L’Olympique Lyonnais, une OL’ding comme une autre ?

Parc OL

FORMIDABLE OUTIL. L’OL jouera dimanche à guichets fermés contre le FC Metz, lanterne rouge de Ligue 1, deux semaines après avoir accueilli le champion en titre Monaco devant seulement 43.000 personnes (le chiffre officiel, qui surestime sans doute un peu comme toujours le nombre de spectateurs réellement présents). En cause, le prix des places. Un symbole de la question qui taraude le club à intervalles régulières : L’OL est-il d’abord un club de foot géré comme une entreprise ou plutôt une entreprise dont l’activité principale consiste à jouer au foot ?

 

« Nous ne sommes pas un club de foot mais une holding de divertissement ». Jean-Michel Aulas aime la provocation. Difficile donc de savoir quel crédit donner à cette sortie au micro de Canal+ en février 2007. En juillet dernier, le président de l’OL déclarait, plus modéré, que « le sport n’est pas un business comme un autre, mais il faut lui appliquer les mêmes méthodes que dans l’industrie ou les services informatique ». L’ex-patron de la Cegid en connait en effet un rayon en matière d’entreprise, et a toujours aimé avoir un temps d’avance, que ce soit en étant le premier à faire entrer un club en bourse (OL Groupe – 2007) ou à faire sortir de terre un stade privé (2016). L’OL est-il d’abord un club de foot géré comme une entreprise ou plutôt une entreprise dont l’activité principale consiste à jouer au foot ? Avant de répondre à la question, un (long) coup d’œil aux chiffres est nécessaire.

A première vue, la construction du Parc OL a fait passer l’OL dans une autre dimension. Ses recettes sont ainsi passées de 103,5 à 250 millions d’euros par an entre 2015 et 2017. A titre de comparaison, le budget annuel de l’ASSE et de Bordeaux tourne autour de 70 millions d’euros, celui de Marseille autour de 120. A l’exception de Paris, et de Monaco, dont les chiffres sont à prendre avec des pincettes, l’OL s’est clairement détaché du reste de la concurrence en L1. A l’échelle européenne, il est difficile d’être précis parce que les derniers chiffres fournis par l’UEFA ne sont pas très frais et que les droits TV se sont envolés depuis, mais l’OL se situe probablement entre la 15ème et la 25ème place.

 

Par ici la monnaie

Que s’est-il passé pour que les recettes de l’OL progressent de 142 % en deux ans, et que le club puisse afficher un résultat net positif deux années de suite après 6 années de perte ? Avant d’évaluer le rôle du stade, il ne faut pas négliger deux postes importants de recettes. Le premier concerne la progression des droits télés, qui ont augmenté à la fois pour les droits domestiques (Ligue 1, coupe de la Ligue et Coupe de France), mais surtout pour les droits européens, suite à la participation à la Ligue des Champions deux années de suite. Le second poste de recettes important concerne la balance des transferts. L’OL a ainsi réalisé de belles ventes (Corentin Tolisso, Samuel Umtiti, Anthony Martial, Clinton Njie,…), et des recrutements plutôt modestes au regard des ventes. Cette balance a même dépassé 50 millions d’euros deux années de suite, alors que le transfert record d’Alexandre Lacazette à Arsenal ne sera comptabilisé que l’année prochaine…

Venons-en maintenant au stade. La dernière saison pleine passée à Gerland (2014-2015) a fait rentrer 11 millions d’euros, avec une affluence moyenne en L1 de 35.000 personnes, portée par la belle deuxième place acquise cette année-là, mais plombée par une élimination en barrages d’Europa League contre l’AFC Astra. Dès la saison 2015-2016, l’entrée dans le Grand stade à partir de janvier permet de faire passer les recettes billetterie à 27,7 millions d’euros. Mieux encore, la première saison pleine au Parc OL fait grimper les recettes à 44 millions d’euros, dont un gros tiers pour la belle campagne européenne en Ligue des Champions (Séville, Juventus), et en Europa League (demi-finale). Cette amélioration s’explique par un effet volume (plus de places), mais surtout par le fait que chaque spectateur qui se rend au Parc OL dépense en moyenne 32 euros (billet, boissons, repas, équipements de l’OL), contre 16 à Gerland. En deux ans, les recettes billetterie ont donc tout simplement été multipliées par 4…auxquelles il faut ajouter presque 10 millions d’euros d’événements extérieurs, dont beaucoup sont organisés au Parc OL, ou encore environ 6 millions annuels liés au contrat de naming passé avec Groupama…en attendant l’arrivée d’autres activités autour du Parc OL. On arriverait donc à un total de 60 millions d’euros de recettes environ au POL, contre 11 millions lors de la dernière année à Gerland.

 

Très cher outil

Le Parc OL n’est cependant pas 6 fois plus rentable que Gerland, loin de là. Car faire tourner un stade si grand coûte très cher. Le poste « Achats et charges externes » du budget de l’OL, composé notamment des frais liés à l’organisation des matchs, est ainsi passé de 30,3 millions d’euros lors de la dernière année pleine à Gerland à 79,6 millions lors de la première saison pleine au POL. D’après le très bien informé @MaxOL69, un match dans le nouveau stade coûte à l’OL en moyenne 790.000 euros, dont 110.000 pour acheminer les spectateurs vers une enceinte dont le principal défaut est sa localisation à 13 km de la place Bellecour.

Ces quelques chiffres permettent de comprendre pourquoi l’OL préfère avoir un stade rempli à 60 % avec des places plutôt chères, plutôt qu’un guichet fermé avec des places à 10 euros. Ouvrir l’anneau supérieur coûte cher, y ouvrir des blocs également. 30 000 personnes à 20 euros, c’est économiquement beaucoup mieux que 60 000 personnes à 10 euros. Le calcul est par ailleurs le suivant en ce qui concerne les spectateurs occasionnels : puisque ces derniers ne viendront probablement qu’une ou deux fois par saison vu les difficultés d’accès au stade, autant les faire payer au maximum. Par ailleurs, habituer les spectateurs à des tarifs abordables, c’est risquer de ne plus pouvoir les faire remonter ensuite. Certains observateurs font remarquer que plus de spectateurs, c’est plus de bières et de sandwichs achetés, même si la place est abordable. Mais les revenus « catering » ne s’élèveraient qu’entre 6 et 8 euros par personne. Probablement pas suffisant pour rentabiliser une politique de prix bas et d’affluence élevée. Économiquement, donc, la gestion de la billetterie est parfaitement rationnelle.

Cette politique a cependant peut-être atteint ses limites. D’abord parce que les très bons chiffres enregistrés ces derniers mois sont probablement en trompe l’œil : effet nouveauté (2016), belle remontée au classement (premier semestre 2016) et beau parcours Coupe d’Europe (2016-2017). Désormais, la nouveauté n’est plus nouvelle, les résultats sont en dents de scie, et la très mauvaise gestion de la billetterie contre Besiktas oblige l’OL à une prudence qui pèse sur l’affluence en Europe (les matchs contre Bergame et Everton ont été et seront loin d’être pleins). Les bénéfices de la billetterie devraient donc être sensiblement inférieurs cette année.

 

Changement tactique

Surtout, la réalité économique se heurte au fait que l’OL n’est pas une entreprise comme les autres mais un club de foot du top 30 européen, dont le stade est à moitié vide. Le club peut-il vraiment se satisfaire d’une affluence de 43 000 personnes contre Monaco ? L’image renvoyée aux possibles futures recrues, aux possibles futurs spectateurs, et aux possibles futurs diffuseurs TV est en effet désastreuse. Enfin, il n’est pas interdit d’imaginer que les résultats sportifs sont en partie corrélés à l’affluence en tribune. La bonne deuxième partie de saison 2015-2016 et la 2ème place reprise sur le fil à Monaco n’a-t-elle complètement rien à voir avec les guichets fermés contre Monaco, Nice, ou les 50.000 personnes contre le Gazélec d’Ajaccio ou Nantes ?

La ridicule affluence contre Monaco et ses prix trop élevés a-t-il servi d’électrochoc ? Ces derniers jours, la politique commerciale semble avoir changé. L’OL jouera à guichets fermés contre Metz, dernier du championnat, grâce à des places à 10 euros dans tout le stade. Une initiative qui sera répétée sur une partie des places pour les réceptions d’Everton et de Montpellier.

La gestion de l’entreprise OL, est, on l’a dit, remarquable. Jean-Michel Aulas va laisser à son repreneur un club qui génère annuellement entre 200 et 300 millions d’euros, sans apport de capitaux extérieurs, et qui sera probablement assez désendetté. Quand les supporters du PSG, de Monaco ou de Marseille peuvent s’inquiéter de voir leur propriétaire retirer ses billes du jour au lendemain, le supporter lyonnais sait que l’OL restera, sauf catastrophe, une place forte du football français dans les décennies à venir.

Xavier Pierrot : « Nous sommes dans la découverte du public
et on étudie aussi une nouvelle stratégie » (Le Progrès)

 

L’Arsenal français ?

Il y a cependant parfois de quoi s’inquiéter d’une gestion « à la Arsenal », qui consiste à gérer très (trop) prudemment les comptes, rembourser rapidement ses dettes et rémunérer ses actionnaires, quitte à sacrifier temporairement les résultats sur le terrain. Ainsi, si Emmanuel Mammana était effectivement le quatrième choix de Bruno Genesio, il reste qu’il aurait sûrement joué à la place de Mapou Yanga Mbiwa contre Monaco, ce qui n’aurait pas déplu à grand monde. La perspective de vendre son quatrième défenseur central parce qu’il rapporte le double de ce qu’il a coûté, dans une saison à 55 matchs, se justifie pleinement sur le plan économique de court terme, beaucoup moins sur les résultats sportifs de moyen terme (sans compter le fait qu’on s’est bien sûr brûlés les doigts en écrivant qu’Emmanuel Mammana était le quatrième choix en défense centrale derrière Marcelo, Jérémy Morel et Mouctar Diakhaby).

De même, que Jean-Michel Aulas utilise les 100 millions d’euros d’apport des capitaux chinois pour renégocier la dette et gagner 6 millions d’euros annuels est un très bon choix économique. Mais lorsque c’est pour vendre Emmanuel Mammana quelques semaines après pour gagner 8,5 millions d’euros, l’affaire est beaucoup plus discutable. Enfin, et même si le mercato semble plutôt réussi avec de bonnes affaires à petit prix, difficile de comprendre qu’un club dégage plus de 100 millions d’euros sur les transferts en deux ans, et aligne dans le même temps Jérémy Morel en titulaire indiscutable en défense centrale, ou que son gardien remplaçant soit le sympathique mais limité Mathieu Gorgelin. Sans remettre en cause la gestion économique globale de l’OL, il est sûrement possible et souhaitable que Jean-Michel Aulas lâche légèrement la bride. L’important, c’est aussi les trois points.

Vincent Grimault

(Photo DamienLG)

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