Le naming, pas une assurance tous risques

OL

CERISE. Le formidable outil Parc OL portera désormais le nom d’une compagnie d’assurances. Retour sur un processus de naming qui a mis du temps à aboutir et qui pourrait être moins efficace que prévu.

 

Un an de retard et une erreur de @

« J’espère l’annoncer pour le début de l’Euro à Lyon. » Quand il évoque le dossier naming pour Le Progrès en mai 2016, Jean-Michel Aulas veut faire les choses vite. Moins de six mois après son inauguration, le Parc OL s’apprête en effet à recevoir six matchs de l’Euro organisé en France. Même si l’UEFA – pour ménager ses propres sponsors plus que par une volonté débordante de lutter contre la marchandisation du football – ne tolère pas la pratique (en Ligue des Champions, les Skyblues reçoivent ainsi leurs adversaires au City of Manchester Stadium et non à l’Etihad Stadium), le président lyonnais sait que signer l’accord avant la grande compétition internationale de l’été apporterait une visibilité plus grande au sponsor, et donc sans doute quelques millions en plus à l’OL. Raté. L’Euro passe. La saison 2016/17 aussi. Le naming est finalement annoncé avec un an de retard, ou plutôt un an et un mois de retard (Belgique-Italie, premier match de l’Euro à Lyon, avait en effet lieu le 13 juin 2016). Avec un dernier couac, plus anecdotique cette fois. Dans un tweet officialisant l’accord, Groupama mentionne le compte @GroupamaStadium. Sauf que personne n’a pensé à réserver ce compte en amont et qu’un petit malin en profite pour créer un faux profil, sur lequel le soit-disant stade de l’OL réclame la démission de Bruno Genesio. Le compte a depuis été suspendu par Twitter.

 

Loin du compte

Les premiers montants souhaités pour le naming du Parc OL étaient astronomiques, en général de l’ordre de 100 à 150 millions d’euros pour une durée de 10 ou 15 ans. Très vite, Jean-Michel Aulas a dû mettre de l’eau dans son vin. Un rétropédalage notamment symbolisé par l’épisode de la signature de l’accord entre Orange et le Vélodrome à l’été 2016. Le président lyonnais a auparavant dragué l’entreprise de télécommunications, qui choisit finalement le stade de Marseille pour y apposer son nom. Dans une interview à Lyon Capitale, Aulas prétend que cet accord a nui au naming de son propre stade : « S’il n’y avait pas eu l’annonce du faux naming bradé d’Orange avec le stade Vélodrome de Marseille, je l’aurais déjà annoncé. Cela nous a vraiment perturbés parce que ça été fait de manière bradée avec une collectivité qui n’a pas le sens de l’intérêt général. » Le maire de la cité phocéenne, Jean-Claude Gaudin, n’apprécie pas qu’on remette en doute ses qualités de négociateur et répond vertement : « Que Jean-Michel Aulas cesse de s’étrangler. Dans la situation dans laquelle se trouve notre pays, vous n’obtenez pas un contrat de naming aussi facilement que cela. Croyez-vous qu’il est facile de demander à une entreprise plusieurs millions par an pour un contrat de naming ? Simplement en échange d’un nom ? Nous avons été meilleurs que l’OL et Jean-Michel Aulas. C’est la compétition ! C’est nous qui avons signé avec Orange et Stéphane Richard après plus d’une année et demie de discussions. C’est une belle victoire pour Marseille. » L’OL remporte finalement le match retour : la redevance annuelle du Groupama Stadium, avec un montant évoqué qui se situe entre 5 et 7 millions d’euros (selon les rumeurs, le communiqué n’indiquant aucun chiffre précis), est au moins deux fois plus élevée que celle de l’Orange Vélodrome. Mais elle reste loin des tarifs désirés au départ, surtout que le total comprend peut-être aussi le naming du centre d’entraînement et de l’académie de l’OL (le flou à ce sujet étant savamment entretenu par Jean-Michel Aulas). Pour le prix d’un joueur moyen, l’OL a gagné le droit de voir son stade être associé à une belle couleur verte par son sponsor.

(Capture d'écran Twitter)

(Capture d’écran Twitter)

 

Formidable Outil pour la vie ?

Le naming s’apprête donc désormais à entrer dans sa phase d’utilisation, pour une durée de trois ans renouvelable. Reste à savoir si la désignation du stade par son nom sponsorisé prendra. C’était aussi l’une des raisons pour lesquelles l’OL ne voulait pas trop tarder à conclure l’accord : ne pas laisser les gens prendre des habitudes mauvaises, en terme de business en tout cas. Pendant la construction, le « Stade des Lumières » avait ainsi soudainement disparu des documents officiels pour laisser place à un « Grand Stade » plus neutre. Mais l’enceinte a déjà été exploitée pendant un an et demi. Les médias devraient globalement répéter gentiment le nom et faire de la pub gratuite à la compagnie d’assurances, même si rien ne les y oblige. Pas sûr toutefois que les spectateurs suivent aussi docilement : les termes de « Parc OL » (on sait que ça ne désigne en théorie pas le stade mais l’ensemble de blablabla) voire de « Formidable Outil » ont eu le temps d’être adoptés par les supporters. Continuer à les employer serait une victoire sur l’un des aspects les plus détestables du foot-business. Une victoire symbolique, mais quand même.

Hugo Hélin

(Photo Damien LG)

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