Les sept buts qui ont eu raison de Guy Stéphan (ou plutôt les sept raisons pour lesquelles Guy Stéphan s’est fait virer)

Guy Stéphan

SOUS L’HORLOGE. « Guy Stéphan ne sera plus l’entraîneur, parce que nous pensons que si nous ne faisons rien, on aura moins de chances de s’en sortir que si l’on fait quelque chose. » (Jean-Michel Aulas, lundi 28 octobre 1996) Trois jours après avoir vécu l’une des plus lourdes défaites de son histoire, l’OL, par la voix de son président et au moyen d’une formule à l’emporte-pièce, se sépare de son entraîneur. Décision logique. Encaisser sept buts dans le même match à Auxerre ne mérite-t-il pas l’hallali ? Seulement voilà, ce match au Stade de l’Abbé-Deschamps n’est peut-être, finalement, que la septième et dernière raison de l’un des remerciements les plus prévisibles de l’ère Aulas.

 

 

Raison n°1 – L’éponge de Tigana (mars 1995)

Le 20 mars 1995, Jean Tigana annonce dans l’Équipe qu’il ne sera plus l’entraîneur de l’Olympique Lyonnais au terme de la saison. Le technicien ne veut plus travailler avec Bernard Lacombe, il souhaite que ses convictions soient respectées, il entend oeuvrer avec ses hommes, avec ses joueurs, il prétend être le seul leader du secteur sportif… Autant de désirs impossibles à l’Olympique Lyonnais qui forcent Tigana à jeter l’éponge. C’est Guy Stéphan qui va la prendre en pleine figure.

Derrière l’illusion d’un bel avancement, l’éternel n°2 hérite en réalité d’un double legs empoisonné. D’une part un très bon bilan sportif : une deuxième place inédite dans l’histoire du club conquise avec un jeu chatoyant tout aussi inédit, et d’autre part une direction vaccinée à tout esprit d’initiative et à toute tentative d’autonomisation du staff. Ce jet d’éponge en guise de promotion, Stéphan va le porter comme un fardeau pendant seize mois.

 

Raison n°2 – La promesse présidentielle (juillet 1995 et juillet 1996)

Auréolé d’un titre de vice-champion de France et d’une nouvelle qualification européenne, le président Aulas n’a aucun mal, durant l’été 1995, à assurer la promotion de la saison à venir dans les médias. Il le fait d’autant plus que son nouvel entraîneur n’est pas le plus à l’aise devant les micros. Et quand la question des objectifs est posée, la réponse de JMA, lourde, assumée et solennelle, tombe : « Si l’OL ne gagne pas de titre ou s’il n’est pas européen en 1996, je partirai ».

Neuf mois plus tard il n’y aura ni titre, ni Europe, ni départ. L’OL ne passe qu’à deux tirs aux buts d’une coupe de la Ligue et garde son président. Jean-Michel Aulas revient sur sa promesse, fragilisant tout autant son entraîneur que son engagement avait pu le protéger. À ce moment-là, Stéphan ne le sait pas encore mais c’est lui qui devra, quelques mois plus tard, honorer le serment présidentiel.

 

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Raison n°3 – Le lendemain de l’exploit romain (octobre 1995)

En octobre 1995, l’OL réalise le plus bel exploit de son histoire européenne. Il bat deux fois la Lazio, monstre du Calcio, en 16e de finale de la coupe UEFA. Les unes des journaux titrent sur la joie des Florian Maurice, Ludovic Giuly et Jean-Christophe Devaux. Les articles évoquent le folklorique dialogue italo-corse entre Beppe Signori et Pascal Olmeta autour d’un penalty manqué par l’avant-centre laziale. Et sur les petits écrans, s’affiche, en gros plan, le sourire de Jean-Michel Aulas dans un Stadio Olimpico résonnant des chants du parcage lyonnais.

Le coach, lui, devra se contenter des lendemains qui déchantent et des critiques du tour suivant. Déjà empêtré dans le ventre mou du classement de la ligue 1 et trop souvent privé de son joueur-clé Franck Gava, l’OL ne fera pas long feu sur la scène européenne. Lyon est éliminé par Nottingham Forest en 8e de finale (0-0, 0-1), et Stéphan revient d’Angleterre en ayant perdu un peu de crédit.

 

Dans l'ombre de Jean-Michel Aulas et Pascal Olmeta après l'exploit

Dans l’ombre de Jean-Michel Aulas et Pascal Olmeta après l’exploit

 

Raison n°4 – La chenille messine (6 avril 1996)

Perdre une finale de coupe de la ligue est déjà un échec en soi. La perdre contre le FC Metz ajoute à cette défaite un sentiment teinté de honte. Mais subir la chenille messine après avoir été floué par le zèle arbitral inscrit encore plus cet épisode au rang des humiliations difficilement supportables.

Guy Stéphan, restera, à juste titre ou non, comme l’entraîneur d’un OL qui a laissé Cyrille Pouget et Robert Pirès déambuler à quatre pattes sur la pelouse du Parc des Princes. C’est ainsi que la chenille des PP flingueurs a presque scellé le sort du technicien lyonnais, six mois avant la Bérézina de l’Abbé-Deschamps.

 

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Raison n°5 – La Coupe du monde 1998

La désignation de la France comme pays hôte de la coupe du monde 1998 n’a pas eu pour unique conséquence d’élever Stéphane Guivarc’h et Christophe Dugarry au rang de champions du monde. Elle a aussi profondément défiguré Gerland. À partir de décembre 1995, les travaux altèrent considérablement l’ambiance du stade. Le virage Nord est fermé pour un an.

De plus, et en raison d’une obligation de mise en conformité, la tribune Jean Bouin n’accueille pas de public pendant plusieurs matchs entre septembre et octobre 1996. Ajoutez à cela un arrêté préfectoral interdisant les dangereux tambours et les violents drapeaux, et vous obtenez une enceinte distante et de moins en moins convaincue par le jeu et le devenir de son équipe. Et tout ça pour que Florian Maurice ne soit même pas champion du monde…

 

Raison n°6 – La convocation du lundi (16 septembre 1996)

Deux victoires, quatre matchs nuls et une défaite, tel est le bilan de l’Olympique Lyonnais au terme de la 7e journée de la saison 1996-1997. Dix points en sept matchs, c’est peu glorieux. Ni génial, ni totalement catastrophique. C’est donc suite à un 0-0 pas forcément si honteux contre le futur champion de France monégasque que le boss décide de convoquer l’entraîneur devant le comité de gestion du club. Quelques jours plus tard, Bernard Lacombe, témoin privilégié (et objectif ?) raconte :

« C’est vrai que ce soir-là, le président a été ferme avec Guy Stephan. Peut-être que le président a été un peu fort. Mais d’un autre côté, que s’est dit le président ? Il s’est dit : ‘‘On a raté la finale de la Coupe de la Ligue pour un cheveu, je viens de garder certains joueurs à l’exception d’Eric Roy, et on est dixième. On est parti pour faire la même saison que l’an dernier avec Cavéglia et Cocard en plus, je ne peux pas l’accepter.’’ Alors il a mis la pression sur l’entraîneur, c’est une chose. mais en fait, nous avons tous la pression. Le président est exigeant et on ne peut pas trop lui en vouloir. »

La pression n’a jamais été aussi forte. L’entraîneur est sur la sellette. Peut-il être sauvé ? Tout est réuni pour qu’il ne le soit pas. Restera à trouver un prétexte : Il suffira de savoir compter jusqu’à sept.

 

Raison n°7 : Fabrice Lepaul (25 octobre 1996).

Il est 21h46 ce vendredi 25 octobre 1996 quand Fabrice Lepaul s’élance pour tirer un coup-franc aux 20m de la cage d’Olmeta. Sa frappe contourne le mur sur sa droite et Auxerre crucifie, pour la septième fois de la soirée, une défense lyonnaise amorphe et démissionnaire.

L’ère Stéphan s’achève sur un cauchemar, des têtes basses et un parcage en colère. La direction feint de maintenir le suspense 48 heures mais les dés sont jetés : l’OL procède à l’extraction de Guy Stéphan du poste d’entraîneur et donne les clés de l’équipe au tandem Bernard Lacombe – José Broissart dans la confusion et l’incompréhension des supporters qui en veulent tout autant au staff qu’aux joueurs et aux dirigeants.

Guy Stéphan pouvait-il réussir à l’OL ? Sans oublier sa part de responsabilité dans des résultats variant de médiocres à moyens, il lui a été difficile de devenir tout à la fois le n°1, le successeur de Jean Tigana, le subordonné de JMA, de résister au traumatisme d’une finale perdu, de concurrencer les travaux de Gerland et bien sûr d’encaisser sept buts à Auxerre. Il partira donc dignement en laissant un dernier message et en tentant, en vain, d’oublier les sept buts qui ont eu raison de son histoire avec l’OL.

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phanou herko

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