Lille – OL : pas le Bako qu’on connaît

RANK’N’OL #S02E43. Chaque équipe comporte sa part d’ombres. Que ces mêmes ombres aient droit aux faveurs du Rank et l’on peut affirmer que le match ne s’est pas déroulé là où on l’attendait. Ou alors que le coup monté par le LOSC a suffisamment bien fonctionné pour faire déjouer les principaux animateurs du losange et contraindre l’OL au nul (0-0). Le spectacle aurait pu en souffrir s’il n’y avait ce Général, cas barré suffisamment burlesque pour s’imposer en chef de Rank alternatif.

Pas si mal que ça la saison 3 de Bako. (Photo Panoramic – Gwendoline Le Goff)

Dimanche 23 février 2014, 26e journée de Ligue 1

Lilles OSC – Olympique Lyonnais 0-0

OL : A. Lopes – Miguel Lopes,  B. Koné, Umtiti, Bedimo – Ferri, Gonalons (Tolisso, 85e), Fofana – Grenier – Lacazette, Gomis (avert., 39e). Entr. : Rémi Garde.

Le mode d’emploi : Let’s Rank’n’OL !

1. Bakary Koné

Depuis le début de l’ère Garde, l’OL est mobilisé par deux chantiers : son stade et sa défense. Que le club se soit mis à communiquer exclusivement sur le premier ne relève en rien du hasard. A mesure que le stade sort de terre à Décines, la défense n’en finit pas de faire pousser la crispation les soirs de match, surtout si Koné rôde dans les parages. Ce n’est pas que le Général soit mauvais. C’est juste qu’il ne possède pas cette qualité qu’on attend de tout défenseur : savoir se montrer rassurant. Comme s’il avait repris à son compte cette règle qui vaut pour Grenier et son jeu, où l’on n’est jamais aussi décisif qu’en pratiquant le jeu à risques. Edmilson s’y est bien essayé avant lui, mais la prise de risque se faisait surtout sur des relances, avec coups du foulard ou succession de dribbles à même la surface. Avec Bako, c’est précisément le geste défensif qui fait monter le palpitant, que ce soit sur un premier tacle décisif (38e) ou sur une récupération pleine surface et jambe trop tendue après une relance foirée (69e). Contre toute attente, ça passe. Au point de ne pas avoir à marquer sur cette reprise du bout du pied (71e) pour se racheter de ses fautes. L’esprit Bad Lieutenant n’en est pas encore à hanter la saison 3 de Bako.

2. Anthony Lopes

À l’échelle de la Ligue 1, on n’a repéré que deux façons d’apparaître comme un bon gardien. La première, en passant sa vie à multiplier les miracles derrière une défense qui coule. Ce genre d’emploi du temps concerne surtout les gardiens qui vivent au fond du classement. Lloris en a fait sa méthode Assimil lors de ses années niçoises. De l’autre côté du gué, on trouve les gardiens à qui on demande de tenir la baraque sur deux-trois exploits, jamais plus. Si l’on se souvient bien, c’est ce qui fait la marque des grands de ce monde. Avec son double sauvetage décisif (57e), d’abord façon Omeyer d’entre tous sur un tir d’Origi, puis sur une fu-manchette qui enlève à Roux un centre envoyé par Kalou, le rookie appartiendrait plutôt à la seconde catégorie. A ce titre, il peut bien apparaître comme le grand gardien annoncé à chaque nouvelle étape de sa promotion. Avant de se rappeler qu’avec une défense suffisamment limite pour le ramener sous le feu permanent, il faudra un jour penser à redevenir un de ces types mi-Audard, mi-Penneteau qui n’ont jamais su sauver que leur place de titulaire dans un effectif aussi limités qu’eux.

3. Jordan Ferri

Jeudi soir, le nul ramené d’Odessa donnait raison à Rémi Garde. Trois jours plus tard, un même nul à Lille pourrait prendre l’allure d’un coup d’arrêt. En vrai, c’est moins le choix du système tantôt défensif ou offensif que l’on situe dans la ligne de mire que la gestion de l’effectif qui a été mise en avant par le coach lyonnais. Dans un mois de février particulièrement exigeant pour les organismes, ce sont les joueurs les moins exposés cette semaine qui ont le plus morflé à Lille. La raison a autant à voir avec le dispositif monté par Girard (voir plus bas) qu’avec cette règle ramenée des années de domination : les joueurs n’aiment rien tant qu’enchaîner les matchs. Pour s’en convaincre, on appréciera la prestation de Ferri au milieu, là où le jeu lyonnais a manqué de s’écrouler à mesure que Gonalons s’enfonçait dans les relances au hasard et que Fofana peinait à se défaire d’un traitement très personnel de son cas, ce dont il n’avait jusque-là pas forcément l’habitude. Rendu le plus libre de la bande, encore fallait-il que Ferri y mette ce qu’il faut d’énergie et de rythme pour rééquilibrer les débats. De quoi relativiser le temps d’un match l’importance que l’on a fini par accorder au onze type dégagé par Garde depuis janvier. Et se remettre à privilégier cette autre vertu cardinale du foot, celle des joueurs en forme. Où le bel enchaînement du jeune milieu lyonnais nous rappelle qu’on a encore le droit certains soirs de préférer les cheap types à l’équipe type.

4. Samuel Umtiti

Le suspense autour du choix de sélection pour Umtiti en arrive à hanter chacune de ses interventions. Alors, le Fossoyeur de Ménival a-t-il la marge suffisante pour incarner lui aussi le futur de la défense des Bleus ? Si c’est pour juin prochain, pas la peine d’être Deschamps pour savoir que la réponse est non. Au-delà, on ne sait pas. Quand bien même la liste des types censés lui passer devant s’allonge de jour en jour. Or, pour un Varane qu’on sent intouchable, pas sûr que Koscielny, Sakho, Laporte ou Zouma soient suffisamment au-dessus pour verrouiller l’accès à la sélection au cours des dix prochaines années. D’autant qu’une défense centrale reste aussi une affaire de complémentarité. S’il manque certainement à Sam la relance de Koscielny, l’engagement de Sakho ou les qualités athlétiques de Zouma, il n’en garde pas moins ce feeling et, surtout, cette assurance qui lui vaut de faire passer une main dans la surface pour une bousculade malvenue de son adversaire (29e). On peut toujours encourager Umititi à faire le choix d’une Coupe du Monde au Brésil avec les Lions Indomptables au nom d’un retard qu’il ne pourrait combler sur la concurrence. Ou d’une avance telle qu’elle fait dire que sa marge de progression serait moindre. C’est précisément ce qu’on ne voudrait pas avoir à regretter un jour.

5. Miguel Lopes

Certains esthètes autoproclamés pourront toujours reprocher à René Girard de ne pas aimer l’idée qu’ils se font du football. Comme un match ne s’est jamais gagné sur ce genre de critère, on peut se permettre de les abandonner à leurs fantasmes de beau jeu qui viendrait triompher d’un autre prétendu laid. A l’inverse, on ne les laissera jamais dire que le technicien lillois n’y connaît rien en foot. On en tient pour preuve cette tenaille qui a étouffé les animateurs en chef du losange lyonnais : Bedimo latté, Gonalons pressé, Grenier étouffé, Fofana serré, Lacazette fliqué. Même le Rank finit par le dire, claquant la porte au nez des habitués du classement pour laisser la place au freak show. Que Miguel Lopes pointe le bout de sa mèche et l’on comprend alors que c’est Bedimo qui est en train de ramasser de l’autre côté. Dès lors, la réussite ne dépend plus seulement d’un homme et du système qui le rend fort – au hasard, de Bedimo et du losange. Elle appartient aussi à ceux qui le défont. À ce jeu, Girard savait que Miguel Lopes reste encore le meilleur.

Par Serge Rezza

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