Karim Mokeddem (La Duchère) : « Il y a la place pour deux clubs à Lyon »

Mokeddem

ENTRETIEN. Il nous a donné rendez-vous au centre social de Champvert. C’est là, dans le bruit des enfants qui jouent dans la cour et l’odeur de galette des rois, que Karim Mokeddem nous reçoit dans son bureau. Ici, il n’est pas entraîneur de la Duchère mais comptable. Le football n’est pourtant jamais très loin.

À gauche, un maillot « Petit Poucet PMU » encadré et accroché au mur rappelle l’un des premiers exploits de l’hôte des lieux : atteindre les huitièmes de finale de Coupe de France avec les Minguettes. À droite, des vêtements de sport pendent au mur, prêts à être enfilés pour partir à l’entraînement. Quand il parle de foot, on a d’ailleurs bien du mal à discerner le côté comptable de Karim Mokeddem, à part dans sa facilité à se souvenir des chiffres et des faits. Car l’entraîneur de 46 ans aime le beau jeu plutôt que les petits calculs d’épicier, au point d’avoir instauré dans le 9e arrondissement un 3-4-3 audacieux et rare en France. Pendant plus d’une heure, on est donc revenus avec lui sur sa carrière, ses principes de jeu, la place de la Duchère à Lyon, ses rapports à l’OL et plein d’autres choses.

 

 

« Vous ne trouverez pas ma carrière de joueur sur foot-national »

Avant d’être entraîneur, vous avez sans doute été joueur. On n’a pourtant rien trouvé sur le net là-dessus…

Y a rien ! Je ne sais même pas si ça existait Internet ! J’ai eu une petite carrière de joueur. J’ai principalement joué ici quand j’étais jeune, au Club Rhodia Vaise, le LOSC (Lyon Ouest Sporting Club, dont les terrains sont situés à quelques centaines de mètres du lieu de l’interview, rien à voir avec Lille). J’ai commencé en seniors au FC Point Du Jour et je suis arrivé très tôt à Ménival, à 19 ans, ma deuxième année seniors. Et je suis resté à Ménival. À l’époque on était en deuxième division de district et on a fait ensuite première division, promotion d’excellence, excellence, PHR. Une belle petite épopée avec une bande de potes. J’ai joué dix ans à Ménival et j’ai commencé à entraîner à Ménival. J’ai pris l’équipe réserve au début, entraîneur-joueur tout en jouant encore un peu avec la première parfois. L’année suivante, on n’avait plus de prête-nom et on devait trouver des éducateurs diplômés pour entraîner en PHR. Donc il a fallu passer le diplôme. J’aimais déjà bien entraîner, le coaching, tout ça. Jeune, déjà, j’entraînais les débutants au LOSC, et ensuite les U13 à Ménival. Donc j’ai passé mes diplômes, à l’époque c’était initiateur 1 / initiateur 2 et animateur senior. J’ai passé l’initiateur 2 en avril et animateur senior en mai pour pouvoir entraîner Et puis dans la foulée je me suis pris au jeu et j’ai passé mon Brevet d’État. Je m’étais inscrit aux sélections du Brevet d’État avant d’avoir l’Animateur Senior. J’ai passé les sélections en juin, un mois après avoir eu l’Animateur Senior. Donc voilà ma carrière de joueur c’est tout à Ménival, vous ne la trouverez pas sur foot-national !

 

« J’ai des qualités, j’ai quelques défauts. Notamment celui d’aimer les longs entraînements et ceux qui travaillent beaucoup à l’entraînement »

Donc c’est aussi à Ménival que vous commencez votre carrière de technicien.

La deuxième année, j’ai passé mon Brevet d’État et j’entraînais la PHR. J’ai ensuite fait une petite infidélité, en partant à l’AS Algérienne de Villeurbanne. Et je suis revenu l’année suivante à Ménival. C’était une année charnière de ma vie. J’ai divorcé, j’avais mon fils. Je voulais prendre un peu de recul, mais pas lâcher le sport. Donc j’ai fait une formation de préparateur physique, diplôme universitaire européen de préparateur physique option football, le DUEPP, avec mon ami Pascal Rousset de Bords de Saône. C’était à l’UFRAPS à Lyon. C’était sympa, on a passé deux semaines à Turin, à Bruxelles, à Lausanne pour voir la formation européenne. J’ai eu besoin d’un terrain de stage, et mon ami Patrice Ouazar prenait les Minguettes. J’ai passé un coup de téléphone à Pat’, en lui disant que je voulais juste faire la prépa. Il m’a dit de venir le voir aux Minguettes et là il m’a dit : « Écoute Karim, moi je reprends l’équipe mais j’ai besoin d’un adjoint. Donc si tu veux, tu viens, t’as ton Brevet d’État, tu fais entraîneur adjoint en charge de la préparation physique. » Et c’est parti de là. J’avais entraîné en District, j’avais entraîné en Ligue, et je me retrouve en CFA2 aux Minguettes. Et à la fin de la première année, Pat’ arrête pour des raisons familiales. Ahmed Zouak et Alain Réale (le père d’Enzo), présidents de l’époque, me disent : « On va pas se casser la tête. T’as fait du bon travail cette année avec Pat’, on te donne l’équipe. » Ils m’ont fait confiance et je les en remercie énormément. Souvent on dit que les « carrières » – je n’aime pas ce mot, ça fait trop prétentieux, j’ai vraiment une toute petite carrière d’entraîneur – se font à travers des rencontres. J’ai eu la chance d’avoir un président à Ménival, Djoudi Boumaza, qui m’a fait confiance et m’a encouragé à passer mes diplômes. Pareil aux Minguettes avec Ahmed Zouak et Alain Réale, puis Noureddine Kari, qui est revenu au club l’année suivante. Un personnage emblématique, quelqu’un de fantastique. Quand on croise des gens comme ça, ça aide dans un parcours. J’ai eu la chance d’entraîner la vieille garde des Minguettes, Samir Daouadji, Fahim Daouadji qui est à Limonest, Olivier Laviolette, Samir Mertani et l’emblématique capitaine Stéphane Granturco. C’est vrai que c’est plein de belles rencontres. J’ai passé quatre ans magnifiques, même dans la difficulté. Même l’année où on a failli descendre, c’était une belle année.

 

Et c’est pareil à la Duchère, vous arrivez pour être adjoint.

À la base, pareil. La dernière année aux Minguettes, on fait une belle saison, 5e ou 6e mais en finissant un peu le championnat en roue libre parce qu’on avait renforcé la réserve pour éviter qu’elle ne redescende. Et on avait fait ce huitième de finale de Coupe de France (perdu 0-1 en prolongations contre Nancy, après avoir notamment éliminé Grenoble et Le-Poiré-sur-Vie aux tirs en but, en 2012-13). C’est à ce moment-là que j’ai eu le contact avec la Duchère, qui se séparait d’Éric Guichard. Et on nous a proposé à Jean-Christophe Devaux et moi de prendre l’équipe. On ne se connaissait pas du tout. On s’est rencontrés dans un café au Carré de Soie, on a passé l’après-midi ensemble. Le courant est bien passé. Malheureusement, les résultats n’ont pas suivi sur la première partie de saison. Et à la fin de cette première partie de saison on a perdu 2-0 à Villefranche, un match cauchemardesque. Notre gardien Franck Laurent, quelqu’un de fantastique lui aussi, prend un rouge à la 2e minute. Suite à ça, le club décide de se séparer du numéro 1. Et donc ils m’ont donné l’équipe. C’est jamais évident parce qu’on a parfois cette sensation de prendre la place de quelqu’un. Mais j’avais toujours été numéro 1, à part avec Pat’ mais on était un binôme. Je m’entends toujours bien avec Jean-Christophe, c’est une personne très gentille. Et je me suis donc retrouvé numéro 1 fin janvier.

 

Mokeddem

Karim Mokeddem dans son bureau du Centre Social de Champvert, devant le maillot du huitième de finale de Coupe de France entre les Minguettes et Nancy (Photo Hugo Hélin / Le Libéro Lyon)

 

 

Ça a aidé par rapport au vestiaire d’avoir été numéro 2 ?

Il y a eu une continuité. On avait un mode de fonctionnement où je faisais les entraînements la semaine et Jean-Christophe faisait l’équipe et avait la main sur le match le week-end. Après, comme on dit, c’est plus facile de se séparer d’une personne que de vingt-cinq personnes. C’est souvent comme ça. Je sais que ça m’arrivera peut-être un jour. J’espère pas, mais quand on prend le job, on sait très bien qu’on a une date d’entrée connue mais que la date de sortie est inconnue. C’est vrai que, cette année-là, on était quasi relégables, on avait trois points d’avance sur Montceau, le premier relégable. Et on a fait une série de sept matchs sans perdre, des nuls à l’extérieur et victoires à la maison, pour recoller au peloton de tête. On s’est remis à jouer la montée puis, dans la même semaine, on fait un gros match à Épinal, qui était leader avec six points d’avance sur nous, sans gagner malheureusement (0-0), et derrière on perd contre la réserve de l’OL, ou plutôt contre Nabil Fekir, puisqu’il est impliqué sur deux des trois buts qu’on encaisse. C’était malgré tout une belle saison.

 

Surtout en la démarrant aussi tard…

Oui, même si je connaissais déjà les garçons. J’ai des qualités, j’ai quelques défauts. Notamment celui d’aimer les longs entraînements et ceux qui travaillent beaucoup à l’entraînement. On était plus une équipe de guerriers. On avait su mettre le bleu de chauffe après avoir été dos au mur. Et aujourd’hui, avec un peu plus de temps pour travailler, on est redevenus une équipe beaucoup plus joueuse.

 

« On est encore plus joueurs en National qu’en CFA »

Cette année on ne ressent pas ce côté plus travailleur, on a l’impression que vous n’avez jamais fermé le jeu.

Ce n’est pas parce qu’on est très travailleurs qu’on n’est pas joueurs. Lundi encore, ils ont fait la gueule parce qu’on a fait deux heures de séance. Ils savent très bien que quand j’ai pas ce que je veux à l’entraînement, je ne regarde plus l’heure. Et j’insiste beaucoup sur le jeu. Si on est très travailleurs, c’est justement pour pouvoir être plus joueurs. Pour pouvoir répéter les efforts, pour pouvoir mettre en place notre fond de jeu.

 

L’idée, c’est donc clairement de se baser le jeu…

Il y a deux ans, on a failli descendre en CFA2. L’été est arrivé et j’ai eu la chance de faire mon recyclage DEF à Paris. On a beaucoup échangé avec les formateurs et les autres participants. Quand je suis rentré, j’ai fait mon propre bilan. Quand l’équipe est au bord du gouffre, c’est que l’entraîneur a mal fait certaines choses. Je me suis mis dans le bureau, seul face à une feuille blanche. Qu’est-ce que je veux ? Qu’est-ce que je ne veux pas ? J’ai commencé par ce que je ne voulais pas. Et ensuite j’ai commencé à écrire tout ce que je voulais. Le projet de jeu écrit est sorti. Il fait dix pages exactement, c’est pas énorme mais c’est dix pages qui séquencent bien l’état d’esprit, ce qu’on doit faire quand on a le ballon, quand on n’a pas le ballon, quand on attaque, quand on défend… J’ai essayé d’être le plus précis possible et, à partir de là, on a décliné toutes les séances d’entraînement à partir de ce projet de jeu, ainsi que la constitution du groupe. Pour pouvoir jouer comme ça, il faut avoir tel ou tel type de joueur. Ça a été un long travail, mais ça a été positif. Ça a déjà payé l’année dernière, on est montés en faisant des beaux matchs. C’est paradoxal, mais je pense qu’on est encore plus joueurs en National qu’en CFA.

 

D’ailleurs, est-ce que ce n’est pas plus facile de se maintenir en National que de monter de CFA, avec une seule équipe qui est promue par poule ?

Mon président dit qu’il a passé huit ans en CFA, j’ai eu la chance de n’en faire que trois avant de monter. Le CFA, c’est un championnat qui est dur. On le voit encore cette année. Le Puy fait une première partie de saison bien supérieure à la nôtre l’année dernière, et malgré tout ils ont seulement quatre points d’avance sur Villefranche et Grenoble, avec Chasselay toujours dans le coup aussi. C’est très dur de sortir du CFA. Franchement, c’est horrible. Il n’y a qu’une place, il faut faire une saison quasiment parfaite. L’an dernier on a fait 18 victoires. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce que c’est, 18 victoires, 8 nuls, 4 défaites sur 30 matchs. C’est une année fantastique. Et sur nos quatre défaites, je crois qu’on a perdu contre les trois derniers. On est les champions du monde là-dessus ! Yzeure, Sarre-Union et Montceau, ils étaient plus derrière que dans le top 5.

 

« Le projet de jeu fait 10 pages exactement. C’est pas énorme mais c’est 10 pages qui séquencent bien l’état d’esprit, ce qu’on doit faire quand on a le ballon, quand on n’a pas le ballon, quand on attaque, quand on défend. »

Niveau projet de jeu, on gère de la même façon « jouer pour être premier » (en CFA) et « jouer pour ne pas être dans les quatre derniers » (en National) ?

La différence avec le CFA, c’est que l’an dernier je travaillais beaucoup avec Die Ligen, une société allemande qui filme les matchs. Cette année, en National, toutes les équipes travaillent avec la vidéo. Toutes. L’effet de surprise est moins important qu’en CFA. Et dans la préparation des matchs, c’est différent. Pour moi, CFA et National, ça n’a rien à voir. Vraiment, vraiment rien à voir. On s’était bien préparés l’an dernier en recrutant des garçons qui seraient capables de nous accompagner, même si on a eu deux départs majeurs à la trêve, Rafik Bouderbal et Djibi Banor (à l’USM Alger et Dunkerque). Deux énormes pertes. Si on avait ces joueurs aujourd’hui, on serait peut-être encore mieux classés. Avec les joueurs qu’on a fait venir plus ces deux-là, on aurait été plus que compétitifs. Nous, on a l’objectif de ne pas descendre. Les joueurs dans leur tête, ils sont tous rêveurs et ambitieux. Ils entendent tous les sirènes du podium. Je respecte, même si en tant que technicien, l’objectif, c’est d’être en National l’an prochain. Si on est en Ligue 2, on ne va pas cracher dessus mais je suis vraiment réaliste et je sais très bien qu’il faut d’abord assurer le maintien. Concernant le jeu en National, les équipes sont beaucoup plus professionnelles, même en bas de tableau. Qu’on joue Concarneau, leader, ou Sedan, lanterne rouge, c’est vraiment une mentalité professionnelle.

 

Il y a d’ailleurs des équipes qui ont encore le statut pro.

Le Paris FC, Créteil et Châteauroux. Pour moi on est dans le monde pro en National. On a vu des beaux terrains quand on a joué à Dunkerque, à Sedan, à Rouen, à Quevilly même si c’est un promu. Ils ont des infrastructures qui sont tranquillement au niveau Ligue 2.

 

Et pour en revenir au projet de jeu, est-ce que c’est facile de le mettre en place avec des joueurs qui ont un boulot à côté ?

« Le seul qui a un travail à côté, c’est moi. Déjà en CFA, les joueurs n’avaient pas de travail à côté »

Le seul qui a un travail à côté, c’est moi. Déjà, en CFA, les joueurs n’avaient pas de travail à côté. Comme le dit le président, il fallait mettre tous les atouts de notre côté. Ça ne devait pas servir d’excuse. Ça a été payant. C’est encore plus vrai cette année en National, où personne ne travaille à côté. Je crois qu’il n’y a qu’à Concarneau qu’il y a trois joueurs du cru qui ont monté leurs sociétés ou qui bossent à côté, mais je crois que c’est les trois seuls en National. C’est important. Il faut se lever football, vivre football, manger football, dormir football. Moi, c’est ma bouffée d’oxygène ici.

 

Pour l’instant les résultats en National sont bons, vous êtes à trois points du podium…

(Il coupe) À cinq points du premier non-relégable.

 

« Fin février on pourra dire si on peut rêver ou si on devra batailler jusqu’au 19 mai »

Donc l’objectif c’est toujours le maintien ? Vous ne pensez pas du tout à la Ligue 2 ?

Comme je l’ai dit et répété, une fois qu’on aura 40 points on regardera autre chose (la Duch en compte 25 à mi-championnat). Si on a 40 points fin février, alors on regardera en haut. Mais tant qu’on n’a pas 40 points, ce serait prétentieux de regarder en haut. Après, faut être rêveurs. Pour être rêveurs, faut être travailleurs. Là, on reçoit Pau sans Farid Talhaoui, Matthieu Ezikian et Malik Hsissane, suspendus. Derrière, on a deux déplacements : on va chez le premier, à Concarneau, et aux Herbiers, un concurrent direct pour le maintien. On reçoit Quevilly qui est sur le podium aujourd’hui, on va à Boulogne qui est sur le podium et on reçoit Belfort qui est un concurrent direct pour le maintien. Fin février, on pourra dire si on peut rêver ou si on devra batailler jusqu’au 19 mai.

 

À part Sedan et Créteil, deux matchs très disputés, vous n’avez perdu que contre des équipes qui sont devant vous à la trêve, ça doit quand même donner des idées.

Deux défaites qui restent en travers de la gorge. On est à 1-1 à l’extérieur à dix minutes de la fin, on doit être plus intelligents pour conserver le point du nul. On avait tellement la mainmise sur le jeu qu’on s’est dit qu’on devait aller chercher la victoire et on s’est fait punir deux fois. Donc ces deux matchs-là, je les ai un peu en travers de la gorge. Après, on a perdu contre les trois premiers, Concarneau, Quevilly et Boulogne. Chaque fois, il n’a pas manqué grand chose pour être mieux payés. Contre Concarneau, on doit mener à la mi-temps, il y a 0-0. Et sur la seconde période, Concarneau mérite la victoire. Contre Boulogne, c’est l’inverse : à la mi-temps, il y a déjà 2-0 pour eux, mais si le score est plus large, y a rien à dire. Et au final, on fait une bonne seconde mi-temps on revient à 2-1 et on n’est pas loin du 2-2. C’est la particularité du championnat, toutes les équipes sont assez proches. Le premier a 31 points, le relégable a 20 points. Y a 15 équipes en 11 points…

 

Ça rappelle ce match contre Avranches, vous êtes menés 0-2 à 5 minutes de la fin et finalement vous recollez…

Je pense même qu’on aurait pu faire le hold-up parfait à domicile, vu qu’on n’est pas loin du 3-2 dans les arrêts de jeu. Mais sur la fin de l’année, on a fait beaucoup de cadeaux. Contre Avranches, on offre les deux buts, contre Boulogne on offre un but, à Quevilly on offre deux buts. On a vraiment fait énormément de cadeaux sur la phase aller et on les a payés cash.

 

Il y a aussi des résultats que vous êtes allés chercher en fin de match. On pense au CA Bastia à domicile, avec un but dans les dernières minutes alors qu’ils ont joué à cinq derrière, ou trois suivant comment on voit les choses…

Ils étaient plutôt cinq ! Nous, on joue à trois derrière, mais eux c’était à cinq ! On a fait des bons matchs. Ça, c’était avant le changement de système, mais les garçons se sont bien adaptés. On aime forcer la décision. On sait que le maintien passe par les matchs à domicile. Chez nous, on a 5 victoires, 2 nuls et 2 défaites. C’est important, parce qu’on a seulement 2 victoires à l’extérieur. Ce qui est déjà bien, attention ! Si on reproduit la même phase retour à domicile, on aura assuré le maintien. Et si on gomme ces erreurs…

 

« Quand on rend le ballon à l’adversaire, on permet à l’adversaire de construire quelque chose. J’aime bien qu’on ait le ballon, on ne se fatigue pas à courir derrière »

Et le changement de système avec ce passage à trois derrière en 3-4-3 a été causé par quoi ?

On sortait du titre de meilleure défense et meilleure attaque de la poule de CFA. Et au bout de 10 matchs, on était une des plus mauvaises défenses de National. Il fallait trouver des solutions, on a analysé avec le staff toutes les occasions concédées et les buts pris. On a vu qu’il y avait souvent un manque de densité dans l’axe. Il fallait renforcer notre axe. On s’est rendus compte que nos deux latéraux, que ce soit Salim Moizini, Hatim Sbaï ou Jean-Martial Kipré, s’expriment bien dans ce système, en prenant bien le couloir. Au milieu de terrain, Hamadi Ayari et Matthieu Ezikian ont un peu trusté les places dans ce système même si Abdel Malik Hsissane, Alphousseyni N’Diaye, qui a moins joué cette année, Jason Ranneaud, qui était blessé, et Nicolas Suchet ont le niveau pour jouer. Je pense d’ailleurs qu’ils vont jouer sur la phase retour. On a aussi un Farid Talhaoui avec ses jambes de 20 ans et un Sofiane Atik qui marche bien. En pointe, Cédric Tuta a eu un microbe en début d’année, a été un peu blessé ensuite et a pris 5 matchs de suspension. Pour moi, sa saison n’a pas encore démarré, et il est déjà à quatre buts malgré tout !

 

Duchère

La composition du dernier match à domicile, contre Chambly le 16 décembre (victoire 2-0)

 

Changer le système, ça ne bouleverse pas trop les principes de jeu ?

Non, ce qu’on demande à nos avants-centres, c’est d’être présent dans la surface. On est capables de faire le jeu sans problème, laisse les autres s’en occuper et va marquer.

 

Et pour le reste de l’équipe ?

Par rapport à la qualité de nos joueurs, on ne pouvait pas jouer contre-nature. Quand on est dans le dur, on peut se dire qu’on va jouer des deuxièmes ballons, dégager le ballon chez l’adversaire et jouer autour de Cédric Tuta en tour de contrôle. On peut se dire que si le ballon est loin de notre cage, on prend moins de buts. Mais quand on rend le ballon à l’adversaire, on permet à l’adversaire de construire quelque chose. J’aime bien qu’on ait le ballon, on ne se fatigue pas à courir derrière. Même si je ne veux pas avoir la possession pour avoir la possession. Cette année on a joué en 4-3-3 avec un 6 et deux 8, en 4-2-3-1 avec un 10, en 4-3-2-1 avec trois 6 et deux 10, en vrai 4-4-2 à plat et on a fini en 3-4-3. Donc on est passés par tous les systèmes, et comme j’ai dit aux garçons, on a gagné et perdu dans tous les systèmes. Le seul système dans lequel on n’a concédé qu’un but et subit zéro défaites, c’est celui-là pour l’instant.

 

On a l’impression que ce système vous permet aussi de mieux relancer.

Le but du système, c’est d’être assez haut, de mettre en place un bon pressing pour forcer l’adversaire à dégager, et de récupérer le ballon plus facilement pour pouvoir poser notre jeu. C’est un système qui est éprouvant physiquement pour les deux garçons de couloir et les quatre garçons du milieu, les deux 6 et les deux qui jouent derrière l’attaquant.

 

C’est rare en France.

Ouais, franchement, c’est un système assez rare en France. C’est plutôt du côté hispanique qu’on retrouve ça.

 

« Le pressing de Bielsa, la maîtrise de Guardiola, la rigueur tactique de La Volpe »

C’est une influence ce côté espagnol ?

Si je commence à dire que j’ai des influences, ils vont dire que j’ai pris la grosse tête ! On est tous bercés par certaines choses, par certains courants. En France, j’aime beaucoup la méthode Gourcuff, sur la répétition, la rigueur tactique. C’est un mentor en France sur les aspects tactiques. Il ne déroge pas du 4-4-2, je suis un petit peu plus souple. On essaye de prendre de tous les grands entraîneurs. Le pressing de Bielsa, la maîtrise de Guardiola, la rigueur tactique de La Volpe. Il est moins connu celui-là, enfin moins connu des non-footballeurs mais les footeux le connaissent.

 

Notamment son travail sur la relance…

Oui voilà : lui, c’est la relance. C’est la possession du ballon et toujours être en supériorité numérique pour relancer le ballon, ne pas rendre le ballon à l’adversaire. Donc voilà, on essaye de suivre certains courants et puis après on essaye de mettre sa touche personnelle. C’est important.

 

Est-ce qu’en tant qu’entraîneur d’une équipe de CFA ou National, donc pas au plus haut niveau, on peut s’identifier quand on regarde un match du Barça ou d’une équipe comme ça ?

Le Barça, c’est un autre sport !

 

Manchester City ou un autre gros club alors…

Pareil Manchester City, c’est Guardiola ! (Rires) Y a Conte qui joue en 3-4-3 comme nous. On est passés dans le même système à peu près en même temps. Je crois qu’on l’a fait avant, mais pas sûr que Conte soit venu à la Duchère pour s’inspirer !  Trêve de plaisanteries, il joue aussi comme ça, avec les quatre milieux à plat comme nous et Willian et Hazard qui rentrent dans le rôle des 10, donc on essaye de s’inspirer. On essaye de tout prendre. J’ai regardé City-Barça et on s’apercevait bien qu’à la relance City était à trois derrière, mais y avait un des deux latéraux qui montait très haut. Sur la relance à trois derrière, on essaye d’analyser les matchs. Ne pas avoir un œil spectateur ou supporter, mais vraiment d’être dans l’analyse pour pouvoir s’en inspirer. Et comme on dit, c’est toujours plus facile quand c’est pas son équipe ! On est détachés, donc l’analyse est plus simple.

 

« Le plus dur pour le coach, c’est de convaincre les joueurs qu’on va y arriver dans ce système. On l’a beaucoup travaillé et on a eu la chance que lors de notre premier match, contre le Paris FC, on ouvre le score au bout de quatre minutes. Même si on se fait rejoindre, on est sur une possession de 70%-30%, quelque chose comme ça. Énorme et ça a convaincu les joueurs »

À partir de quel moment vous pouvez vous approprier ces grandes idées ? Est-ce qu’on se demande si on en a la capacité, si on a les joueurs adéquats, s’ils ont le coffre ?

Dans notre cas, c’était pour répondre à un problème, le fait de prendre trop de buts. C’est aussi parce qu’on s’est dit qu’en National, généralement, si on a une bonne occupation de la largeur du terrain on a des occasions. Je ne dis pas qu’on gagne forcément, mais on a des occasions. Le 3-5-2 c’était un petit peu trop ambitieux, parce qu’on rajoutait un joueur au milieu de terrain mais que je n’ai pas des joueurs assez complémentaires devant pour jouer en 3-5-2. Devant il faut être très… (Il hésite) complémentaires. Si je dis « intelligents », ils vont se vexer. (Rires) J’ai des joueurs complémentaires mais pas dans la bonne coordination ! Le 3-4-3 permettait quand même de doubler les couloirs à la perte de balle, de pouvoir remettre de la densité au milieu de terrain éventuellement aussi, donc c’était le bon compromis. Le plus dur ensuite pour le coach, c’est de convaincre les joueurs qu’on va y arriver dans ce système. On l’a beaucoup travaillé et on a eu la chance que sur notre premier match contre le Paris FC, on ouvre le score au bout de quatre minutes. Même si on se fait rejoindre, on est sur une possession de 70%-30%, quelque chose comme ça. Énorme. Et ça a convaincu les joueurs. On prend du plaisir, on a le ballon, on fait courir l’adversaire. Si tu changes de système et que t’en prends quatre le premier jour… Là, on n’a pas gagné, mais c’était suffisant.

 

« Une entreprise familiale »

Quel genre d’entraîneur êtes-vous dans votre rapport avec les joueurs ? L’an dernier, quand vous avez reçu le titre de meilleur entraîneur de CFA groupe B, vous disiez à foot-national que vous aviez une « position paternelle ».

J’essaye d’être assez proche des joueurs. Quand on a un groupe de 23 ou 25 joueurs, c’est compliqué d’être proche de tout le monde. Automatiquement, quand on a une gestion comme la mienne, je sais que ça crée parfois des tensions car certains ont l’impression d’être le « fils mal-aimé ». J’essaye de garder ma ligne : comme je le dis souvent, on est une famille. C’est d’ailleurs un grand débat entre Salim Moizini et moi. Il avait un coach qui disait souvent : « On est une entreprise. On est là pour faire tourner l’entreprise, s’il y en a un qui ne fait pas son travail il casse la distribution et l’entreprise ne produit plus. » C’est pas faux, mais moi je suis plutôt sur une ligne qui dit qu’on est une famille et que la famille a besoin de tout le monde pour s’en sortir. Si on s’abandonne ou qu’il y en a un qui triche, c’est toute la famille qui en pâtit. Et personne ne veut faire du mal à sa famille. On a trouvé un compromis du coup : on est devenu une entreprise familiale ! (Rires) J’aime ces valeurs fortes de famille, parce que je pense qu’un joueur donne sa pleine mesure s’il sent qu’en cas de coup dur on n’est pas simplement des collègues de travail et qu’il peut compter sur nous. L’année dernière, le sort a frappé très fortement Cédric Tuta, qui a perdu sa sœur la veille d’un match. Il a vu qu’on était une famille. Ça fait partie des forces du club, de la Duchère, mais c’est souvent des valeurs qu’on retrouve dans des clubs de banlieue comme Vaulx-en-Velin ou les Minguettes. On a parfois moins d’argent que les autres mais on a une identité, et une solidarité décuplée.

 

Justement, comment garder cet esprit Duchère ? Les joueurs habitent dans le quartier ? C’est quelque chose qu’on essaye de cultiver ?

On a un problème avec l’esprit Duchère, c’est qu’il y a zéro garçons du cru.

 

Jason Ranneaud, non ?

Jason est de Bron à l’origine. Après, il a été en jeunes ici, il a beaucoup joué avec la HR, avec la DH et ensuite avec l’équipe première en CFA où il a éclaté avant de partir à Brest et de revenir. C’est un peu le seul. Hatim Sbaï, ça fait six ans qu’il est au club, on va dire qu’il est Duchérois d’adoption. Quand on a passé les cinq ans, c’est pas mal. Mais c’est vrai que, malheureusement, quand on regarde les clubs aux alentours, c’est pareil. On a du mal à marquer l’esprit de clocher, donc on essaye plutôt de marquer l’esprit de ville sur le groupe. Cassara c’est lyonnais, Seguin, Charvet, Romany, c’est lyonnais, Ezikian c’est lyonnais, Talhaoui c’est lyonnais d’adoption, Atik c’est lyonnais. Donc on a cinq ou six joueurs qui viennent vraiment d’autres villes, on respecte le quota d’étrangers ! Après on aimerait bien avoir plein de gamins de la Duchère. Si demain Samuel Souprayen me dit qu’il veut venir à la Duchère, je serai content. Si Éric Abidal avait voulu finir sa carrière à la Duchère, j’aurais été content. Mais on n’en est pas là.

 

Duchère

« Je peux lancer une petite pique ? Ça fait deux ou trois ans que le recrutement extérieur de l’OL, c’est peut-être pas le top et que le meilleur des recrutements est en interne. Donc ça veut dire que ça bosse bien en interne. Des fois, on veut changer des choses alors que la recette est bonne. Si la recette est bonne, ça ne sert à rien de rajouter du sel ou du poivre ! »

 

« Je préfère jouer à l’extérieur »

À terme, est-ce qu’on se dit qu’il y a moyen d’avoir un deuxième club à Lyon ?

Moi, je suis convaincu qu’il y a la place pour deux clubs à Lyon, et je ne dis pas ça parce que je suis à la Duchère. Surtout qu’il y a un club stratosphérique à Lyon. Combien de clubs français peuvent se comparer à l’OL ? Paris, Monaco, Marseille… Sur les clubs de Ligue 1, y en a 5 ou 6 qui peuvent rivaliser avec l’OL. Donc qu’est-ce que nous on va rivaliser avec l’OL ? On ne peut pas, et on n’a pas envie. C’est vrai qu’on voit ça dans les grandes villes, en Espagne, en Angleterre, dans les pays de l’Est ou en Italie. Si nous on arrive à monter en Ligue 2, ou ne serait-ce que se pérenniser en National et à terme monter en Ligue 2, ce serait magnifique. Je pense qu’il y a la place.

 

« Cet été y avait du monde, les curieux sont venus nous voir pour savoir comment ça allait se passer le National. J’aimerais bien que les curieux viennent tout le temps »

C’est décevant la faible affluence à Balmont pour des matchs de National ?

C’est embêtant, je ne vous le cache pas. Je le dis clairement : je préfère jouer à l’extérieur. Après, Balmont n’est pas adapté pour le football. C’est un site d’athlétisme. Il y a eu les championnats du monde d’athlétisme handisport, la ville de Lyon a refait la piste… C’était avant qu’on monte, donc je ne dis pas que c’était prémédité. La Ville a fait un choix clair. Un stade à la Marseille-Consolat, ça me suffirait. Un peu comme Delaune aux Minguettes : un terrain grillagé, avec le grillage près du terrain, et une tribune à dimension plus humaine, de façon à ce qu’on ait l’impression qu’elle soit pleine même quand y a 400 ou 500 personnes. Parce que, mine de rien, je pense qu’on est autour des 200-400 personnes. Cet été, il y avait du monde, les curieux sont venus nous voir pour savoir comment ça allait se passer le National. J’aimerais bien que les curieux viennent tout le temps. La fréquentation à Balmont, c’est un axe de travail que le président a engagé. On constate tous la même chose. On doit être une des plus faibles affluences de National, si ce n’est la plus faible.

 

Lors d’une retransmission, FFF TV a dit que c’était la plus faible, sans citer de chiffres ceci dit.

Ça ne me choque pas. Il manque cet engouement-là autour du club. 20 heures à Lyon, le vendredi… Il n’y a pas de place à la Duchère ou dans le 9e pour faire un nouveau stade. Partir de la Duchère, ce n’est pas concevable à mes yeux, parce que c’est perdre l’identité du quartier, l’identité du club. On va essayer de se maintenir déjà, et si l’an prochain on a toujours d’aussi faibles affluences, faudra réfléchir à ça. C’est dommage. Ça fait chier.

 

« Quatre mois chez nous, c’est formateur »

Quelles sont vos relations avec l’OL ? On se dit que vous pouvez profiter du vivier mais il y a moins de joueurs passés à l’OL que par le passé…

Non, on a encore Seguin, Charvet, Ogier et Cassara qui ne sont pas allés jusqu’en CFA avec l’OL, N’Djalkonog… Ça fait déjà cinq. En tant que techniciens, on a de très très bonnes relations avec le staff de CFA, avec Stéphane Roche le directeur du centre de formation, avec Maxence Flachez, avec Gilles Rousset. Demain on joue en amical les uns contre les autres d’ailleurs (samedi, victoire de la Duchère 1-0). On a vraiment de bonnes relations. Après notre première victoire à l’extérieur à Pau, Max Flachez m’a appelé à 22h30 pour me féliciter. On sentait beaucoup de sincérité, ça fait plaisir. C’est malheureusement pas une qualité présente chez beaucoup de gens, et là ça venait du cœur. On s’appelle régulièrement.

 

Au-delà des hommes, on a vu que l’OL tendait la main à l’ASVEL à une époque, au LHC en ce moment…

Je ne sais pas s’ils vont leur prêter des joueurs à eux ! Ce serait plus utile de nous en prêter à nous ! C’est notre première saison à ce niveau, tout le monde attend de voir comment on se comporte. On a eu la chance d’être télévisés sur Canal+ Sport lors du dernier match contre Châteauroux. Je pense qu’on a donné une belle image, celle d’une équipe joueuse et portée vers l’avant, avec des joueurs de qualité. Si on arrive à reproduire ce type de matchs cinq, six, sept dix fois sur la phase retour – je ne vais pas dire dix-sept fois, ce serait compliqué d’avoir ce niveau de jeu à chaque match – ça nous donnera du crédit et ça donnera peut-être de la confiance à un club comme l’Olympique Lyonnais pour qu’on essaye d’avancer sur certains dossiers, des garçons trop frêles pour la Ligue 1 ou la Ligue 2 mais pour lesquels le CFA n’est pas assez formateur.

 

Vous avez déjà regardé la CFA de l’OL en ayant ça en tête ?

On a tendu quelques perches, évoqué quelques noms. Mais je me mets aussi à la place d’un joueur qui est dans l’effectif de l’OL, qui s’entraîne plus ou moins régulièrement avec les pros, et qui ne joue jamais parce qu’il est 19e homme avec les pros et donc pas appelé avec la CFA ou les jeunes. Quand ce garçon-là, on lui propose un prêt à Lyon la Duchère, il espérait peut-être avoir un prêt dans un autre club, quelque chose de plus clinquant. Après, ce serait peut-être bien de venir s’aguerrir en se disant qu’il reste quatre mois à serrer les dents, à travailler, à venir voir ce que c’est le National.

 

On essaye de deviner à qui vous pensez… Houssem Aouar ?

Ah non, Aouar, je ne pense qu’ils le prêteront pas celui-là ! Y a le petit Alan Dzabana, qui est assez percutant et performant dans le couloir, le petit Gaëtan Perrin, pour qui c’est plus difficile cette année (il a été prêté à l’US Orléans depuis cette interview)… Jean-Philippe Mateta, c’est plus compliqué, ils viennent de l’acheter et il ne peut pas jouer pour trois clubs dans la même saison. Et il y en a d’autres. Ils ont un sacré vivier. Déjà si j’avais Dzabana et Perrin, je ne dirais pas non. C’est un travail de longue haleine pour leur donner confiance. Le fait qu’ils nous voient jouer, qu’ils se disent que c’est sympa et plaisant… Quatre mois chez nous, c’est formateur sur l’aspect « C’est quoi le football, la vraie vie du football », sur « Comment s’imposer dans un vestiaire, dans un groupe ». On accueille très bien les nouveaux, et encore plus quand ils sont bons !

 

Il y a en plus des tauliers qui ont de l’expérience, Hatim Sbaï a joué la Ligue des Champions à Malte (avec Birkirkara en 2006-07, contre les Féringiens du B36 Tórshavn au premier tour préliminaire), Farid Talhaoui a été un grand espoir…

C’est vrai qu’on a plusieurs bons joueurs. C’est toujours difficile pour un coach de ressortir un joueur, mais quand je vois ce que Farid Talhaoui est capable de faire à 34 ans… Lui-même doit s’en vouloir de la carrière qu’il a fait. Sans trop me mouiller, aujourd’hui encore il rendrait des services à n’importe quel club de Ligue 2. Et je dis « de Ligue 2″, je suis gentil. Quand je vois certains matchs de Ligue 1, sur 15-20 minutes il est capable de choses… Chez nous, il le fait 90 minutes, là ce serait peut-être un peu moins. C’est un joueur qui a une lecture de jeu et qui sent le football comme je l’ai rarement vu. Même à la télé. Je ne dis pas ça parce que c’est un joueur de la Duchère, c’est vraiment un joueur hors normes.

 

Quand il était à Guingamp, la légende dit que Ribéry a été proposé au club par l’un de leurs recruteurs et que l’EAG a refusé en disant : « On a déjà Talhaoui. »

C’est ça. Après, Farid a fait des choix à un moment donné dans sa carrière qui ont fait que… Il a eu une carrière honorable, hein, faut remettre les choses dans leur contexte. Il a peut-être eu moins de chance que Ribéry. Il n’a pas été au bon endroit au bon moment, peut-être qu’il a été moins bien entouré à un moment donné, ou pas entouré par les gens qui avaient les bonnes clés pour ouvrir les bonnes portes. C’est le football, ça va très vite dans un sens comme dans l’autre. Après, pour en revenir aux petits jeunes de l’OL, quand on voit l’année dernière Nicolas Pépé qui est prêté, qui éclate tout et qui est meilleur joueur de National… Aujourd’hui, les négociations commencent à approcher les 10M€ ! Et des exemples comme ça, on en a : Koscielny, Valbuena, Ribéry, tous ces garçons passés par le National. Ils n’ont pas reculé pour mieux avancer, ils ont pris un chemin différent pour arriver en haut. Et, aujourd’hui, ils sont tout en haut. Mais dans l’entourage, dans les familles, c’est pas facile de se dire : « Il est à l’OL, il va jouer à la Duchère. »

 

Talhaoui

« C’est toujours difficile pour un coach de ressortir un joueur, mais quand je vois ce que Farid Talhaoui est capable de faire à 34 ans… Lui-même doit s’en vouloir de la carrière qu’il a fait. Sans trop me mouiller, aujourd’hui encore il rendrait des services à n’importe quel club de Ligue 2. Et je dis « de Ligue 2″, je suis gentil. »

 

C’était pas décevant de voir Bourg devenir club partenaire de l’OL ?

Non, pas du tout, c’est logique. Bourg est en Ligue 2.

 

Ce serait peut-être un label qui donnerait plus confiance aux joueurs si l’accord était formalisé.

Ouais. Après, je pense qu’on y arrivera à un moment donné. Nos jeunes et leurs éducateurs font un gros travail. Dimanche, ils jouent encore un 64e de Gambardella (contre Montceau, match finalement reporté à cause de la météo). L’an dernier, ils se sont fait sortir par l’OL après un énorme parcours (les U19 de la Duch’ avaient notamment éliminé Saint-Étienne et Evian). Il y a deux ans c’était pareil (premier 32e de finale de l’histoire du club, perdu 1-0 contre l’OM). Faut continuer et le travail va finir par payer au niveau de la reconnaissance. J’aimerais bien que ce soit l’OL. Si on a un partenariat avec Rennes, Lille ou le PSG… Ce serait plus sympa avec l’OL.

 

Vous avez regardé des vidéos de Servando Carrasco pour le superviser un peu au cas où ?

Qui ça ?

 

Alex Morgan est mariée à un joueur américain et, à un moment donné, on se demandait comment gérer ça, si elle restait à Lyon et qu’il fallait un club pour son mari. 

Il est où, lui ? (Il attrape son téléphone)

 

Orlando.

Parce qu’en ce moment, j’ai quelqu’un de New York qui me pilonne au téléphone ! (Rires) Sans déconner… Je vais aller voir ça sur YouTube, on doit bien trouver des vidéos.

 

« Quand j’ai commencé à entraîner en deuxième série de District, si on m’avait dit que j’allais entraîner en National… »

« Le haut niveau, c’est la régularité, la constance, la faculté à récupérer, à répéter des prestations de haut niveau tous les week-ends. Pas se transcender sur un événement »

La Coupe était dans l’ADN du club auparavant, cette fois vous avez eu l’air moins intéressé. Je vous avais eu au téléphone avant un des matchs et vous m’aviez dit en gros : « Si on joue contre une équipe bien plus faible, on doit passer mais sinon, c’est pas un drame… »

Cette année, on ne va pas dire que la Coupe est une déception. L’élimination nous a permis de bien nous reposer pendant la trêve et on en avait vraiment tous énormément besoin. Ce qui est décevant, c’est le contexte du match. C’est un tirage bâtard, une CFA à l’extérieur, à Fleury en région parisienne. Champ de patates, arbitrage compliqué, bon adversaire. Nous on a été en-dessous de tout et Fleury mérite sa qualif. Si j’avais 25-26 joueurs avec un niveau homogène pour au moins 18-19 d’entre eux, ça aurait été une grosse contre-performance de ne pas être en 32e de finale. Avec un effectif à 23 joueurs, c’est à dire 20 joueurs et 3 gardiens, j’ai pas 19 joueurs d’un niveau homogène pour jouer en National. C’est décevant parce que c’est toujours décevant de perdre, encore plus aux portes des 32e. On aurait aimé être là en janvier et se frotter à un club pro de Ligue 1, mais c’était pas un objectif prioritaire. La priorité c’est vraiment le maintien. Avec la Coupe, les joueurs peuvent être sous le feu des projecteurs et on met deux ou trois semaines à les récupérer à la petite cuillère. Parce que y a eu les caméras, les reportages à la maison, les « c’est le futur ci, le futur ça »… Et c’est le futur rien du tout finalement ! Des joueurs qui ont fait des gros parcours en Coupe de France et qui ont signé en Ligue 1 ou Ligue 2, y en a pas des masses. Les clubs d’en haut savent très bien que sur un match tout est possible, mais une fois qu’ils ont vu le joueur, ils viennent le superviser plusieurs fois. Le haut niveau, c’est la régularité, la constance, la faculté à récupérer, à répéter des prestations de haut niveau tous les week-ends. Pas se transcender sur un événement. Depuis que je suis là, les joueurs qui sont partis de la Duchère et qui ont réussi ailleurs, ça c’est fait ni vu ni connu. Pas sous le feu des projecteurs. Je pense à Elohim Rolland, quand il a signé à Boulogne en National, ça n’a pas fait la une des journaux. Aujourd’hui, il fait partie des joueurs majeurs de Courtrai, en Belgique. Il fait un très bon championnat. Quand Jason Ranneaud a signé à Brest, même s’il a eu moins de réussite, ça n’a pas fait les gros titres. On a eu Rudy Camacho, qui est parti à Sedan, qui est rapidement devenu capitaine et qui est désormais en Belgique même si son club est en fin de tableau (Waasland-Beveren est 14e sur 16 en Jupiler Ligue). Même Guessouma Fofana, qui est à Amiens…

 

Et apparemment pisté par Stoke City

Oui, je vous le confirme. C’est un joueur qu’on a régulièrement au téléphone.

 

Et vous au niveau personnel, vous pensez à l’après-Duchère ? Vous avez déjà un profil assez atypique en National, un championnat où beaucoup d’entraîneurs ont connu le haut niveau ou sont des anciens joueurs pros. Quelqu’un qui n’a pas été pro et qui s’est fait lui-même en partant du monde amateur, c’est un peu rare.

« Si ça s’arrêtait demain, l’histoire aurait déjà été fantastique »

Ouais, c’est un peu rare. Certains clubs sont sécurisés par le fait de savoir que certains connaissent le niveau et y ont joué. Mais jouer et être sur le banc, c’est totalement différent. Preuve en est, si on cite certains entraîneurs de Ligue 1, je ne suis pas sûr qu’on arrive à parler de leurs carrières. Laurent Blanc ou Didier Deschamps, oui. Mais Frédéric Hantz ou Pascal Dupraz, je ne sais pas si beaucoup de gens peuvent citer leurs carrières. Personnellement, je ne me prends pas la tête, j’avance doucement. Quand j’ai commencé à entraîner en deuxième série de District, si on m’avait dit que j’allais entraîner en National… J’aurais cru à un canular. Donc je suis déjà content et fier. Fier du chemin parcouru. Et si ça s’arrêtait demain, l’histoire aurait déjà été fantastique. J’ai connu ce huitième de finale avec les Minguettes en Coupe de France, une aventure fantastique. J’ai conduit la montée de la Duchère en National. À côté de ça, j’ai fait des rencontres aux Minguettes ou à la Duchère avec des personnes que je n’aurais jamais croisées sans le football. Et même aux Algériens de Villeurbanne. On a eu des petits soucis et on devait aller gagner chez le premier, invaincu à domicile et qui mettait des tartes à tout le monde. On l’a fait en gagnant 7-3. J’avais un petit gars qui s’appelle Nassim Ouatah, qui joue en réserve à Vaulx maintenant je crois, il mettait des frappes du milieu de terrain à l’entraînement la veille. Je lui disais : « Arrête Nassim, tu vas te claquer. – Coach, demain je vais marquer comme ça. » Et le lendemain, le gardien sort, dégage de la ballon de la tête, Nassim récupère le ballon au milieu de terrain… Je ne sais même pas s’il m’a pas regardé avant de tirer ! Boum ! Du milieu de terrain, sous la barre ! On n’était qu’en PHR mais ça reste un très bon souvenir. Y a des souvenirs plein la tête. Si l’histoire s’arrête demain, elle aura déjà été belle. Mais si on peut encore la finir sur une plus belle note…

 

Un parcours à la Régis Brouard ou ce genre d’entraîneurs…

Si demain j’arrive à entraîner en Ligue 2, je suis le plus heureux des hommes. Si je le fais avec la Duchère, c’est encore mieux. Comme ça je serais dans ma ville ! Je suis un pur produit lyonnais : né à Lyon 3e, grandi à Lyon 5e, ça ne fait que quelques années que je fais des infidélités et que j’habite à Chaponost. Mais comme je dis souvent à mon président, tôt ou tard, ça se finira, la seule chose que je te demande c’est que ça se finisse bien. Quoi qu’il arrive : ça peut mal se finir à cause des résultats, mais il ne faut pas qu’on bafoue tous les liens créés entre hommes à cause d’un ballon de foot. C’est important que les valeurs humaines perdurent.

 

En tant que pur produit lyonnais, quand on regarde l’OL, on y pense ?

Non. C’est stratosphérique. Intégrer les jeunes, on m’a déjà posé la question, mais j’aime la compétition, j’aime les adultes. Et là, ils ont une belle équipe sur la formation avec Maxence Flachez et Gilles Rousset. Je peux lancer une petite pique ? Ça fait deux ou trois ans que le recrutement extérieur c’est peut-être pas le top et que le meilleur des recrutements lyonnais est en interne. Donc ça veut dire que ça bosse bien en interne. Des fois, on veut changer des choses alors que la recette est bonne. Si la recette est bonne, ça ne sert à rien de rajouter du sel ou du poivre ! Et là je pense qu’ils ont une bonne recette qui fonctionne bien, ils arrivent à sortir des jeunes régulièrement. Après, si on arrive à faire ce deuxième club à Lyon et que c’est Karim Mokeddem l’entraîneur, je signe tout de suite.

 

Duchère

« On n’est pas le Barça, loin de là. Mais on essaye d’avoir certains principes de jeu qui font qu’on peut arriver à prendre du plaisir en regardant un match de la Duchère au stade. On ne vous demande pas de crier et de chanter. Juste de venir dans un premier temps ! »

 

Est-ce qu’on vous avez pensé à la perspective d’un barrage pour la montée en Ligue 2 ? Est-ce que les joueurs vous en ont parlé ? On se dit que ça pourrait donner un coup de boost au club, un match à enjeu à Gerland…

On essaiera de prendre la deuxième place pour partir en vacances plus tôt ! Aujourd’hui, on pense au maintien. Allez, je m’autorise à rêver pendant dix secondes : le barrage, c’est vraiment à double tranchant. Si on monte, c’est l’apothéose, c’est fantastique. Si ça se passe moins bien, ça fait du boulot pour repartir sur une saison aussi longue, éprouvante et sans certitudes. Maintenant, si on me dit demain qu’on va en barrages, je ne crache pas dessus. Une chose est sûre : si on arrive aux barrages, faudra pas jouer à Balmont je crois ! Soit on arrive à remplir Balmont, 5.000 personnes des deux côtés et tant mieux, soit…

 

L’homologation pour la Ligue 2, pas sûr que Balmont l’ait. Et pour les barrages…

Ah oui, t’as raison ! Ce serait sans doute pas bon Balmont pour le barrage. Je ne sais pas ce que va devenir le Matmut, où j’ai d’excellents souvenirs vu que c’est là qu’on a joué ce huitième avec les Minguettes. Gerland pour le petit Duchère, il est peut-être un peu grand, même si avec les travaux, ils vont réduire la capacité. Sinon, on fera construire un terrain pour la Duchère ! Faut qu’on soit rêveurs, ambitieux, nous aussi ! On a 17 matchs. Si on fait une belle deuxième de partie, on aura l’assurance d’être en National l’an prochain. Gagnons tous nos matchs à domicile et on sera en National l’an prochain.

 

Pour finir une dernière question : qu’est-ce que vous diriez aux gens pour les faire venir à Balmont ?

Ouh là, je ne suis pas un bon promoteur je crois… Je vais plutôt m’adresser aux footeux, à la famille du football. Le supporter moyen est plutôt intéressé les grands matchs de Ligue des Champions et compagnie. Mais je pense que pour les amateurs de football qui ne s’entraînent pas le vendredi soir, c’est quand même sympa de voir un match entre deux équipes de troisième division à côté de chez soi. Et ça montrerait l’engouement lyonnais. Parce que nous, ce qui nous revient c’est ça : « Mais comment à Lyon y a pas d’engouement ? C’est dégueulasse. Y a l’OL et puis à côté, en National… » On a joué dans de belles ambiances, avec des kops à Sedan ou à Dunkerque, ou même des stades plus petits mais plus « cosy » comme à Consolat. Donc voilà, venez voir un bon match de National, qui reste la troisième division, avec une équipe qui essaye de proposer du football. On n’est pas le Barça, loin de là. Mais on essaye d’avoir certains principes de jeu qui font qu’on peut arriver à prendre du plaisir en regardant un match de la Duchère au stade. On ne vous demande pas de crier et de chanter. Juste de venir dans un premier temps !

Propos recueillis par Hugo Hélin et Rodolphe Koller

(Photos Lyon Duchère AS)