Les grandes dates tactiques de la saison de football féminin (3/3)

Renard

FÉMININES. Avant le coup d’envoi de la Coupe du monde 2019 ce vendredi, on vous propose de revivre cette saison à travers 13 matchs. Qui ne concernent pas tous l’OL, même si ce troisième et dernier épisode évoquera le choc de D1 contre le PSG ou la finale de la Ligue des Champions contre le Barça.

La première partie est ici…

… et la deuxième est là !

13 Avril 2019 : OL 5 – 0 PSG

Triomphe de l’OL ou plantage tactique du PSG ?

Le match retour de championnat entre l’OL et le PSG avait tous les ingrédients pour être l’une des rencontres de la saison : les deux équipes, toujours en course pour le titre, s’étaient quittées sur un score nul à l’aller et le vainqueur de ce match s’adjugerait quasi définitivement la première place de D1 féminine. Pour autant, l’incertitude sur l’issue de cette « finale » est assez rapidement dissipée : les Fenottes ouvrent en effet le score au bout de huit minutes et infligent une correction aux Parisiennes avec cinq buts marqués au final.

S’il est vrai que l’OL a comme toujours développé son jeu sobrement et efficacement, il est difficile de ne pas souligner le rôle important du choix de composition d’Olivier Echouafni dans la déroute parisienne, avec la reconduction d’un 3-5-2 qui s’était révélé (malgré le résultat final) assez efficace lors du quart de finale retour de Ligue des Champions face à Chelsea.

La composition en 3-5-2 permet de balayer toute la largeur de terrain au milieu pour étirer la défense adverse et dominer les débats dans les couloirs, mais nécessite d’avoir la possession et des transitions parfaites sous peine de se prendre des contres cinglants. Face à un adversaire comme Chelsea qui privilégie les attaques sur les ailes au détriment de la bataille du milieu, cette formation devient idéale pour dominer les secteurs forts de l’adversaire et l’étouffer complètement. En revanche, le système perd tout intérêt au moment d’affronter une équipe comme l’OL, capable d’imposer une véritable domination au milieu du terrain et d’exploiter n’importe quel décalage dans le dos la défense.

De manière finalement assez prévisible, les Parisiennes ont subi les phases de possession sans pouvoir contourner le pressing haut de leurs adversaires, et n’ont finalement eu que très peu de situations d’attaque. Incapables d’organiser leur jeu de passes et leur repli défensif, le PSG a encaissé une défaite absolument logique, qui trahit finalement plus leurs propres carences qu’une supériorité éclatante de leurs adversaires du soir.

Le score, plutôt sévère en comparaison de l’écart de niveau entre des deux équipes, a plutôt révélé la différence de maturité tactique dans les oppositions importantes, entre une équipe expérimentée qui assume son style de jeu et met toute son intensité à étouffer et faire déjouer l’adversaire, et une équipe incapable de s’adapter tactiquement durant 90 minutes. La leçon fut rude, mais Paris tient désormais un axe de progression important s’il souhaite tenir tête à l’OL durant les prochaines saisons.

21 Avril 2019 : Bayern Munich 0 – 1 Barça

Un bon plan de jeu théorique, une mauvaise application sur le terrain

Si inspiré durant toute la saison, le Bayern Munich donne cette fois l’impression de bafouiller son football durant quasiment toute la rencontre. Pas de bol, ça tombe en demi-finale aller de Ligue des Champions, à domicile face au Barça. Si Thomas Wörle a réussi quelques séquences tactiques assez intéressantes durant cette saison (Wolfsburg, Prague…), en s’appuyant sur une bonne lecture de l’adversaire et une capacité à pouvoir adapter son système de jeu en fonction des problématiques rencontrées sur le terrain, il lui arrive cependant de se rater dans ses choix de composition, notamment lors de la troisième journée de Frauen Bundesliga où son équipe, beaucoup trop joueuse et manquant d’impact, fut largement battue 6-0 à Wolfsburg.

Pour autant, la situation semble différente sur cette demi-finale européenne : pour contrer Barcelone, une équipe qui aime jouer très haut dans son immuable 4-4-3, Wörle opte pour une option défensive avec une formation en 4-5-1, avec uniquement Jovana Damnjanovic devant. Une attaquante qui sait s’imposer physiquement et un choix qui se justifie, en tenant compte du fait que le profil de l’attaquante allait forcément induire une contrainte sur le style de jeu de son équipe : Lineth Beerensteyn aurait pu être utilisée pour sa vitesse de contre, Fridolina Rolfö pouvait également être considérée comme une alternative plus technique. Avec son bloc bas et sa joueuse offensive dont les qualités semblent parfaites pour sortir de la pression adverse, la tactique semble cohérente pour bloquer les Catalanes et réussir à être dangereux en contre après avoir sauté le milieu.

Sauf que durant la majorité du match, les Munichoises abusent des relances courtes, tombant directement dans le piège du pressing barcelonais sans pouvoir utiliser leur seul point d’ancrage dans la moitié de terrain adverse. Une incohérence grâce à laquelle les Barcelonaises installent tranquillement leur domination territoriale, sans s’inquiéter des possibilités de contre-attaque. Fort logiquement, le Barça ouvre le score sur une action amorcée par un dégagement mal assuré de Verena Scwheers directement dans les pieds de Marta Torrejon et remporte le match aller.

Rien ne dit que Munich aurait gagné avec une autre animation de jeu : le Barça aurait très bien pu s’adapter à son adversaire et utiliser d’autres armes pour l’emporter (comme ce fut le cas au match retour). Mais voir un effectif ne pas jouer à la hauteur de son potentiel est toujours frustrant, comme le fait de voir des joueuses se fatiguer à courir derrière la balle alors que le schéma tactique semblait taillé pour elles. Mais le tableau blanc et le rectangle vert sont deux choses différentes et le Bayern Munich, une des équipes qui aura amené le plus de variations tactiques au cours de cette saison et aurait elle aussi mérité de se retrouver à Budapest pour la finale, a payé pour l’apprendre.

28 Avril 2019 : Barça 1 – 0 Bayern Munich

« Clutch », illustrations en quatre milieux centrales

Après leur succès de l’aller, le Barça mènent de nouveau 1-0 depuis la fin de la première période grâce à un penalty de Mariona au retour. Condamnées à marquer deux fois, les Munichoises ont élevé leur niveau et l’intensité de jeu depuis le retour des vestiaires, si bien que la pression devient difficile à supporter pour le milieu barcelonais, à la limite de la rupture sur chaque attaque adverse. À 20 minutes du terme de la rencontre, l’arbitre Esther Staubli vient de laisser se terminer une nouvelle offensive du Bayern, puis retourne voir Kheira Hamraoui pour lui mettre un second carton jaune après un tacle complètement en retard sur Dominika Svorvankova. Une exclusion qui lui pendait au nez depuis une dizaine de minutes après quelques interventions limites, et qui la contraint à regarder ses coéquipières subir les assauts munichois et Sandra Paños multiplier les parades décisives pour conserver les deux buts d’avance.


L’exemple malheureux d’Hamraoui, brillante au match aller et exclue au retour au pire des moments, permet de mettre en lumière une caractéristique des milieux centrales tout aussi importante que leur capacité à savoir passer la balle, dribbler ou casser les attaques adverses : le maintien de leur niveau de jeu sous la pression adverse. De par leur situation sur le terrain, les milieux centrales deviennent l’élément-clé d’une équipe en détresse : leur position permet à la fois d’être facilement trouvées par toutes les joueuses sur les phases de relance, mais également d’intervenir rapidement de chaque côté du terrain si nécessaire. Dans ce genre de situation désespérée, elles permettent d’endiguer une partie de la pression adverse et de rééquilibrer un rapport de force défavorable.

On l’oublie souvent, mais un grand effectif se mesure aussi à la capacité de certaines de ses joueuses à se sublimer sous la pression pour remettre dans le droit chemin une équipe qui à tendance à vaciller. Une des grandes forces de l’OL est aussi de pouvoir compter sur ce type de joueuses dans les matches importants, où le moindre relâchement peut être très rapidement sanctionné : ce n’est finalement pas un hasard de retrouver Amandine Henry à l’initiative du but du 3-2 lors du match retour contre Wolfsburg, alors que l’OL venait d’encaisser deux buts en quelques minutes.


Une confrontation lors de laquelle la différence s’est peut-être faite sur la « clutchitude » (terme de basket défini comme la « notion correspondant au fait d’être décisif dans les moments importants d’un match, notamment dans les dernières minutes ou secondes quand le score est serré » par Trashtalk) des milieux centrales. Alors que l’OL pouvait compter sur une Henry décisive quand la situation le nécessitait, Wolfsburg était en effet plombé par un cadeau de Claudia Neto à Eugénie Le Sommer au tout début du match aller et une perte de balle de Sara Björk Gunnarsdottir à l’origine du but de 2-0 en faveur de l’OL au match retour.


Si la densité au milieu de terrain est très élevée dans le foot féminin, il y a cependant peu de joueuses capables de conserver leur niveau de jeu sous la pression. Avec notamment Jessica Fishlock et Amandine Henry, l’OL savait qu’il pourrait conserver une longueur d’avance sur toutes les autres équipes dans ce domaine. Un nouveau pari gagnant.

18 Mai 2019 : OL 4 – 1 Barça

Faut-il renier son football pour battre l’OL ?

Quatre buts en trente minutes et un nouveau grand match avec un suspense éventé. Après le choc de D1 contre le PSG, les Lyonnaises étouffent complètement le Barça, incapable de développer une seule action construite pour s’approcher des buts de Sarah Bouhaddi. Une domination sans ambiguïté, mais au final pas si surprenante compte tenu des styles de jeu des deux équipes.

Celui du Barça repose sur un 4-3-3 composé de trois milieux centrales, avec une milieu défensive (souvent Hamraoui) positionnée derrière deux joueuses plus créatrices (Vicky Losada et Alexia Putellas), chargées de transmettre rapidement le ballon aux trois offensives : Lieke Martens à gauche, Mariona à droite et Toni Duggan au centre. Afin d’accroître cette supériorité offensive, les latérales Leila Ouahabi et Marta Torrejon jouent également très haut sur le terrain afin d’apporter de la percussion et du surnombre sur les ailes. Au moment d’affronter l’Olympique Lyonnais, deux problèmes se posaient pour cette équipe : comment gérer la pression offensive lyonnaise et comment remplacer Kheira Hamraoui, la seule joueuse à vocation défensive du milieu de terrain espagnol.

La première ligne défensive lyonnaise ayant pour mission de presser rapidement et efficacement les milieux centrales adverses, on voit assez rapidement la problématique à laquelle l’équipe du Barça a été confrontée durant tout le match : en repositionnant Losada plus bas et en titularisant Aitana Bonmati en milieu à vocation offensive, les Espagnoles se privent de quatre joueuses pour défendre lorsqu’elles perdent la balle dans leur moitié de terrain. En renversant le point de vue, dès que les Lyonnaises sont en possession de la balle, elles se retrouvent généralement à devoir affronter deux milieux de terrain et quatre défenseures pour marquer. En considérant également la très grande facilité des joueuses de l’OL pour éliminer leurs adversaires en un contre un, on comprend pourquoi chaque action ou presque se transformait en occasion. Voire en but lors de la première demi-heure.


Cette situation reflète un problème assez récurrent du football féminin sur cette dernière décennie : la capacité à sortir du système de jeu classique et à proposer d’autres alternatives lorsque l’équipe se désagrège. La double confrontation contre Wolfsburg de cette année en est une illustration parfaite, avec un Stephan Lerch qui avait persisté à ne pas titulariser de milieu défensive contre l’OL (même s’il devait composer avec un effectif amoindri), malgré un avertissement quelques semaines plus tôt face à Munich. De la même manière, le Barça a persévéré dans son système classique durant la finale, alors que les buts s’enchaînaient pour l’Olympique Lyonnais.

Partant du postulat que l’OL a le meilleur milieu de la compétition, il paraît alors risqué de construire toute sa tactique sur une lutte pour la possession que les Lyonnaises ont très peu de chances de perdre. De manière similaire à l’équipe de Chelsea, qui s’était affranchie du problème en se concentrant uniquement sur les offensives dans les couloirs, il aurait ainsi pu être intéressant de voir Vicky Losada utiliser son excellent jeu long pour solliciter Martens ou Mariona, afin de remettre le bloc barcelonais en situation offensive, où il est plus à l’aise que replié sur ses buts. Les adversaires de l’OL devront en tout cas apprendre à trouver d’autres solutions plutôt que de jouer dans les secteurs forts d’une équipe rodée tactiquement et mentalement.

Julien Perrier

(Photo OL)

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