, lui aura finalement fait l’effet d’un coup de fouet, la droite lyonnaise ayant longtemps vécu dans l’ombre du duo Abidal-Malouda. Et encore, cette concurrence n’aurait même pas existé si Réveillère n’avait pas été victime d’un enchaînement de blessures à la cuisse et aux ischio-jambiers en 2005-2006, qui lui coûtera la Coupe du monde en Allemagne et près de cinq ans d’absence en équipe de France. Et lorsqu’il est victime d’une rupture des ligaments croisés du genou fin 2008, Claude Puel en a refait un titulaire indiscutable, quand Houllier et Perrin jouaient l’alternance. Au point que, malgré sa perplexité devant la volonté de son défenseur de ne pas se faire opérer, Puel lui accorde presque aussitôt sa confiance à son retour. À Lyon, le latéral droit des années 2000, c’est lui. Au beau milieu des stars, Anthony a posé discrètement son empreinte sur l’histoire de la plus belle décennie de l’Olympique Lyonnais.

Le baiser de la mort de Deschamps

L’équipe de France restera finalement la seule source de frustration de la carrière de Réveillère. Il détient pourtant un record pour le XXIème siècle, puisqu’il a été aligné par les quatre derniers sélectionneurs : Jacques Santini (une fois), Raymond Domenech (5), Laurent Blanc (12) et Didier Deschamps (2). Si la concurrence de Sagnol peut expliquer pourquoi la place était si chère jusqu’en 2008, les années Sagna-Clerc ont dû être plus dures à digérer. Réveillère a fêté sa vingtième cape en Italie en novembre dernier (1-2). Pourtant, trois mois plus tard, Deschamps va appeler, au gré des absences, Debuchy, Sagna, Jallet puis Fanni. Une sorte de baiser de la mort dont le meilleur latéral droit du premier semestre ne semble pas s’être remis par la suite.

Les images fortes qui nous resteront de lui ne sont pas légion. Très rarement buteur (cinq fois en 400 matchs avec l’OL), pas si souvent passeur, c’est plus par sa sobriété qu’il se sera illustré. Mais Gerland se souviendra toujours de ce 13 septembre 2005. 31ème minute. Coupet, qui a le ballon dans sa surface, joue sur son latéral. Sur son flanc droit, il saute le milieu de terrain pour adresser une longue passe à Wiltord. Pendant que ce dernier temporise, en repassant par Diarra, qui décale Tiago, Réveillère s’enfonce à grandes enjambées dans son couloir. Le Portugais retrouve Wiltord, qui a bien vu la montée d’Anthony. Il le sollicite pour un une-deux parfait : débordement du latéral, passe en retrait millimétrée que l’attaquant international reprend d’une frappe croisée qui crucifie Casillas. Lyon mène désormais 3-0 contre le grand Real, et signe l’un des matchs les plus aboutis de son histoire. Réveillère en est un grand artisan.

Le résumé d’OL-Real de septembre 2005 (l’action à 3’35)

 

La valeur étalon de l’OL

Bien sûr Réveillère est également associé à des souvenirs plus moroses, au premier rang desquels l’humiliation que lui a infligée un soir de mars 2007 Mancini, qui le cloua sur place après une interminable série de passements de jambe, avant de transpercer Coupet pour une défaite (0-2) et une élimination inattendue face à la Roma en 8ème de finale de la Ligue des champions, après trois quarts de finale d’affilée. Mais c’est bien toute l’équipe qui avait failli et Réveillère survivra plutôt bien au déclin qui s’amorce alors du côté de Lyon. Sa régularité en fait un très bon un instrument de mesure de la valeur OL : de joueur de devoir dans l’équipe de la moitié des années 2000, il est passé cadre technique dans la décennie suivante.

« Parfois, on veut partir et on reste, et parfois, on veut rester et on part »

Dimanche contre Rennes, Anthony Réveillère a été sorti par Rémi Garde à la 89ème minute de son 400ème match sous le maillot de l’OL, à Gerland. Le dernier, après dix ans de bons et loyaux services. Gerland ne s’y est pas trompé, et a longuement acclamé le capitaine du soir, comme il l’avait fait dès la demi-heure de jeu. Il n’a certes pas voulu confirmer son départ à l’issue du match, répondant, comme toujours, de manière très évasive aux questions posées à ce sujet. Il lancera tout de même une phrase dont chacun pourra tirer la conclusion qu’il veut entendre : « Parfois, on veut partir et on reste, et parfois, on veut rester et on part ». Une référence à son vrai-faux départ au PSG en août dernier, que l’OL n’aura pas à regretter, au moins d’un point de vue sportif et même si la fin de saison fut plus chaotique. Réveillère reviendra pour les deux derniers matchs après une étonnante mise à l’écart de Garde. Et il fera le job, comme il l’a fait dix ans durant.

S’il n’a pas versé de larmes dimanche, les chances de le voir prolonger son bail d’ici la fin du mois de juin sont à l’évidence bien maigres. L’OL serait même à deux doigts de faire signer son remplaçant, un gamin d’à peine 23 ans que la France considère comme l’un des plus grands espoirs à son poste. Et vu la pénurie d’arrières droit en France, on n’imagine mal un OL en cure d’amaigrissement s’en octroyer deux parmi les meilleurs. Alors, entre un dernier défi loin de la capitale des Gaules et un rôle de mentor avec un salaire revu à la baisse, Antho n’hésitera probablement pas longtemps. Mieux vaut partir par la grande porte, plutôt que de risquer une sortie à la Cris. À moins qu’on décide de lui confier le côté gauche, sinistré depuis le départ d’Éric Abidal. Dix ans après. Mais peut-être pas dix ans de plus.

Gaspard Moreau
(avec PP)

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