Toulouse, place défaite

Olympique Lyonnais

RANK’N’OL #S03E04. On ne s’habitue jamais à perdre, paraît-il. Ou alors dans certains endroits plus que d’autres. Incapable de gagner à Toulouse depuis bientôt dix ans, l’OL a une nouvelle fois perdu au Stadium (2-1). Pour se consoler, les Lyonnais ont réussi à y inscrire un but, le premier depuis 2005. Une réaction tardive due en partie aux entrées des remplaçants. Mais même quand le banc chante Toulouse, l’OL en est toujours à se jouer « I was born to lose ».

 

Samedi 16 août 2014, 2e journée de Ligue 1

Toulouse FC – Olympique Lyonnais 2-1

Buts : Akpa-Akpro (10e), Ben Yedder (45e) pour Toulouse ; Lacazette (75e) pour Lyon.

Avertissements : Veskovac (21e), Grigore (37e), Moubandje (84e) pour Toulouse ; Mvuemba (44e) pour Lyon.

TFC : Boucher – Veskovac (Moubandje, 60e), Spajic, Grigore – Akpa-Akpro, Didot, Aguilar (cap.), Trejo (Regattin, 82e), Matheus (Sylla, 68e) – Braithwaite, Ben Yedder. Entr. : Alain Casanova.

OL : Lopes – Jallet, B. Koné, Umtiti (Rose, 28e), Tolisso – Ferri, Gonalons (cap.), Mvuemba – N’Jie (Yattara, 74e), Lacazette, Danic (Bahlouli, 61e). Entr. : Hubert Fournier.

 

 

Olympique Lyonnais

Le mode d’emploi : Let’s Rank’n’OL !

 

Olympique Lyonnais1. Alexandre Lacazette

La scène est cocasse. Elle se passe sur OLTV, devant la porte du vestiaire lyonnais. Alors qu’on lui demande ce qu’il a pensé du passage en 4-3-3, Alexandre Lacazette commence doucement par dire – ou plutôt par faire comprendre – tout le mal qu’il en pense, quand Hubert Fournier passe derrière lui. Le Kid de Mermoz s’en aperçoit et tranche : « Après, le coach a fait des choix… Mais c’est vrai que je préfère le 4-4-2. » Une sentence qui ne mettra pas le feu à l’Institution mais qui dit deux choses essentielles : le 4-3-3 a été une purge et Lacazette est un bonhomme. On l’avait constaté en première mi-temps quand, seul au monde, il s’évertuait à faire exister quelque chose d’une menace dans la dense défense toulousaine, comme lorsqu’il abrégeait une action brillante mais à l’issue incertaine de N’Jie pour allumer Boucher, qui repoussait sa frappe spontanée (23e). Rejoint par quelques camarades supplémentaires, il sera celui qui succédera à Sidney Govou. Une issue aussi évidente que la filiation qui lie la Gove à Lacaz’, notamment au moment de remobiliser son monde, à peine l’arbitre a-t-il sifflé la mi-temps. L’autre ascendant, on l’a vu sur l’action du but. Du recentrage depuis la gauche à cette frappe sèche et précise, ce type bien campé sur ses jambes, les épaules en avant, c’était Licha. Et quand on a deux pères comme ça, on a forcément une paire comme ça.

Olympique Lyonnais2. Anthony Lopes

On pourrait se contenter de croire que c’est une fatalité. Pourquoi Anthony Lopes se fait-il avoir par Wissam Ben Yedder (45e) comme un bleu alors qu’il venait d’enchaîner les miracles devant Braithwaite (3e et 41e) ? Parce qu’on est àToulouse et qu’il fallait bien que ça se finisse mal, d’une manière ou d’une autre ? Pas seulement. « J’ai placé mon mur mais il a ensuite changé le ballon de place. J’étais focalisé sur le marquage de mes défenseurs et j’ai oublié de replacer mon mur. » Lopes est un gardien d’instinct, pas encore d’expérience. On se consolera en soulignant qu’il vaut mieux ça que l’inverse. Car à 24 ans, il est toujours temps d’acquérir. Alors que le talent, c’est comme les défaites au Stadium : c’est inné.

Olympique Lyonnais3. Fares Bahlouli

Quand il est question d’annoncer son avenir, il arrive au foot lyonnais de se diviser en deux catégories. À la faveur d’une préparation qui a fait la part belle aux suppléants dans le rôle du meneur, les partisans de Bahlouli et ceux de Fekir se sont dit qu’ils allaient pouvoir célébrer tout haut le génie de leur protégé. Les premiers ont pour eux une vidéo, un match de CFA face à Vesoul, qu’ils font tourner de façon virale pour convertir les derniers impies qui ne comprendraient pas. Balhouli a pour lui la technique, la vitesse et la belle gueule du gars à qui l’on est prêt à promettre un avenir doré. Manque encore le plus important : la confirmation à l’étage supérieur, celui des pros, qui passait par une titularisation à Toulouse. Celle qui a permis à Fekir d’aligner en fin de saison dernière une prestation de haut vol face à Bastia (un but, deux passes dé’). De quoi prendre un peu d’avance parmi les voix qui comptent, et pas les moindres, au moment d’annoncer le prochain miracle issu de la formation – Lacombe, Aulas ou Le Progrès s’y sont mis. Reste à Bahlouli ces quelques bouts de match qui ne suffisent certainement pas à ses fans les plus hardcore, mais qui vont plutôt bien à son talent, celui qui se joue sur un geste-éclair – une accélération et un crochet qui perd la défense toulousaine (64e) ou cette passe dans la profondeur pour Ferri qui finit en but pour Lacazette (75e). Ce n’est pas encore le sacre officiel du nouvel enfant chéri du foot lyonnais, mais tout est déjà là pour rejouer à l’infini l’opposition entre le génie qui vient et qu’on annonce comme tel (Ben Arfa, Grenier) et son double qui finit par emporter la mise (Benzema, Lacazette). Fares ne connaît peut-être pas cette partie de l’histoire du foot lyonnais. Pas grave : ce nouveau détour par l’ombre pour mieux capter la lumière nous prouve qu’il la maîtrise déjà.

Olympique Lyonnais4. Mohamed Yattara

D’un côté, les observateurs qui passent leur match à égrener les stats flatteuses du grand partant, Gomis, sa quinzaine de buts à la saison et son millier de selfies au compteur. De l’autre, Hubert Fournier qui insiste tant qu’il peut pour réclamer cet attaquant qui manquerait tant à son effectif, rapport au départ de Bafé. Le monde entier voudrait condamner Yattara à échouer qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Et pour tout dire, on n’est pas loin de penser que l’intéressé en a pris son parti. Alors quitte à disparaître, autant le faire de la seule manière qui vaille, dans le collectif. Nulle ligne de stat à soigner, aucun ego trip à cultiver. Quand Yattara rentre sur le terrain à la 73e , c’est pour s’effacer deux minutes plus tard, de la plus décisive des manières. Un jeu de corps en guise d’écran de fumée qui hypnotise toute la défense toulousaine et envoie Lacazette placer son plat du pied tranquillité. Le but est bien là, mais le geste qui l’a précédé s’est déjà effacé des tablettes. Comme s’il n’avait jamais existé. On n’est pas loin d’y voir une allégorie de l’attaquant que le grand Momo est appelé à devenir. Non pas à la façon du type revenu des limbes de la Ligue 2 et qui s’impose en étant là où on ne l’attend pas. Mais bien en n’étant plus là du tout. Ce qui en ferait un attaquant spectraculaire.

Olympique Lyonnais5. Christophe Jallet

Ils ont eux la même dégaine d’arbitre et sont tous deux issus de cette même classe moyenne du Grand Ouest, celle qui pourvoie la Ligue 1 en joueurs plus classieux qu’il n’y paraît, du genre à mener leur carrière quelque part entre le ventre mou et les portes de l’équipe de France. Pourtant, c’est bien plus qu’un monde qui sépare Christophe Jallet et Gaël Danic. Lequel ne se repère pas seulement dans leurs performances respectives, le latéral jouant les derniers défenseurs en première et les remonteurs de terrain en seconde, quand l’attaquant n’est plus là pour personne, à force de vouloir se prouver qu’il peut encore y être pour lui-même – combien de tentatives de dribbles à la limite du désespoir et de frappes qui veulent forcer le destin ? À un an d’intervalle, c’est encore entre les lignes des dernières confessions de Jallet que l’écart avec Danic se mesure le mieux. Là où l’ancien Rennais se demandait en début de saison dernière s’il était taillé pour se hisser à la hauteur de l’OL, l’ex-Merlu sait qu’il y a bien mieux à faire, à commencer par l’éloge de son propre déclassement : « Paris, ces trois dernières années, ce n’était plus la même atmosphère. Je n’irais pas jusqu’à dire que je ne m’y reconnaissais plus, mais ça ne correspondait plus à mon image du footballeur. Le strass et les paillettes, ce n’est pas trop mon délire. C’est plus facile de s’épanouir et de vivre à Lyon. » (Le Parisien/Aujourd’hui) Toute la différence est là entre celui qui à trop la coller finit par se retrouver du mauvais côté de la ligne de touche, quand l’autre s’en tient à la seule ligne qui compte, celle du club. Preuve qu’on n’a toujours rien trouvé de mieux que la lutte des classes (moyennes) pour comprendre l’histoire.

Par Pierre Prugneau et Serge Rezza

Retrouvez le Rank’n’OL sur OL Dirty Bastards et le Libéro Lyon.

(Photo Thierry Breton  – Panoramic)

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