OL : palette royale

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TABLEAU NOIR. Lyon a encore la gueule de bois et le Libéro paie l’ardoise. Après la victoire contre Saint-Étienne, Étienne M., qui raconte l’OL aux anglophones sur le compte OL News, n’a pas retenu sa joie mais quelques enseignements tactiques. Alors, losange ou 4-2-3-1 ? Et pourquoi « ou » d’abord ?

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Bien plus que Clément Grenier, Yoann Gourcuff a longtemps dû espérer jouer dans un milieu en losange. Son retour pourrait pourtant l’enterrer. (Photo Panoramic – Nolwenn Le Gouic)

Quelle meilleure atmosphère que cette douce euphorie post-Derby ? Admettez-le, après avoir relu l’Équipe de lundi et regardé toutes les versions possibles du gif de Rémi Garde, il est temps de passer à autre chose.

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Et pourquoi pas un peu de tactique? Au surlendemain d’un match où le destin de l’OL n’aura parfois tenu qu’à un fil – une barre transversale, un changement tactique au moment où le losange lyonnais se fissurait sous les coups de butoir d’une équipe de Saint-Étienne partie pour ressusciter Manufrance.

Depuis quelques matches, l’OL a dégainé une nouvelle arme: un 4-4-2 losange ou diamant (pour les amateurs de Football Manager version anglaise). Au pays du 4-3-3/4-2-3-1, des ailiers rois et du « seul 9″, c’est déjà une mini-révolution. Comme d’habitude, chacun a sa préférence, sa perception – mais tentons d’y mettre un peu d’ordre en nous appuyant sur de la magie noire, aka la statistique. Le match de dimanche n’aura pas forcément aidé à trancher, malgré le coup de mou de la deuxième mi-temps passé en losange et le coup de mieux suite au changement tactique et à l’introduction de Briand et Gourcuff.

Mine de diamants ?

Tout d’abord, d’où sort ce diamant, apparu dans les semaines suivant la déroute montpelliéraine ? Une conjonction de facteurs: la recherche d’une meilleure assise défensive, le profil de l’effectif lyonnais (manque d’ailiers naturels ou performances décevantes des quelques-uns pouvant se targuer d’appartenir à la dite catégorie), les absences et blessures (suspensions de Lacazette, blessures de Danic et Gourcuff) et la volonté de s’appuyer un peu plus sur le seul secteur où Rémi Garde peut compter sur un semblant de profondeur : les milieux défensifs.

Être ou ne pas être Clarence Seedorf

Le diamant est un concept étonnant, dans un paysage où les joueurs de couloir restent une valeur sûre. Le meilleur exemple d’un diamant fonctionnel est probablement celui d’Ancelotti au Milan, où un duo Sheva-Crespo se positionnait devant un milieu articulé autour du Trequartista Kaka. Il est exigeant pour les latéraux et porteur de schizophrénie pour les deux milieux « latéraux » devant à la fois aider à protéger le couloir, fermer l’axe et servir de relais offensif pour éviter un prévisible « je m’enferme dans l’axe, je perds le ballon ». Tout le monde n’est pas capable de tenir le couloir d’un losange, car tout le monde n’est pas Clarence Seedorf. Excusez du peu.

Losange / 4-2-3-1 : un partout

Passable face à Monaco, à plusieurs facettes face à Guingamp, oscillant entre solide et franchement bancal lors du Derby, le diamant a l’immense mérite de permettre à l’OL d’associer la vitesse de Lacazette et l’appui de Gomis dans l’axe, tout en maintenant un sacro-saint numéro 10 derrière eux pour les alimenter. Le premier but lyonnais, c’est la face brillante du diamant – l’apport offensif de Bédimo comme témoignage du rôle-clef des latéraux dans un tel système, le centre repris par Gomis et le Kid de Mermoz dans la surface pour suivre et finir le travail. Les vingt minutes suivantes ont montré le mauvais côté du diamant, la face boueuse de la pierre que l’on vient de sortir de terre : les voies d’eau sur les côtés, mais aussi dans l’axe où, malgré la présence des trois milieux défensifs, les prises de balle et accélérations de Benjamin Corgnet (des regrets, JMA ?) ont mis l’OL au supplice. Pour terminer le diagnostic de la schizophrénie tactique habitant les Lyonnais, le second but est un produit typique du 4-2-3-1 : le joueur de couloir déborde, élimine et centre, pour trouver l’autre joueur de couloir qui a coupé dans l’axe pour apporter le surnombre. Chapeau, Rémi Garde.

« Ce qui compte ce n’est pas le système, c’est l’animation »

Probablement l’une des phrases préférées des coaches de L1, et non complètement sans raison. Face à Sainté, en diamant, l’OL a vu ses deux milieux « latéraux » jouer de manière bien différente. Malbranque a beaucoup plus occupé le côté droit, notamment pour mieux protéger Miguel Lopes, mais aussi pour contrôler le duo Mollo-Ghoulam – plus de 50% de présence dans le couloir pour l’ancien… Stéphanois.

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Au contraire, Fofana a bien plus agi en second milieu défensif, avec une majorité de présence dans l’axe, voire même à droite en raison du passage en 4-2-3-1.

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Défensivement et tactiquement, les deux milieux ont fait le travail – mais l’animation offensive s’en est ressentie. Fofana, plus défensif, est probablement un peu moins à l’aise que le polyvalent Malbranque dans un tel système. Après un intérim quasi-apocalyptique en défense centrale, ses prestations rassurantes au milieu, à l’image de son match face à Bordeaux, en font une valeur montante du milieu lyonnais – l’anti-Mvuemba, dans un sens.

Pourquoi s’attarder autant sur le rôle des deux milieux excentrés ? Car le profil de leur match dépendra énormément des deux « clés » du milieu : le milieu défensif, et le meneur de jeu. C’est ici que l’on touche au cœur du problème : le diamant ne peut fonctionner que si ces deux joueurs, en l’occurrence Gonalons et Grenier, délivrent une performance de bonne facture.

Grenier, machine à reculer

Clément Grenier a reçu les clés de la maison OL en même temps que sa prolongation de contrat en début de saison. Le problème, c’est qu’il a plus eu tendance à les perdre qu’autre chose depuis le mois d’août. Demandez à tous les supporters lyonnais qui finiront par l’admettre à demi-mot : l’Ardéchois occupe une place particulière dans leur cœur en tant que produit du centre et talisman de fin de saison dernière. Il vous permet encore de ramener votre copine à Gerland quand Gourcuff squatte l’infirmerie  et, en ces temps de disette, vous n’osez pas contredire le copain fan d’un autre club de Ligue 1 qui vous dit « Ah mais quand même, vous avez Grenier » – nourri aux résumés, il n’assiste pas comme vous aux matches entiers qui on fait que petit à petit, au fond de vous, vous savez. À ces réflexions, le supporter lyonnais répondra par un sourire gêné. En outre, faisons face à la réalité : à quelques mois de la Coupe du Monde, il reste le plus sûr moyen d’avoir un gone parmi les Bleus au Brésil, depuis la disparition de Gonalons et l’interminable été de Gomis.

Mais la réalité, c’est aussi cela: en pointe d’un milieu construit comme entonnoir à lui amener des ballons, Grenier n’arrive plus à exister. L’infinie pauvreté technique de sa première mi-temps hier en est l’ultime symbole : avec à peine 46% de passes réussies, il a incarné, perdu au milieu du pressing stéphanois, la médiocrité de cette première partie de derby.

Derrière Goetze, Valbuena… et Jouffre

Depuis plusieurs semaines, il n’arrive plus à faire ce que l’on attend du registre d’un meneur de jeu : jouer vers l’avant, donner du liant, créer des décalages. L’analyse de ses passes hier en atteste : en vert, ses passes réussies, dominées par des passes latérales ou vers l’arrière. En rouge, ses passes ratées, majoritairement jouées vers l’avant. Bien entendu, la passe juste, la prise de risque impliquent le déchet. Mais lorsque ce déchet s’industrialise à tel point que même un Loulou Nicollin ne le renierait pas, l’inquiétude monte.

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Et ce déchet est une constante chez lui: 64% de passes réussies contre Guingamp, 76% contre Monaco, 61% contre Bordeaux. À titre de comparaison, un Götze tournait à 84% sur l’ensemble de la saison dernière en Bundesliga. Cette saison, Obraniak est à 81%, Jouffre à 82% – pour ne prendre « que » de bons joueurs de Ligue 1. En douze matches de Ligue 1, Grenier a créé 18 occasions – soit 1,5 par match. En 13 matches, Valbuena en a généré 42 – soit 3,23 par match. Un gouffre.

Plus bas derrière lui, Maxime Gonalons, auteur d’un bon match, reste encore en-deçà de son réel niveau. En témoigne cette perte de balle en seconde mi-temps qui aurait pu couter cher si Gradel avait mieux joué le coup, ou encore un taux de passes réussies de 78% (sa moyenne sur l’année dernière est de 88% en Ligue 1), ajouté à un total de… zéro interception dimanche.

Quel système dans les semaines à venir ?

On ne m’enlèvera pas de la tête que le diamant n’est pas une solution viable à long terme pour l’OL, et ce alors que certains blessés reviennent et vont permettre à Rémi Garde de disposer de plus d’options tactiques (Gourcuff, Danic). Le diamant a rempli son rôle en stabilisant l’équipe à une période où elle en avait besoin, mais reste trop peu menaçant offensivement et condamne bien souvent les lyonnais à déserter les côtés, laissés aux seuls latéraux. Si Bédimo a la capacité et le volume de jeu pour un tel système, ni Dabo ni Miguel Lopes ne semblent apporter la combinaison de garanties défensives et offensives nécessaires. Comme indiqué plus haut, le diamant a cependant l’énorme avantage de permettre à Rémi Garde d’associer Lacazette et Gomis. Le premier cité continue sa plaidoirie de 9 à chacune de ses sorties dans l’axe et reste sur deux buts en autant de matches. Mais pourquoi ne pas garder la possibilité d’alterner entre les deux suivant l’adversaire, la forme du moment et la physionomie des rencontres ? On a envie de souffler à l’oreille de Garde : « Gomis en seul 9, c’est pas automatique. »

Toujours un ailier minimum

L’une des limites du 4-2-3-1 lyonnais reste la pénurie d’ailiers. Les blessures et le manque de prestation convaincantes ont forcé Garde à faire défiler sur les ailes : Bahlouli, Benzia, Gourcuff, Danic, Briand, Pléa, Lacazette, Fékir, etc. Sans résultats convaincants sur le long terme. Le semblant d’équilibre d’un 4-2-3-1 hybride avec Gourcuff à gauche s’est dissous avec sa blessure. Mais un tel système est-il si choquant ? Plusieurs équipes se reposent sur un schéma similaire, avec une ligne de conduite claire : toujours un ailier minimum. Et ça marche: Wenger a déplacé Ramsey, joueur d’axe, sur un côté depuis l’arrivée d’Özil – mais le Gallois ne se prive pas de repiquer dans l’axe pour combiner avec l’Allemand ou avec Giroud (voir schéma ci-dessous – très similaire aux zones d’action de Gourcuff face à Sochaux, dans le schéma suivant). De même, Nasri évolue souvent à gauche avec City.

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Bancal, banco ?

Les permutations, les mouvements, la possibilité de replonger dans l’axe, l’utilisation d’un « ailier inversé » (gaucher à droite ou vice versa) ajoutent une palette d’options à un schéma tactique et une animation offensive qui se nourrissent de variété. Souvenez-vous des permutations Grenier-Gourcuff en début de saison. Reste bien entendu la question de la santé de l’ancien Bordelais : mais tant qu’il restera opérationnel, il est probablement l’une des meilleurs garanties de Garde dans l’animation offensive – ne serait-ce que pour soulager un Grenier qui n’en peut plus de porter tout le poids offensif de l’OL sur ses épaules.

Au-delà de ça, et très pragmatiquement, le profil des latéraux lyonnais autorise une plus grande fantaisie à gauche, où Bedimo apporte autant qu’il défend, qu’à droite, où Dabo comme Miguel Lopes demandent un ailier travaillant plus défensivement.

Le salut est-il dans l’asymétrie ? Au-delà des débats tactiques, il se situe dans la continuité, et un peu dans la chance – celle de pouvoir peut-être enfin disposer d’un effectif à peu près complet, pour entamer une suite de saison que l’on espère meilleure, construite sur un derby que l’on n’oubliera jamais, malgré ses imperfections. Et probablement aussi un peu grâce à elles.

Étienne M.

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