Le football d’abord

lequipe genesio

HUMEUR. La quasi unanimité médiatique au moment de saluer le bilan de Bruno Genesio était déjà considérée comme un affront pour certains supporters, beaucoup plus critiques à l’égard de l’entraîneur de l’OL. L’article de l’Equipe du 21 mai a intensifié la défiance entre les deux camps : les Genesio-sceptiques y sont non directement évoqués, et surtout moqués. En tout cas, c’est ainsi qu’ils l’ont pris.

L’article de l’Équipe au sujet de l’Olympique Lyonnais a eu le mérite de me donner envie d’écouter du Brassens. L’air des Copains d’abord, chanson entraînante que l’on jette au feu pour embraser le dernier soir d’une colonie de vacances. Le sentiment se respecte, il en devient même touchant quand il transpire de quelques lignes. Oui, j’ai eu la sensation de vivre un moment rare. Au détour de ces phrases, il y avait la passion d’un Shakespeare, cette manière de nous dire : « Oui, je l’aime. Et alors ? »  Qui suis-je pour juger cette relation ? Si mon meilleur ami qui bosse dans la grande distribution s’était retrouvé, par un concours de circonstances, sur le banc de l’OL, je l’aurais sûrement défendu dans pareille situation.

Je viens en paix : non, Bruno Genesio n’est pas un imposteur

Les émotions et l’amour mis de côté, reconnaissons qu’il y a une forme d’abus dans l’argumentaire des deux camps. Non, Bruno Genesio n’est pas un imposteur et il faut lui reconnaître certaines bonnes réalisations, même si le curseur de son influence est toujours difficile à placer tant le résultat d’un match baigne dans une eau d’incertitude. Oui, l’OL a connu de nombreux changements lors du dernier mercato et construire une équipe autour d’un milieu jeune pouvait sembler risqué. Oui, cette saison, son équipe atteint une moyenne de points et un nombre de buts historique. Oui, sa gestion de l’effectif a parfois été bonne, notamment sur le cas Memphis, qu’il a su mettre sur le banc au bon moment et replacer dans l’axe en reprenant une bonne idée de Ronald Koeman. Oui, une demi-finale de Ligue Europa après avoir éliminé la Roma et Besiktas reste une performance qui se respecte. Oui, certaines réactions sur les réseaux sociaux sont abusives et ne devraient jamais dépasser le cadre sportif.

« Six lettres : record. – Pas mieux »

Mais si le football était simplement un sport de lectures de parcours et de statistiques, Bertrand Renard aurait été débauché des Chiffres et des lettres pour entraîner en Ligue 1. La structure du championnat a changé ces derniers mois et les 19 points qui séparent le quatrième du cinquième devraient amener à une réflexion plus large. Si Lyon bat des records de buts marqués, c’est le cas de la Ligue 1 dans sa globalité (1.033 buts). Il faut également remonter à 1972/73 pour voir autant de joueurs au-dessus des quinze buts marqués sur une saison dans l’élite. Rarement le top 4 n’avait été aussi fort et rarement le reste du championnat n’avait été aussi homogène. On peut également ajouter que des clubs censés chatouiller ce top 4 comme Bordeaux, l’ASSE ou encore Nice, ont tous connu un creux d’une demi-saison, minés par des changements de coachs, de direction ou par un début de championnat catastrophique. Alors, s’arrête-t-on à cette simple lecture de records en attendant l’arrivée de la Ligue des champions la main dans le slip ?

Les jeunes mériteraient leur maîtrise

L’argument de la jeunesse peut s’entendre également mais se voit rapidement balayé par la qualité des joueurs et leurs prestations dans des contextes aussi tendus qu’à Saint-Étienne et Marseille. Les prestations du duo Houssem Aouar/Tanguy Ndombélé, accompagnés de « faux jeunes » comme Fekir ou Tousart et de tauliers tels que Lopes, Rafael, Marcelo ou encore Morel sont suffisantes pour atteindre aisément le podium d’un championnat en transition et passer des tours face à Caen, Montpellier et le CSKA Moscou. Il ne s’agit pas de les voir plus gros qu’ils ne sont, simplement de dire qu’ils sont assez bons pour répondre aux exigences de ce niveau. Comment en vouloir aux quelques sautes de concentration et problèmes d’implication quand la base du projet sportif assumé est de compter sur les exploits individuels ? N’est-ce pas le rôle d’un coach de proposer un jeu plus varié, avec plus de maîtrise afin de réduire la part d’aléas (38 points perdus après avoir mené au score sur les deux dernières saisons) et ainsi la marge avec l’élite européenne ?

Et surtout la santé

On parle de fatigue physique, elle existe, même si le taux de blessures à l’Olympique Lyonnais n’a jamais été aussi bas au XXIe siècle, preuve d’un travail exceptionnel sur ce point. N’est-elle pas également mentale ? N’est-ce pas trop demander aux joueurs de forcer la décision dans une organisation souvent coupée en trois ? S’imposer des séries de victoires impressionnantes comme celles de décembre et de mai semble être le seul moyen de tenir cette équipe la tête hors de l’eau. En janvier 2018, Bruno Genesio avait un objectif : « Je veux que l’on s’améliore sur attaque placée. » Il va falloir faire vite, nous sommes le 21 mai.

Excusez-moi, il y a mépris(e)

« L’influence des réseaux sociaux, dont une frange estime, pour résumer, qu’Unai Emery est un entraîneur génial et que Bruno Genesio est un imposteur, pèse sur les plus jeunes supporters. » J’ai un alibi, j’étais devant ma télé et je peux le prouver. Oui, la parole d’un média n’est pas forcément parole d’évangile et, sur les réseaux sociaux, au milieu de la violence verbale condamnable, certains peuvent développer un argumentaire plus poussé que les seules lyrics de George Brassens. Ils sont moqués. Chercher à discréditer la parole de groupes de supporters en les accusant de se laisser manipuler par les réseaux sociaux est une insulte à leur capacité de réflexion, aussi minable qu’une crotte de nez lancée à Unai Emery. Car oui, il est un meilleur coach que Bruno Genesio. Ce n’est pas grave, nous allons nous en remettre.

Le fond de l’histoire est simple : je ne souhaite pas le départ de Bruno Genesio, je voudrais, modestement, un coach plus expérimenté, avec des principes de jeu plus forts pour aborder la plus grande compétition de clubs. S’il reste, je lui souhaiterais bonne chance. Mais s’il part, j’aimerais lui dire « bon vent » avec la voix de George Pernoud, dans le plus grand des respects.

Sofiane

(Photo Damien LG)

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