Gourcuff à l’OL : quatre ans d’échecs en chiffres et en images

FOOTBALL : Lyon vs Saint Etienne - Gourcuff - 30/03/2014

COMPTE DE FAITS. Quand on évoque Yoann Gourcuff et ses quatre saisons à l’Olympique Lyonnais, les mots qui reviennent le plus souvent sont blessures et gâchis. Pas question ici de chercher une énième fois les raisons de cet échec et les causes de cette malchance. Puisque le meilleur joueur de l’OL lui-même n’a jamais cherché à communiquer, ni pour donner sa vérité, ni même pour mentir, on se contentera de parler de chiffres et de faits. Et c’est suffisamment incroyable comme ça.

1. Gourcuff, 613 jours sur le flanc

Désormais, quand on dit Gourcuff, on pense blessure. Ou blessures. Mais au-delà du nombre – conséquent – de pépins physiques, c’est surtout les temps d’indisponibilité associés qui ont créé le mystère Gourcuff et exaspéré le staff lyonnais, qui n’a pas toujours compris les raisons qui ont parfois poussé le meneur de jeu dans la force de l’âge (il aura 28 ans en juillet) à refuser de jouer et pourquoi son temps de récupération était bien supérieur à la moyenne observée chez les autres joueurs.

La frise chronologique des blessures de Yoann Gourcuff à l’OL

Quand on regarde la liste des blessures, le premier constat est qu’il n’y en a aucune grave, de type fracture ou rupture des ligaments, qui sont les principales raisons des longues absences chez un footballeur. Non, chez Gourcuff, ce sont que des « petits bobos » qui, au fil des saisons, vont prendre de plus en plus de temps à se résorber. Le paroxysme a été atteint lors de la seconde partie de la saison écoulée. Alors qu’il fait un début d’année 2014 exceptionnel, l’international (31 sélections) sort le 26 janvier face à Évian à la 54e minute. Pas de blessure, indique le staff médical, mais une précaution car Gourcuff a les adducteurs qui sifflent après l’enchaînement de rencontres (14 matchs en deux mois, 13 titularisations). Jusqu’ici, rien d’anormal pour un joueur qui a joué avec parcimonie depuis un peu plus de deux ans. Sauf que le repos se prolonge, un peu trop au goût de Rémi Garde qui décide d’aligner son meneur de jeu face à Nantes le 9 février suivant (après que le Breton eut été laissé au repos pour deux matchs).

Petite torsion, grosses tensions

Le match à la Beaujoire ressemble à une farce. Gourcuff fait des étirements à chaque arrêt de jeu, grimace… pour finalement sortir à l’heure de jeu, prétextant que ses adducteurs lui font trop mal. Et là, personne ne va donner d’explications sur la gravité de son indisponibilité. Il va s’entraîner seul pendant plusieurs semaines, cinq au total, avant de revenir pour deux apparitions contre Monaco et à Guingamp, puis d’être aligné d’entrée pour affronter Saint-Étienne, le 30 mars. Victime d’un mauvais tacle dans le Derby, il souffre d’une entorse à la cheville. La faute à pas de chance, certes, mais la torsion ne paraît pas grave au point de nécessiter plus que quelques jours de repos. Elle sonnera pourtant le glas de sa saison, ou presque. Car après un petit quart d’heure contre Lorient, le milieu de l’OL se refait la cheville deux jours plus tard en promenant son chien… L’histoire paraît trop grosse pour être vraie mais le club – qui a probablement fait fuiter l’information – ne cherchera jamais à démentir. À ce stade, cela n’est de toute façon plus qu’un détail, et ce qui aurait pu être la meilleure saison de Yoann Gourcuff entre Rhône et Saône se termine une fois de plus en eau de boudin.

2. Le pourcentage de matchs joués

La conclusion du chapitre précédent se traduit sur le pourcentage de rencontres auxquelles a pris part Gourcuff. Hormis sa première saison avec Lyon, il a ensuite enchaîné trois exercices en jouant moins d’un match sur deux. Bien que, comme indiqué auparavant, il n’a connu au cours de ces exercices aucune blessure grave.

Si l’on se fit à la jauge de chacune des quatre saisons, il est légitime de se poser la question de la préparation physique à l’Olympique Lyonnais. En effet, l’exercice durant lequel Gourcuff a le plus joué est celui de son arrivée, en 2010-11. Il venait de participer à la Coupe du monde et avait raté le traditionnel stage dans les Alpes. Mais si la question de la préparation (et du préparateur même, puisque Robert Duverne remplace Alexandre Dellal à l’été 2011, qui lui-même avait succédé à Vincent Espié en septembre 2009) n’est pas à écarter, il serait réducteur de s’en contenter au moment d’évoquer les problèmes physiques de Gourcuff. En revanche, ce point peut être à l’origine du conflit larvé entre le joueur et le staff médical. Malheureusement, c’est un sujet sur lequel il est difficile de faire la lumière puisque Yoann Gourcuff ne s’exprime jamais. Or, il serait intéressant d’avoir son point de vue sur la question, ce qui ne serait pas son premier bras d’honneur à l’Institution.

3. Efficacité et influence de Gourcuff

Quand l’Olympique Lyonnais échoue en demi-finale de la Ligue des Champions face au Bayern en 2010, Bernard Lacombe aurait glissé à l’oreille de Jean-Michel Aulas que si l’OL voulait gagner cette compétition, il fallait recruter Yoann Gourcuff, censé être le leader technique qui faisait tant défaut depuis le départ de Juninho. Le Bordelais est alors recruté à prix d’or (22 millions + 4,5 à la revente) et doit rapidement, vu l’investissement, être le maître à jouer de cet OL. Mais après quatre saisons, quel est son bilan offensif en chiffres ?

Sur ces trois premières saisons, le bilan est plus que décevant. Avec dix buts et douze passes décisives en trois exercices, toutes compétitions confondues, l’implication directe de Gourcuff  sur l’ensemble des réalisations lyonnaises ne dépasse pas la barre des 10%. Seul son exercice 2013-14, dans ce domaine, laisse entrevoir de gros regrets. En effet, en ne jouant qu’un match sur deux, il a été impliqué sur 18% des buts de la saison, notamment grâce à un hiver en tout point remarquable. Mais on reste loin de Juninho qui, avec 100 buts et 117 passes décisives avec l’OL, a été impliqué dans plus de 40% des buts de l’OL entre 2001 et 2009. Ceci à titre de comparaison.

4. Quel OL avec et sans Gourcuff ?

C’est indéniablement la statistique la plus intéressante de cet exercice de style : l’OL est-il plus fort avec Gourcuff ? Les chiffres vont donner une réponse qui ne souffre d’aucune contestation. Au cours de ces quatre dernières saisons, l’Olympique Lyonnais a disputé, toutes compétitions confondues, 216 rencontres. Gourcuff a pris part à 109 d’entre elles (soit 50,46%). Le bilan comptable est le suivant : l’OL avec Gourcuff a gagné 55 rencontres, fait match nul à 22 reprises et s’est incliné 32 fois. Le même bilan sans son meneur de jeu est de 52 victoires, 31 nuls et 24 défaites.

Sans Gourcuff, l’équipe s’impose moins, mais s’incline également moins, peut être parce qu’elle pratique un jeu moins offensif et donc moins risqué. Mais au bout du compte, si on comptabilise la victoire à 3 points, le nul à 1 pour n’importe quelle rencontre, coupes comprises, le résultat est exceptionnel, car parfaitement neutre. Avec Gourcuff : 55 victoires x 3 points + 22 nuls x 1 point = 187 points Sans Gourcuff : 52 victoires x 3 points + 31 nuls x 1 point = 187 points Le bilan comptable de Gourcuff à l’OL sur ces quatre saisons est sans appel : qu’il joue ou qu’il ne joue pas, le résultat est le même. C’est-à-dire que l’OL peut se passer de son meneur international. Ou bien qu’il a appris à s’en passer.

Bilan : une forme d’attentat-suicide

Vu de l’extérieur, l’attitude de Yoann Gourcuff est pleine de contradictions : quand il est en pleine possession de ses moyens, il ne donne pas le sentiment de s’économiser ou de fuir les duels. Puis il y a le Mister Hyde, celui vu à Nantes, qui préfère montrer son mécontentement au staff plutôt que se battre pour ses coéquipiers et l’intérêt de son club, quand bien même celui-ci le rétribue largement au-dessus ce qu’il apporte. Cette attitude, il va la conserver jusqu’à la fin de saison 2013-14, avec ses éternels états d’âme et cette phrase comme un gimmick tragi-comique : « Il ne se sent pas prêt. » Et généralement les points de suspension qui vont avec…

Rémi Garde, sur la fin du dernier exercice, a clairement tiré un trait sur son joueur, ne l’alignant pas dans son groupe quand il était opérationnel au motif qu’il raisonnait à titre individuel et n’avait pas suffisamment de conscience de groupe. Mais au-delà du conflit sur la préparation et/ou les exigences du staff envers le joueur et vice versa, il y a une autre contradiction dans l’attitude de Gourcuff : s’il ne résonnait qu’à titre individuel, pourquoi saborder ses chances d’aller à la Coupe du monde ?

Nasri out et Grenier convalescent, il avait une vraie carte à jouer. Si les tensions entre Ribéry et lui ne justifiaient pas de s’encombrer du numéro 8 lyonnais pour le laisser sur le banc au Brésil, Didier Deschamps n’aura pas pu se passer du Gourcuff de l’hiver. Mais en restant de son propre gré à l’infirmerie ou en tribunes les soirs de match, il s’est lui-même coupé l’herbe sous les crampons. Et quel joueur professionnel peut se permettre de ne pas tout faire pour vivre une Coupe du monde au pays du football ? Personne n’a la réponse à cette question. Mais sur le cas Yoann Gourcuff, ce n’est pas la seule qui reste en suspens.

Alex Bourouf

Timeline et infographies Aurélien Carpentier


(Photo Frédéric Chambert – Panoramic)

Lire également : Le vrai bilan de Gourcuff (Le Parisien, 16 avril 2014)

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