Fabien Colloredo (Saint-Priest) : “Je fais partie des meubles”

Colloredo

ENTRETIEN. Descendu en CFA2 il y a deux ans, l’AS Saint-Priest est aujourd’hui leader de sa poule et bien parti pour remonter en CFA. On en a donc profité pour boire un coup et discuter de sa longue carrière avec Fabien Colloredo, capitaine emblématique de 32 ans qui a passé la moitié de sa vie à l’ASSP.

« Salut Michèle ! » Au Cap 6, bar de la presqu’île où il nous a donné rendez-vous, Fabien Colloredo connaît presque tout le monde. Et pour cause : c’est son père derrière le zinc. Rien ne trahit pourtant dans la décoration, avec ses photos de New York accrochées au mur, que le propriétaire du lieu a donné naissance à une belle fratrie de footballeurs. « Il y avait des maillots de mon frère avant [Mickäel, passé notamment par Nîmes et le Gazélec], mais ils ont dû être enlevés. »

« Une fierté »

Il rigole quand on lui demande s’il se considère comme le Totti de l’AS Saint-Priest. « C’est évidemment une fierté pour moi. Comme on dit entre joueurs, je fais partie des meubles. J’essaye de rendre le maximum au club. » Fabien Colloredo n’a pas connu que l’ASSP, mais presque : « J’ai commencé jeune à l’OL, jusqu’à 14 ans, et ils ne m’ont pas gardé. J’ai passé deux ans au CASCOL en 15 ans nationaux. Et à l’âge de 16 ans j’ai été à Saint-Priest et j’y suis resté. » On évoque alors son court passage à Limonest : « Ah oui, j’ai fait un an à Limonest en revenant de blessure il y a huit ans ! Mais je ne le compte pas vraiment ! » On fera donc pour une fois une entorse à notre déontologie en s’accommodant d’une fake news et en considérant que Fabien Colloredo a fait toute sa carrière à l’ASSP.

CFA, CFA2 et vaches sur les routes

Avec Saint-Priest, le défenseur polyvalent (« Je peux jouer des deux côtés, un peu dans l’axe aussi mais j’aime bien prendre le couloir et apporter un peu offensivement. Je joue surtout à gauche là et j’aime beaucoup cette possibilité de repiquer ») a connu la CFA et la CFA2, niveau auquel évolue le club depuis sa descente en 2015. Un échelon d’écart, mais une vraie différence de niveau et de style selon lui : « La CFA2, c’est plus dans l’engagement. En CFA aussi, évidemment, mais il y a de très bons joueurs et des équipes qui ont joué au haut niveau. Une saison en CFA2, c’est plus que long. C’est 26 matchs, avec des coupures qui peuvent faire mal. En février, on n’a joué que deux matchs par exemple. Il faut arriver à se remobiliser à tous les matchs. C’est là que c’est dur mentalement. » Sans compter les obstacles hors terrain, comme lorsqu’il nous raconte que le bus de l’ASSP est cette année passé tout près de l’accident sur le chemin d’Aurillac après sa rencontre avec… un troupeau de vaches sur une petite route.

Colloredo

Fabien Colloredo sous le maillot de l’ASSP en 2015 : « C’est un club très familial. Tout le monde se connaît, dirigeants et joueurs. On essaye de faire des choses ensemble, même si c’est compliqué parce qu’on a tous une vie à côté. Dès qu’on peut, on fait des trucs, même basiques, des anniversaires ou tournois de poker. Tout le club est derrière nous qu’on soit bons ou mauvais. Depuis janvier on a des bonnes périodes et des mauvaises – et on n’en a pas eu trop de bonnes je dirais – mais ils sont toujours derrière nous pour nous encourager et essayer de nous pousser. Eux aussi ils n’attendent que la montée en CFA. C’est un club qui a largement sa place à ce niveau, et même plus haut selon les ambitions du président ! Le club fait aussi beaucoup pour la préformation. On a par exemple une très bonne génération U19 qui arrive. J’ai aussi appris cette semaine qu’il y a un jeune de 2004 qui a signé à Monaco, il y a eu un autre jeune qui est parti à Saint-Étienne. Ce n’est pas tout d’avoir une équipe senior performante, il faut aussi des jeunes qui peuvent nous titiller et prendre la place. C’est l’avenir. » (Photo AS Saint-Priest)

 

Le meilleur souvenir de sa carrière est d’ailleurs arrivé à l’issue d’une de ces longues saisons de CFA2 : « C’est la montée en 2013 ! Je me suis malheureusement blessé au talon d’Achille cinq matchs avant la fin, mais je l’ai vécue comme si je jouais. Tu commences une saison le 15 juillet et tu finis fin mai avec la montée au bout, qui se joue sur le dernier match… Le stade était plein, tout le club était derrière nous, c’était vraiment la folie. Je souhaite le revivre cette année. » Il hésite un peu plus quand on lui demande les meilleurs joueurs avec qui il a joué, a peur d’en oublier et cite finalement des joueurs passés par l’ASSP avant une carrière pro : « Il y a Nicolas Belvito, qui est aujourd’hui à Grenoble. Un très bon attaquant, très rapide et excellent devant la cage. J’ai aussi eu l’occasion de jouer avec Féthi Harek, qui a connu la Ligue 1 avec Bastia, un très très bon joueur lui aussi. Ça fait plaisir quand un coéquipier joue au-dessus et on continue forcément à les suivre. » Après la fin de l’interview, il nous envoie un SMS pour rajouter quelques noms oubliés, des anciens pros passés par l’ASSP en fin de carrière : « Pierre Laigle, Christophe Delmotte et Jean-Louis Valois. Faut que tu les mettes aussi ! » On lui passe alors un coup de fil : « Delmotte et Laigle connaissaient bien le président de l’époque et sont venus pour apporter leur expérience au club. Deux sacrés joueurs. Delmotte dans la mentalité, c’était vraiment un chien. Niveau expérience, mentalité, envie… Il n’aimait pas perdre. C’est lui qui poussait les jeunes, pas l’inverse ! Valois c’était quelqu’un avec un pied gauche… C’était comme Pierre Laigle : tu leur donnais le ballon et ils faisaient ce qu’ils voulaient. »

La retraite pourrait attendre

Colloredo n’a lui jamais joué plus haut que la CFA, même s’il en a eu l’opportunité avec des contacts en National : « J’avais un boulot et je n’ai pas voulu prendre de risques. J’ai préféré assurer. Je n’ai aucun regret là-dessus : depuis que j’ai 19 ans, j’ai la chance d’évoluer en CFA ou CFA2 et j’ai un très bon boulot à côté. Je n’ai rien à regretter. » Mais même à ce niveau, la vie de footballeur requiert des sacrifices : « En CFA2, on s’entraîne trois ou quatre fois par semaine. On a essayé d’alterner, mais c’est souvent quatre. C’est compliqué parce que tout le monde a un boulot à côté, même si on a aussi une rémunération du club. On se lève pour la plupart à six heures le matin, on a un travail, faut aller à l’entraînement à six heures du soir et on rentre chez nous à neuf heures. Et ensuite il y a le match le week-end. Quand c’est en Corse vous partez le samedi matin, vous dormez à l’hôtel, vous rentrez le dimanche… Pour s’en sortir, il faut vraiment avoir une très bonne hygiène de vie. Je fais quelques écarts parfois, mais je fais attention. C’est le niveau le plus dur. En National ils ne font que ça. Nous, les clubs n’ont pas les moyens de payer les joueurs à ne faire que ça. » À presque 33 ans (il les aura en octobre), l’hypothèse d’une retraite sportive est donc forcément dans la tête du capitaine san-priot, qui travaille par ailleurs dans l’usinage des dispositifs médicaux  : « J’y ai déjà pensé l’année dernière. Vous savez, avec le boulot, les enfants, une femme qui a déjà fait beaucoup de choses pour moi… Je ne suis pas souvent là depuis longtemps, donc oui j’y pense. L’année dernière j’ai repoussé d’un an. Là je ne sais pas, ça dépendra sans doute de ce qu’il se passera le 20 mai [date du dernier match de la saison], si on monte ou pas. 90% de ma réflexion reposera là-dessus. » La retraite pourrait toutefois devoir attendre : après sa victoire dans le derby contre Limonest samedi dernier, l’ASSP compte quatre points d’avance sur le second à quatre journées de la fin. Ce n’est peut-être pas encore la saison prochaine que Fabien Colloredo sera libre le week-end.

Hugo Hélin

(Photo Marion Dupas / Le Libéro Lyon)

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