Fekir, milieu de l’art baby

Olympique Lyonnais

RANK’N’OL #S03E11L’équipe préférée de Clint Eastwood n’a pas eu besoin de forcer pour supplicier Lorient (4-0). Mais l’OL a su appuyer là où ça fait mal avec ce qu’il a aujourd’hui de meilleur, son attaque. Un attelage offensif inattendu mené par un milieu classieux qui ne revendique rien mais amène suffisamment de magie pour réveiller la plus fantasmagorique des légendes lyonnaises : celle du Juni qui ressort de sa lampe.

 

Le match : Moins de blessés, et l’OL valide

 

Olympique Lyonnais

Le mode d’emploi : Let’s Rank’n’OL !

 

Olympique Lyonnais1. Nabil Fekir

C’est un peu court pour s’embarquer dans les comparaisons aussi fumeuses que définitives, mais puisque Fekir a soigné son retour toujours plus décisif, on va y aller. On a appris que l’OL ne perdait plus en championnat à chaque fois qu’il était titulaire. On sait maintenant qu’il peut se promener face au tout-venant de la Ligue 1. Mieux, il se met à l’abri et se permet de dérouler tranquille avec Nabil aux manettes. Certes, l’état des troupes lorientaises tient une grande part dans la démonstration du jour. Mais qu’un meneur ait une telle mainmise sur la défense adverse au point de la rendre toute fébrile à la première accélération et on se met à invoquer, si ce n’est l’esprit, au moins un éclair de Juni. Pas sur ce coup franc aux trente mètres qui aurait eu le tort de l’évidence (38e) – autant laisser ça à Grenier. Mais bien dans cette façon d’habiter à lui seul la tête du losange comme Juninho au sommet du triangle. À chaque meneur son système et l’histoire qui va avec. Celle du Brésilien a pris bien trop de place pour que quelques coups d’éclat d’un recalé revenu de l’Est lyonnais se situent au même niveau d’intensité. Raison de plus pour remettre sur l’ouvrage cette affaire de filiation quand elle paraît improbable. Car là où les héritiers plus ou moins désignés ont échoué à reprendre à leur compte un 4-3-3 bien trop grand pour eux – on pense à Ederson, Pjanic, Gourcuff et Grenier –, Fekir balance un genre de partition toute en remises et interludes techniques en forme de temporisation qui faisaient le régal du milieu lyonnais du temps du maître pernambucan. De ces interstices à partir de tout petits riens surgissent alors ces décalages qui profitent au reste de la bande, quand ce n’est pas Nabilon lui-même qui s’y engouffre, côté droit d’abord (39e), puis en plein cœur (50e) sur un enchaînement contrôle-tir bien parti pour tenir lieu de hit. À sa sortie (74e), on sent Gerland tout chose. Façon de dire que s’il n’est plus question de bon ou de mauvais Juni maintenant que le triangle dort, la reconnaissance peut enfin opérer avec un diamant, aussi brut soit-il.

Olympique Lyonnais2. Alexandre Lacazette

C’était il y a tout juste un mois et l’OL apercevait le fond du trou. À commencer par l’attaque où on en était presque réduit à se demander s’il pouvait y avoir une vie après Gomis. À voir Lacazette errer comme une âme en peine tout seul devant, il y avait déjà un vide. C’était avant que le Kid de Mermoz prenne la mesure du poste qu’on venait de lui refiler, celui de Bafé précisément. Et comme à chaque fois, il a fini par y faire des étincelles. Celles du moment ont ceci de particulier de faire briller les autres. Ou, plus précisément, tous les autres. De 4-4-2 donné pour amputé de son pivot, Lacaz’ parvient match après match à faire du duettiste qui passe dans sa zone le nouvel enfant chéri de la formation lyonnaise. À la faveur de l’été, on s’est pris à rêver d’une relève assurée haut la main par Yattara. Avant que Fekir ne sème le trouble tout juste de retour. Et maintenant N’Jie qui prouve que ses fins aussi fantaisistes soient-elles justifient les attentes un rien disproportionnées depuis ses exploits en sélection. Pour s’en convaincre, il suffit de se repasser les buts de la soirée, en prenant d’ailleurs le soin de zapper le premier signé par Lacazette lui-même (5e). Il y a d’abord ces appels qui participent au sabordage de la défense lorientaise et laissent plus de place à la combinaison Jallet-Fekir (39e), quand ils n’ouvrent pas la mer orange pour une passe de Ferri en direction de N’Jie (50e). Il y a surtout ce modèle de déviation pour Tolisso qui n’attend que ça pour envoyer Fekir au doublé (68e). Tout le charme de l’avant-dernière passe dans cette tête, de celles qui comptent le plus pour mieux les oublier sur le but qui suit. L’air de rien, jamais l’attaque lyonnaise n’aura paru aussi pleine de possibilités. La tête bien faite de Lacazette y est déjà pour beaucoup.

Olympique Lyonnais3. Jordan Ferri

L’homme du match. On s’entend : pas le meilleur, mais celui qui l’incarne le mieux. Pas des masses concerné par son rôle défensif, il a commencé par laisser Jallet se débrouiller seul sur son côté, comme il l’avait fait trois jours plus tôt au Parc. Enfin, jusqu’à ce qu’il se fasse tancer par Lopes, agacé de s’être faire allumer par un Guerreiro un peu trop peinard dans sa surface (16e). Les choses se sont un peu arrangées sur ce plan par la suite. Mais si Ferri est le symbole de l’OL du jour, c’est justement parce qu’il s’est surtout contenté de jouer vers l’avant. Sa force, comme celle de son équipe. Et finalement, peu importe que les carences défensives augurent des problèmes du lendemain quand on est capable de s’offrir pareilles réjouissances le moment venu. Jordan Ferri n’est pas encore un grand ratisseur, mais son offrande à N’Jie a bien confirmé qu’il était un passeur. Le meilleur, pour le coup.

Olympique Lyonnais4. Clinton N’Jie

Pour ne pas avoir à s’excuser de leurs doutes d’août, ou plutôt de leur conviction vis à vis d’un cas quasi pathologique, quelques-uns ont jugé plus sage de lancer des appels au calme. Ils ont tout faux. Il faut s’enflammer avec Clinton N’Jie. Et peu importe que ce soit pour un mois ou pour les cinq ans à venir. Car c’est bien là tout le charme du phénomène : l’incertitude du lendemain comme du dénouement de ses actions. Passeur pour Lacazette sur l’ouverture du score (5e), enfin buteur (50e) après trois tentatives (3e, 13e, 19e), il a passé sa semaine à être décisif. Si ce qui est pris n’est plus à prendre, il ne faudrait toutefois pas s’attacher trop au bilan statistique du garçon. Ce n’est de toute façon pas ce qu’on lui préfère. Cette capacité à foutre le bordel, à surprendre, à faire voler en éclats les certitudes en moins de 6 secondes, ce nom génial qu’un pion et deux galettes ne doivent surtout pas occulter : il n’y a pas qu’une raison d’apprécier Clinton N’Jie. Il y a déraison. #Njinsanity.

Olympique Lyonnais5. Christophe Jallet

Il y a ceux qui préfèrent ne plus jamais revoir leurs ex. Et il y a Jallet qui n’a jamais autant donné l’impression de se trouver qu’en leur présence. D’abord le temps d’une incantation « Solides, les gars ! Solides ! » balancée pour allumer juste ce qu’il faut la célébration du but d’Umtiti et rendre la performance qui suit abrasive. Minimaliste au possible et autrement plus forte que celle de Gomis qui puait l’embrouille : « Faut pas les énerver ! » Face aux Merlus, Jallet sait que le langage est différent. Binaire. Monter-défendre pour ce que l’on en voit. Avant de comprendre que le disque dur du latéral a aussi eu le temps d’enregistrer le logiciel des sorties de balle lorientaises. Et comme on ne fait pas plus romantique que ce geek-là, on en arrive presque à s’émouvoir de ses retrouvailles avec sa machine à jouer de l’avant-veille, où chaque tentative de passage par son couloir se transforme en voie sans issue, au seul prix d’un repositionnement de Ferri vers la droite passées les vingt premières minutes de jeu. La suite est aussi simple et efficace que ce jeu qu’aime pratiquer Jallet : des appels de loin, des combinaisons dans l’axe – quand il ne s’agit pas d’un passage éclair par là – et des occasions qui ne demandent qu’à se conclure. Un premier tour pour se roder avec N’Jie (12e) avant d’envoyer Fekir au but sur ce modèle de jeu à deux (39e). On a connu pire comme retrouvailles. Solide, le gars. Solide.

Par Pierre Prugneau et Serge Rezza

Retrouvez le Rank’n’OL sur OL Dirty Bastards et le Libéro Lyon.

(Photo Anthony Bibard – FEP / Panoramic)

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