« Gourcuff, c’est Shyamalan »

Olympique Lyonnais

RANK’N’OL S02 – BILAN #1. Le cinéma est né à Lyon pour mieux aller voir ailleurs. Le foot lui a manqué d’en faire sa Capitale des Gaules. De ces deux passions, David Honnorat a retenu la première pour fonder et diriger Vodkaster. La seconde, pour l’OL, n’en reste pas moins présente et vibrante au moment de raconter Il était une fois Bron avec Benzema ou les entrées façon Raging Bull de Christophe Delmotte. Les premiers Rank n’ont qu’à bien se tenir.

 

Mercredi 28 août, l’OL vient à peine d’être sorti d’une nouvelle Ligue des Champions par la Real Sociedad qu’il faut se demander pourquoi on a voulu y croire cette fois encore, alors même que l’affaire était pliée. La faute aux souvenirs : « La plus belle mi-temps que j’ai vue à Gerland, c’est la seconde face au Barça en 2001 quand l’OL remonte deux buts. Un niveau d’excitation et de jeu que je n’ai plus jamais connu ensuite. C’est le match que j’aurais voulu qu’on réédite ce soir. » David Honnorat a fondé et dirige Vodkaster, « réseau social du cinéma » qui rassemble plus de 100 000 cinéphiles bien partis pour inventer la critique du futur. Analyses, théories et correspondances en tous genres s’y côtoient comme dans n’importe quel Rank. Ce qui faisait une première raison de lui demander de revenir sur les premières têtes de Rank de la saison. L’autre raison renvoie à son histoire de supporter lyonnais pour qui tout se joue un soir de match, son premier à Gerland : « C’était en 1999, contre Guingamp ou une équipe corse, je ne sais plus. Je me souviens du score, 1-0. Et d’en être revenu en me disant qu’avec ce club, ce serait pour toujours. »

 

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Le premier maillot que je me suis fait floquer, c’est celui de Luyindula. Je ne sais toujours pas pourquoi… (Rires) Peut-être par esprit de contradiction. J’y étais allé avec un pote qui voulait le maillot d’Anderson. À l’époque, j’ai dû me dire : « Pourquoi prendre la star ? » Toujours est-il que ce maillot a fini par créer un attachement particulier avec ce joueur. Et comme j’ai assez mal vécu son départ à Marseille, j’ai décidé de faire floquer mon deuxième maillot Juninho. Comme n’importe quel supporter lyonnais, je garde une vraie nostalgie pour lui. Dans Fever Pitch, Nick Hornby raconte qu’il peut se passer n’importe quoi dans ta vie – avec tes parents, tes amis, ta copine –, si tu es supporter, tu sais que ton équipe sera toujours là. J’ai beau partager cette foi inébranlable dans mon club, je sais aussi que rien ne sera plus pareil. Parce que Juninho ne reviendra jamais.

« Je sais aussi que rien ne sera plus pareil. Parce que Juninho ne reviendra jamais »

Qu’est-ce qui te manque le plus chez lui ?

Au-delà du personnage, il a réussi dans le foot et dans le sport quelque chose de complètement unique, qui n’existe nulle part ailleurs dans la vie, dans rien. Je me rappelle encore des commentateurs qui comparaient ses coups francs à penalty. Mais ça n’avait rien à voir ! En général, quand un pénalty est sifflé, l’exultation du but marqué est déjà présente. C’est bien pour ça que l’horreur du pénalty, c’est de le louper. Quand un coup franc était sifflé pour Juninho, l’exultation montait différemment. Parce qu’il y avait cette part d’imprévisible, d’impossible même quand il est à 40 mètres des buts face à Ajaccio ou sur le côté face au Barça. Ce sentiment ne pouvait exister nulle part ailleurs que chez les supporters lyonnais. Et on y a eu droit pendant près de dix ans.

Dans Intérieur Sport, il revenait sur la façon dont il préparait chacun de ses coups francs.

Ce moment avant qu’il tire relevait clairement de la mise en scène. Les réalisateurs le savaient : gros plans très longs sur son visage, sur son regard, sa concentration. Cette manière qu’il avait de baisser la tête en faisait un vrai moment à la Sergio Leone. Grenier peut bien mettre deux coups francs magnifiques en fin de saison dernière, je sais déjà que ce ne sera jamais pareil.

« Ce qui est beau avec Grenier, c’est qu’il sent la passe qui va faire le but »

Clément Grenier est premier du Rank’n’OL justement. On se pose encore la question de savoir si on tient un grand joueur.

Ce qui le rend intéressant, c’est que ses coups d’éclat arrivent par la passe. En général, on apprécie surtout les joueurs qui font la différence sur un dribble, une accélération. Ce qui est beau avec Grenier, c’est qu’il sent la passe qui va faire le but. Au point de lui attribuer pratiquement le but en question quand il envoie Lacazette marquer le premier face à Nice. Pour le moment, son début de saison est encore trop paradoxal pour pouvoir parler de grand joueur. Est-ce que ses passes fonctionnent surtout quand les défenses en face sont friables ? Est-ce que c’est lui qui est dans une mauvaise période ?

Pas très loin, il y a l’idée d’un nouveau retour de Gourcuff qui pourrait se dessiner.

Son bon début de saison est encore loin d’être suffisant pour effacer la déception. Ça ne m’empêche pas de continuer à l’aimer. Sa trajectoire me fait penser à celle de (Night) Shyamalan, un réalisateur qui me passionne. Pour la sortie de Signes en 2002, il a droit à une couverture de Newsweek avec le titre de « nouveau Spielberg ». À partir de là se construit autour de lui un mythe, celui du déclin permanent. Pour moi, Gourcuff, c’est un peu Shyamalan : un type trop génial pour qu’on puisse accepter l’incroyable désamour qu’il a fini par susciter. De la même manière que Shyamalan finira par sortir un chef-d’œuvre unanimement reconnu comme tel, je sais que Gourcuff reviendra comme le grand joueur qu’il est.

Et Anthony Lopes, tu le situes où ?

J’ai du mal à oublier que c’est un troisième gardien. D’accord, il a parfaitement assuré l’intérim en fin de saison dernière. Là, il est bon, mais sans jamais vraiment parvenir à être décisif non plus. On sait bien qu’il est toujours difficile de juger un gardien autrement que sur la longueur. Mais à la différence de Lloris qui passait son temps à compenser la terrible faiblesse de sa défense, Lopes donne encore trop l’impression qu’il est parti pour rester un gardien honnête.

« Le départ de Malbranque pour Fulham fait partie des premières grandes déceptions de ma vie de supporter »

Lacazette n’a jamais existé face à la Real Sociedad. Difficile pour autant d’être complètement déçu par son début de saison.

J’aime bien l’idée qu’il amène, assez lyonnaise d’ailleurs, du joueur qui sort de l’ombre pour se mettre à cartonner dès qu’on lui donne sa chance. Après, je ne peux pas m’empêcher de le considérer davantage en joker qu’en titulaire. D’accord, on sait maintenant que son vrai poste se situe à la pointe de l’attaque. À une limite près : impossible de compter sur lui pour balancer de longs ballons et attendre que le bloc remonte. C’est pas Gomis. Du coup, je me dis que si c’est vraiment notre n°9 pour le reste de la saison, ça risque d’être très dur et très long pour tout le monde.

Fofana, tu en attends quoi ?

Même si on n’a pas jamais existé ce soir, il a été le meilleur lyonnais à San Sebastian. Il ne fait jamais n’importe quoi. Même un Toulalan, que je trouvais bien plus efficace dans la récupération, avait par moments cette tendance à donner dans la relance bien plus bourrine. Là où Fofana m’intéresse également, c’est dans son entente avec Gourcuff et Grenier. Non seulement, il apporte beaucoup défensivement, mais on sent aussi qu’il peut faire une première différence quand il faut jouer plus vite.

Pour toi, il est acquis qu’il doit prendre la place de Malbranque ?

Faut pas rêver. À 34 ans, on ne peut plus se dire que Malbranque va faire trois saisons à la hauteur de ce qu’il a fait il y a un an. Je préfère encore le voir jouer une fois sur trois plutôt qu’à la ramasse sur tous les matchs. D’autant plus quand on se souvient de sa première période lyonnaise au début des années 2000. Son départ pour Fulham fait partie des premières grandes déceptions de ma vie de supporter. Je serai bien sûr le premier content s’il revenait à son meilleur niveau. Mais ça me paraît illusoire. Parce que son jeu repose trop sur le physique, sur l’impact et sur l’accélération. Parce qu’il est plus vieux, tout simplement.

Propos recueillis par Serge Rezza

Retrouvez le Rank’n’OL sur OL Dirty Bastards et le Libéro Lyon.

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