Loïc Abenzoar : « J’ai fait ce que j’avais à faire »

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ENTRETIEN. Il a joué en CFA avec l’OL, il a joué en CFA avec la Duchère, il joue en CFA à Villefranche. Autant dire qu’il est difficile de rater Loïc Abenzoar en traînant autour des terrains de foot de la région. Même le lieu du rendez-vous, qu’il a choisi, a réveillé des souvenirs de matchs : le Ninkasi, à deux pas de Gerland et Tola-Vologe. Mais le défenseur a aussi joué à l’étranger : à Arles-Avignon, à Vannes et en Norvège. Rencontre avec un type passé par la Scandinavie pour aller de Lyon à Villefranche qui fête ses 28 ans aujourd’hui.

 

Il a été le capitaine du capitaine actuel de l’OL Maxime Gonalons, de Clément Grenier ou d’Alexandre Lacazette. Champion de France des réserves professionnelles, Loïc Abenzoar n’a pourtant jamais joué de match officiel avec son club formateur. De quoi nourrir de la frustration ? « Je ne vais pas mentir et dire que je n’ai pas de regrets. Après, je me dis que j’ai fait ce que je devais faire. Si on m’avait dit à 13 ou 14 ans que je serais pro quatre ans à l’OL, je ne l’aurais pas cru. Je l’ai fait et c’est un peu une page à tourner. C’est pas maintenant que je vais jouer en Ligue des Champions. On essaie de tourner la page doucement, tout en continuant à jouer au foot pour se faire plaisir parce que c’est ce que j’aime avant tout. » Avant de penser à la fin de carrière, on a voulu revenir avec lui sur son parcours.

 

« Loin d’être une star »

Né à Lyon, Abenzoar commence le football à l’US Millery Vourles « de 5 ans à 9 ans, avant d’intégrer l’OL en benjamins première année. » Il fait ensuite toutes ses classes à l’académie, jusqu’à la CFA donc. Le défenseur tâte des équipes de France jeunes, des U16 aux U20, mais refuse d’être considéré comme l’une des stars de sa génération : « Grâce à la sélection on est un peu plus mis en avant, on est plus regardés. Mais ça ne veut pas dire être une star, loin de là. » Le brassard de capitaine de la réserve de l’OL lui a plutôt été attribué pour son comportement : « En dehors du terrain, je ne parle pas forcément beaucoup. Après, sur le terrain, je pense que je suis plutôt un meneur d’hommes. Si je parle beaucoup c’est aussi par mon poste, un défenseur doit beaucoup parler. »

 

 

À l’OL, le destin d’Abenzoar bascule à l’été 2010. Il émet alors à Claude Puel le souhait de partir en prêt, mais joue tous les matchs amicaux d’avant-saison, dont certains de prestige face à la Juventus ou à l’Emirates Cup. « Je me suis dit que j’allais attendre de voir si on me donnait vraiment ma chance. Elle ne s’est pas présentée, et j’avais quand même déjà attendu pas mal d’années. Avec le recul, je me dis peut-être que j’aurais pu attendre un peu plus, mais je ne regrette pas d’être parti en prêt. »

 

« Inconsciemment, on est moins impliqué »

Quand au bout de cinq matchs tu n’en as pas gagné un, c’est le doute qui commence à s’installer. Tu te dis que ça va peut-être être comme ça toute la saison. Et ça a été comme ça !

Le prêt, ce sera à Arles-Avignon, tout juste promu en Ligue 1. Une montée qui a sans doute surpris le club : « L’année où je suis arrivé, je crois qu’il y a 14 recrues. C’est trop pour un mercato. Pour la cohésion de groupe, pour mettre une équipe en place, c’est compliqué. On ne se connaissait presque pas. Quand je suis arrivé, c’était déjà mi-août, je ne connaissais personne et le championnat avait déjà commencé. » Et le début de saison n’aide pas vraiment à libérer les joueurs : « À chaque fois que tu entres sur le terrain, tu n’es pas serein. Quand au bout de cinq matchs tu n’en as pas gagné un, c’est le doute qui commence à s’installer. Tu te dis que ça va peut-être être comme ça toute la saison. Et ça a été comme ça ! C’est pas facile, mais d’un côté j’étais là bas sans vraiment y être. J’étais prêté et inconsciemment on se dit qu’à la fin de saison on rentrera à Lyon. Inconsciemment, hein ! Mais on est moins impliqué. Et c’est peut-être ça qui nous a joué des tours. Y avait pas que moi en prêt, on était au moins cinq ou six. C’est beaucoup trop. » Et ce même si sur les six (on a vérifié) en question se trouve le jeune Rémy Cabella, devenu en un an d’entraînements quotidiens « l’homme qui [lui] a collé le plus de petits ponts dans [sa] vie. »

 

C’est avec Arles-Avignon que Loïc Abenzoar dispute son seul match en pro à Gerland, un excellent souvenir malgré la lourde défaite 5-0 : « Il y avait toute la famille, mes frères, ma sœur, tous les amis. C’était la première fois que ma mère venait me voir jouer au foot ! En 21 ans ! » Quand on lui demande en plaisantant s’il ne regrette pas d’avoir vécu un tel moment avec un maillot aussi moche, il se marre : « Le seul truc qui était bien, c’est qu’il me moulait un petit peu !« 

Le défenseur passe de nouveau la saison suivante en prêt. « Au départ, je me suis dit qu’avec mes matchs en Ligue 1, j’aurais peut-être ma chance à Lyon. Je vois que non et j’émets direct le souhait de repartir. La seule proposition que j’ai eue, c’est Vannes. Là je n’avais pas le choix, j’ai pris ce qui est venu. » Direction le National donc, où il côtoie notamment Kevin Malcuit, pas encore stéphanois et pas encore un concurrent : « Il jouait devant à l’époque, milieu droit ou attaquant. C’est pour ça qu’il est à l’aise techniquement dans le couloir droit. »

 

« Le train est peut-être passé »

Après la Ligue 1 et le National, Abenzoar enchaîne par une saison en… CFA avec l’OL. Il a alors 23 ans. « J’avais pas lâché complètement l’affaire. Je me suis dit que j’étais quand même encore à Lyon, que j’avais un contrat qui courait jusqu’à la fin de l’année, et que j’allais tout faire pour montrer au coach Rémi Garde que j’étais encore là. Et puis je m’entraîne, et je joue avec la réserve, avec la réserve, avec la réserve… C’est sûr que je trouve le temps long. Mais j’ai pris sur moi. Peut-être que le train est passé et que je n’ai pas sauté dedans correctement, mais c’est le football. C’est le talent, mais c’est aussi un peu de chance, être là au bon moment. Peut-être qu’avec cinq matchs de plus en Ligue 1, dix matchs de plus en National, c’est pas la même carrière derrière. » La suite, c’est d’abord une saison à la Duchère, « pour rester dans la région et garder ce niveau CFA. »

 

« Je me suis demandé à quoi servaient toutes ces salles de sport »

Puis Abenzoar décide de tenter une expérience à l’étranger. Après quelques contacts en Roumanie et en Bulgarie, des pays qui ne le tentent pas plus que ça (« C’est pas toujours très clair, il y a des histoires de salaires pas payés, de primes pas payées, la vie est un peu risquée. J’ai été faire des essais là-bas. OK merci, j’ai vu ! C’est joli mais ça peut vite tourner au cauchemar »), on lui propose la Norvège. Le Lyonnais débarque donc à Sarpsborg, le club de Jérémy Berthod, et y reste dix jours en essai : « Ça ne s’est pas fait. Mais là-bas, quand vous faites un essai dans un club de première division, tous les autres clubs sont au courant. Un club de deuxième division, Hönefoss, à 40 minutes d’Oslo, est venu à moi et j’ai signé. » Il restera deux ans en Scandinavie, en changeant de club au bout d’un an pour rejoindre Fredrikstad.

 

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Loïc Abenzoar n’a pas joué avec Jérémy Berthod, mais a lui aussi porté le numéro 69 en Norvège : « Pour ne pas oublier la région.«  (Photo Terje Pedersen)

 

Il faisait -17°C, je leur disais que c’était impossible de s’entraîner. « Si, si on s’entraîne, allez, en salle ! » Échauffement de 30 minutes et c’est parti pour une séance d’une heure dehors sans problème.

En Norvège, il découvre un football différent : « C’est physique. Ils suivent les championnats anglais et allemands. Techniquement ils n’ont rien à nous envier, mais tactiquement c’est plus limité. En France, on est vraiment bon sur la formation des jeunes. Avec le bagage acquis à l’OL, on est armés pour aller dans pas mal de clubs. » Mais c’est aussi hors du terrain qu’il apprend beaucoup : « Ils sont à fond dans la diététique, les salles de sport. À Fredrikstad, il y a 75.000 habitants et au moins 70 salles de sport. Je me suis demandé à quoi elles servaient. Tout le monde y va après le taf, ou va au yoga, ou à des activités de ce style. » Une philosophie qui déteint sur les clubs de football : « C’était très physique : muscu lundi, mardi, mercredi, jeudi et deux jours off sans muscu. C’est costaud. » Et une bonne façon de lutter contre le froid polaire : « Avec les températures, on ne sortait pas sur le terrain le matin si on n’avait pas fait 30 minutes en salle pour être chaud. Il faisait -17°C, je leur disais que c’était impossible de s’entraîner. « Si, si on s’entraîne, allez, en salle ! » Échauffement de 30 minutes, et c’est parti pour une séance d’une heure dehors sans problème. Là-dessus ils sont en avance sur nous. »

 

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À Villefranche, Loïc Abenzoar continue de naviguer entre le flanc droit et l’axe de la défense suivant les besoins de l’équipe : « Aujourd’hui, je dirais que je préfère être défenseur central droit. J’ai pris mes habitudes. Je pense avoir un bon jeu de tête, même si je ne suis pas très grand, 1m80. On voit le jeu, j’aime bien. Et puis on court un peu moins que latéral. J’aimais bien prendre le couloir, mais avec l’âge on fatigue !«  (Photo FCVB)

 

À Villefranche depuis novembre 2016 après six mois passés au chômage, Abenzoar remarque d’ailleurs qu’il a moins de pépins physiques (un souci qui avait gâché ses passages à Arles-Avignon et Vannes) : « Ça va mieux depuis la Norvège. C’est fou ! Voilà pourquoi je regrette vraiment pas d’être parti là-bas, j’ai appris. C’est entré dans ma tête. Ils n’étaient jamais blessés, même en étant des acharnés des tractions et du gainage. Inconsciemment j’y ai pris goût, et c’est peut-être pour ça que je suis moins blessé. » Il confie être revenu dans la région pour préparer l’après-carrière, sans idée précise pour l’instant : « Entraîneur de foot, je ne sais pas si je suis fait pour ça. Préparation physique, coach sportif, ça pourrait m’intéresser. Pas forcément dans le football. On verra. Je n’ai pas des masses d’idées en tête, mais la base c’est de rester dans le sport. C’est un truc que je fais depuis gamin, je me vois mal derrière un bureau. » D’ici là, on l’a peut-être aidé à planifier la suite de sa carrière en lui faisant remarquer en rigolant que beaucoup de joueurs tournent entre les différents clubs de la région : « C’est vrai. On passe souvent de l’un à l’autre, de la Duchère à Chasselay, de Villefranche à Limonest. Bon, Limonest c’est pour finir en général (rires). Donc j’ai mon plan de carrière : je vais à Chasselay et puis à Limonest, mais pas avant 32 ans ! »

Propos recueillis par Hugo Hélin

(Photo Marion Dupas / Le Libero Lyon)

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