Nabil Fekir, je en rupture

Fekir

HASTA LUEGO. Le registre de la rupture amoureuse est facilement utilisable, même sans mauvais jeu de mots en référence au seul tube de Sabine Paturel. Puisqu’il avait besoin de voir autre chose, Nabil Fekir est donc parti au Betis. Et laisse derrière lui des supporters lyonnais amoureux transis, mais qui se disent aussi qu’ils arriveront peut-être à reconstruire quelque chose d’aussi beau sans lui.

Le choix de la destination de Fekir a pourtant de quoi interroger les fans rhodaniens, et pas seulement parce que le Betis joue en vert. Loin du standing de l’OL, et encore plus de Liverpool où le capitaine lyonnais avait été tout proche de signer l’été dernier, le club sévillan ne disputera ainsi aucune Coupe d’Europe la saison prochaine et n’a plus terminé dans le top 5 de la Liga depuis 2005. Un hidalgo pas si séduisant que ça, ce qui accrédite la thèse de la lassitude de l’ex-numéro 18 de l’OL.

Une idée pas totalement incompréhensible, tant Fekir a tout connu à Lyon. Un passage en jeunes contrarié, avant de revenir par la fenêtre pour sortir par la grande porte huit ans plus tard. Des débuts en équipe première au milieu d’une génération spontanée (si l’on oublie toutefois les efforts jamais interrompus du club envers son centre de formation, même pendant les grandes années) qui a permis à l’OL de gérer au mieux la période de vaches maigres en attendant l’entrée dans le grand stade, et l’explosion au sein d’une bande de Gones qui aura notamment tenu tête au PSG lors de la saison 2014/15.

En vidéo >>> Nabil Fekir
avant la blessure

Une blessure pour sa première titularisation avec les Bleus, et presque une saison d’absence dans la foulée. Le changement d’ère grâce au Formidable Outil, dont Fekir est à l’heure actuelle le meilleur buteur historique, et où il est devenu le capitaine et leader technique d’équipes de mieux en mieux armées. Une célébration lors d’un Derby qui marquera l’histoire de ceux-ci. Une relation tactique étrange avec Bruno Genesio, dont la meilleure période (ses six premiers mois) aura eu lieu pendant la blessure de Fekir, et qui n’aura jamais réussi à l’intégrer dans le 4-3-3 qui semblait être son schéma préférentiel, ni même ensuite dans un jeu cohérent.

Mais qui n’a pas non plus réussi à se passer des coups de génie de celui qu’il a nommé capitaine et qui, même lors d’une dernière saison lyonnaise où il semblait déjà ailleurs, était capable d’offrir des master classes gratuites sur la pelouse de Manchester City ou contre le PSG, ou de qualifier l’OL en huitièmes de finale de Ligue des Champions en armant ultra-rapidement une frappe en lucarne sous la neige ukrainienne.

C’est d’ailleurs ce qui rend le timing de la rupture si étrange : après avoir connu un OL qui ne s’était pas encore rendu compte qu’il avait réussi sa mue, Fekir le quitte au moment où celui-ci semble retrouver les ambitions de ses moyens. Des ambitions qui ne se concrétiseront peut-être pas au classement, mais qui semblent au moins permettre d’en finir avec l’auto-satisfaction béate quand l’un des trois meilleurs effectifs de Ligue 1 finit ric-rac sur le podium.

Les supporters se consoleront en se disant que son départ rendra peut-être plus facile la mise en place du 4-3-3 de Sylvinho, même si le talent perdu sera difficilement remplaçable. Car Fekir est sans doute intrinsèquement l’un des plus grands joueurs passés par l’OL, même s’il n’en aura pas garni l’armoire à trophées. Pour se rappeler de titres remportés par « Bilon », il faudra donc passer devant le mur des Lyonnais champions du monde à l’entrée du tunnel de la Croix-Rousse. Mais pour tout le reste, pas besoin de se creuser trop la tête pour se souvenir de ses crochets courts dévastateurs, de ses frappes délicatement piquées au-dessus du gardien ou de grands matchs remportés à lui tout seul. Finalement, c’est rare une rupture avec autant d’amour.

Hugo Hélin

(Photo Damien LG)

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