La peur’OL à la défense

Morel

TACTIQUE. Le mois d’août a ses traditions bien établies : les bouchons sur l’A7, l’élimination d’un club français en tour préliminaire de Ligue Europa, et les angoisses des supporters de l’OL à l’aube de la nouvelle saison quant au secteur défensif. Entre lacunes collectives et faiblesses purement individuelles, cette nouvelle saison devrait être à la hauteur des espoirs des adversaires de l’OL.

Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans peuvent à peine connaître. Gerland en ce temps-là accrochait ses banderoles jusque sous le virage nord supérieur. La suite, les moins de 20 ans et les autres la connaissent par cœur. À chaque contre-attaque, l’accélération cardiaque, la boule au ventre, et le désagréable sentiment que tout va se passer comme prévu : un gardien dépité et des noms qui hantent les pensées, même des années après. Lindsay Rose. Bakary Koné. Voire Mapou Yanga-Mbiwa, Dejan Lovren, Milan Bisevac ou Nicolas Nkoulou.

Il ne faut pourtant pas remonter très loin pour trouver une défense (centrale) lyonnaise solide. Lors de la saison 2014-2015, la charnière Umtiti-Bisevac, accompagnée de Bedimo et Jallet, écœure un paquet d’attaques de Ligue 1. Quand les croisés de Milan Bisevac l’abandonnent à Louis-II sur une sinistre pelouse un dimanche soir de février, l’OL est meilleure défense de Ligue 1 et marche sur les traces statistiques de la charnière Cris-Boumsong 2008-2009. Pas mal pour un joueur (Bisevac) qui quittera l’OL quelques mois plus tard avec peu ou prou la même image que le Général Bakary Koné.

Plus que le poste de gardien, celui de défenseur central est particulièrement injuste. Jouez dans une équipe cohérente et collectivement au point (ou juste avec Umtiti) et vous pouvez vous faire passer pour Maldini (ou juste devenir titulaire dans un club de Ligue 1 à 250 millions d’euros de budget). Mais jouez dans une équipe sans aucun équilibre collectif (au hasard, l’OL de Bruno Genesio), et même un excellent défenseur va passer à la trappe (surtout s’il est appelé en sélection argentine par ailleurs). Dit autrement, a part avec une charnière Umtiti-Umtiti, l’OL de Genesio n’avait l’année dernière aucune chance d’accrocher le podium.

 

Un peu de Pep

La meilleure défense, c’est l’attaque dit le dicton. Mais c’est surtout l’équilibre. Le Real Madrid a beau empiler des joueurs à vocation offensive, son équilibre défensif n’en pâtit pas. La Squadra Azzurra a d’excellents défenseurs intrinsèques, mais ils sont aussi à leur avantage parce qu’ils nettoient un chantier déjà bien propre. La solidité défensive d’une équipe se joue surtout ailleurs qu’en défense. Bruno Genesio en a visiblement conscience, mais en a tiré des conclusions absurdes : ce n’est ni en empilant des 6 ni en multipliant les joueurs à gros volume de courses qu’on défend bien collectivement. Il « suffit » que l’équilibre général soit maitrisé et que les joueurs sachent ce qu’ils doivent faire. C’est là que la tactique entre en jeu. Il suffit d’observer la beauté du pressing collectif mis en place par Pep (le vrai) à Manchester City pour s’en convaincre. Ici, point « d’engagement » ou de « combativité », juste de l’intelligence collective.

Obligé de constater que malgré son double 6, l’OL encaissait toujours autant de buts, Bruno Genesio plaide désormais pour que l’OL joue plus bas « et se livre moins ». C’est non seulement se tromper (on ressort l’exemple du Real Madrid) et insulter la philosophie maison, mais c’est surtout faire abstraction d’une évidence très factuelle : 90 % des adversaires de l’OL cette saison lui laisseront faire le jeu. Bruno Genesio compte-t-il vraiment prendre Angers ou Amiens en contre au Parc OL à 0-0 ? Comme (presque) toujours, et comme (presque) partout ailleurs, la saison de l’OL dépendra donc d’abord de son équilibre collectif.

 

Vidéo gag

Reste que tous ces éléments étant posés, il ne faut pas non plus minimiser le rôle et le niveau des défenseurs. Or, si l’OL défend évidemment mieux quand ses milieux sont en place et quand le pressing est cohérent, Gerland et le Parc OL ont vu ces derniers mois des actions défensives intrinsèques de niveau DH. 4 novembre 2015. L’OL affronte le Zénith Saint-Pétersbourg en phase de poules de la Ligue des Champions : sur un contre, Hulk et Dzyuba se retrouvent à 2 contre 4 dans la surface lyonnaise, le tout en étant arrêtés. D’un coup de rein, Hulk déborde Bedimo et Umtiti qui se marchent dessus. Dzyuba fait un pas en retrait, suffisant pour se démarquer de Jallet et Mapou Yanga-Mbiwa, restés plantés sur la même ligne. À deux contre quatre et sans vitesse, le Zénith enterre les espoirs de l’OL en Ligue des Champions.

Nouveau coach, même histoire à Guingamp un an plus tard. L’OL réussit à encaisser un but de la tête d’un joueur d’1m70, alors que les Guingampais sont à deux contre six (!!) dans la surface.

Une situation déjà vue à Monaco, quelques semaines avant, avec six Lyonnais sur la même ligne et deux Monégasques parfaitement seuls en pleine surface de réparation.

ol

Malgré l’énormité de ces erreurs, il semble que le staff n’a toujours pas pris la mesure du problème. Parmi les quatre buts encaissés par l’OL pendant les matchs de préparation, deux sont encore sur ce même modèle : contre l’Inter, certes à deux contre deux, l’OL encaisse un nouveau but semblable. Nkoulou se cache sur la même ligne que Diakhaby : un pas en arrière pour Jovetic, but. Une semaine plus tard face à Montpellier, encore et toujours le même but. Deux Montpelliérains contre cinq yonnais, un pas en arrière de Sio, toute la défense dépassée, but.

La récurrence de ces erreurs grossières et visibles – outre qu’elles inquiètent sur l’intelligence footballistique des joueurs concernés – interroge surtout sur le travail du staff technique. Claudio Cacapa (responsable de la défense) et Bruno Genesio prennent-ils au moins la peine de revoir les matchs ? Et qu’en font-ils à l’entraînement ?

 

Et cette année ?

Tous ces éléments n’incitent guère à l’optimisme pour la saison à venir. L’OL part sans garantie aucune dans l’axe et s’est séparé de son meilleur défenseur et principal relanceur. Surtout, son entraîneur ne tire aucune conséquence des erreurs défensives commises et est peu susceptible de donner un équilibre à cette équipe.

Reste cependant deux motifs d’espoir concernant la défense (c’est encore l’été, rêvons un peu) : pour la première fois depuis des années, il y a de quoi espérer un véritable apport des latéraux, le mercato estival ayant été parfait sur le papier, avec de chaque côté un titulaire de qualité poussé par un jeune très prometteur. L’autre espoir est trop seul et n’a que 20 ans, mais il est très au-dessus du lot. S’il ne se blesse pas, Lucas Tousart pourrait enfin stabiliser l’équipe. Dans son sillage, on peut même espérer que certains joueurs inquiétants le soient moins, à l’image de Diakhaby, pas si mauvais lors des (rares) matchs où l’OL avait fermé les boulevards l’année dernière. Il faudra bien tout ça sans les exploits cache-misère de Lacazette et Tolisso. Et il faudrait bien plus pour jouer le titre en Ligue 1 ou remporter la Ligue Europa à la maison. Mais si Guingamp ne marque plus à deux contre six, l’OL peut peut-être espérer retrouver la Ligue des Champions l’année prochaine.

Vincent G.

(Photo Damien LG)

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