Lacazette, le Loco de l’étape

Olympique Lyonnais

RANK’N’OL #S03E15Pour battre un OM parfois plus fort (1-0), les Lyonnais s’en sont remis à leur colonne, sans doute le plus excitante du moment en Ligue 1. Emmené par un mec du coin au sommet de son art et par trois camarades qu’on aimerait dire de classe s’il n’y avait celle du dernier qu’on a longtemps donné pour perdu, le Rank a peut-être bien créé un monstre au moment où l’OL est en passe de devenir plus cool que lui.

 

Le match : Résiste, prouve que tu existes

 

Olympique Lyonnais

Le mode d’emploi : Let’s Rank’n’OL !

 

Olympique Lyonnais1. Alexandre Lacazette

On n’en aurait pas voulu à Bielsa de poursuivre sa drôle de série avec l’OM à Gerland. Pour ces vingt minutes en début de seconde période où il faut aux Lyonnais trois miracles pour sauver le 0-0. Pour ce penalty oublié sur Thauvin (77e) qui aurait pu ramener les Marseillais à hauteur. Et, par-dessus tout, pour ce que le coach argentin incarne. Pas ce titre de « meilleur entraîneur du monde » que Guardiola aurait soufflé un jour, mais bien cette idée qu’on se fait du grand roman sud-américain et des personnages qui le peuplent. Tout y est : l’âme qui se met à errer au nom d’une quête qui nous échappe, les limites entre fiction et réalité brouillées, le lien fantasmé entre l’Europe et l’Amérique latine. On veut bien croire Fournier quand il balance avant match que « Bielsa n’a rien inventé ». Ce qui nous intéresse, c’est de voir comment le football conçu comme le jeu le plus rationnel du monde dans la tête d’un homme en arrive à être rattrapé par le merveilleux. L’OL n’aurait jamais dû résister au dispositif marseillais. La preuve, deux des Lyonnais les plus souvent cités dans le retour de flamme des dernières semaines, Jallet et Fekir, sont en train de s’y perdre. Lacazette aurait dû en passer par là lui aussi. Avant de comprendre qu’il fallait imaginer bien plus qu’une ligne de trois pour en venir à bout. Quelque chose qui aurait à voir non plus avec les espaces que la défense marseillaise s’emploie à réduire, mais bien avec ceux infinis que le Kid de Mermoz parvient à révéler. À coups de contrôles enragés dos à l’adversaire, d’accélérations qui suivent, de passage au carton qui secouent jusque dans les airs, Lacaz’ réduit chaque fois un peu plus la distance qui le sépare de ces attaquants sud-américains qu’il s’est pris pour modèles (Suarez, Agüero, Lisandro). Après vingt minutes, il oblige Romao à y laisser une partie de son engagement (carton jaune). Au bout d’une heure, sa passe offre cent ans de solitude à Gourcuff pour envoyer son chef-d’œuvre sous la barre. Le football n’est toujours pas réductible aux seules idées de Bielsa, pas plus que la pampa ne l’est à sa ligne d’horizon. C’est ce que racontait le vieux Borges à ses visiteurs : « Le sentiment d’infini ne se trouve pas dans la dans la vision de la pampa, mais dans l’imagination, dans le souvenir des journées de marche et dans l’attente de toutes celles à venir. » Dimanche soir, l’espace infini se trouvait aussi dans la grinta de Lacazette. Le grand roman de Bielsa peut maintenant continuer.

Olympique Lyonnais2. Anthony Lopes

Toute la semaine précédant le sommet des Olympiques, deux questions ont agité les têtes lyonnaises. La première était de savoir à quel degré d’intensité ce collectif qui vient à peine de se former saurait se hisser. C’est qu’il va falloir y aller au niveau de la Ligue des Champions. La seconde avait à voir avec la gestion des temps faibles. En dépit du plein panier envoyé face à Montpellier, on a encore en tête cette première moitié de seconde période où la maîtrise des événements est loin d’avoir gagné tous les étages. En guise de réponse, on pourrait bien citer ce pressing haut mené dès l’entame qui éteint la mécanique marseillaise. Avant de comprendre que la différence se fera ailleurs, quand l’OM se remet à presser jusqu’à l’étouffement et qu’il faut trouver des issues de secours pour à nouveau respirer. C’est précisément dans ces vingt premières minutes de la seconde mi-temps qu’Anthony Lopes a apporté toutes les réponses. En détournant son premier duel face à Gignac (53e). En comptant sur la chance qui envoie un tir de Mendy sur le poteau (55e) ou une tête d’Ayew hors cadre (66e). En claquant ce qui ressemble à l’arrêt de l’année sur une reprise de l’attaquant ghanéen (61e) et qui oblige à invoquer tout à la fois : réflexe, hasard, génie. En fin de partie, Lopes parlera de cette compagne de fortune des gardiens, la « baraka ». L’international portugais a bon cœur. Quand Gourcuff parvient à faire la différence en marquant, lui l’a déjà faite cinq fois depuis son premier arrêt (25e). Les grands matchs ne servent jamais qu’à ça. À rappeler de loin en loin qu’ils comptent finalement moins pour les réponses qu’on pensait y trouver que pour ceux qui les apportent. Lopes passait jusque-là pour un type qui savait faire quelques différences. Il semble parti pour devenir un autre genre de gardien. Différent.

Olympique Lyonnais3. Maxime Gonalons

On se souvient encore des deux corps du roi Djila. Le premier qui traçait les limites de son domaine en long, en large et au milieu. Le second pour y régner seul une fois passée l’heure de jeu. On a longtemps cru que Gonalons se chargerait de reprendre cet héritage, rapport à cet impact que le capitaine lyonnais est capable de mettre lui aussi. Jusqu’à ce que le work in progress en défense et l’apprentissage du losange finissent par avoir raison de ces prétentions. La dualité n’en reste pas moins à l’ordre du jour. Car il y a bien deux saisons du côté de chez Max. Celle qui le voit se fondre en troisième défenseur, genre de libéro à peine avancé qui contribue au renouveau défensif et laisse à la paire Tolisso-Ferri le soin de passer entre les lignes. Et cette autre où il redevient Washing Maxime, ce joueur qui bouscule (à la récup’) et qui bascule (à la relance). Une première période pour jouer les harceleurs en chef, une seconde pour se remettre à construire là où il n’est plus possible de procéder par contre, et le voilà qui incarne cette idée qu’on peut se faire du meneur très reculé. Comme face à Paris, Gonalons y paraît suffisamment à l’aise pour sortir de l’ombre et retrouver sa place dans le Rank. C’est que ces deux matchs ont une saveur à nulle autre pareille nous dit-il. Et elle lui manque: « On veut retrouver la Coupe d’Europe. » Histoire de s’épanouir plus souvent dans ce rôle qu’on refile aux garçons sans imagination, ceux qui doivent regarder derrière avant de penser à repartir vers l’avant. L’arrière-garde de l’avant-garde.

Olympique Lyonnais4. Yoann Gourcuff

Acclamé. Comme jamais. Comme s’il était l’un des leurs. Tout le monde a beau savoir que ce n’est pas le cas et que ça ne le sera vraisemblablement jamais, personne ne s’est retenu d’applaudir quand Yoann Gourcuff a été remplacé par Steed Malbranque (85e). Le n°8 se traîne toujours une bonne tête de résultat net en déficit, ça n’empêchera jamais de faire passer l’angoisse du lendemain pour avoir droit au frisson tant attendu. Pas besoin d’être un romantix pour penser ainsi. Il suffit juste d’aimer le foot. Quand Yo plante Imbula à la course, au contrôle, au crochet et lui montre comment on peut rendre une frappe splendide en allumant un gardien à huit mètres (65e), ça ne rembourse sans doute pas grand-chose, mais ça pardonne beaucoup. Cet enchaînement exécuté à merveille ne doit pas faire oublier non plus l’autre performance du meneur de l’OL et qui a à voir avec son gros volume. Car si le jeu ne vient pas à Gourcuff, Gourcuff sait aussi y faire pour venir au jeu. On ne poussera pas le snobisme jusqu’à dire que le Rank a préféré ce flair et cette mobilité à l’éclat de son but. Mais les choses ont un ordre qui ne mérite pas d’être passé sous silence : les soirs où Gourcuff est génial sont généralement ceux où il est disponible.

Olympique Lyonnais5. Samuel Umtiti

Et si le coup de génie avec Umtiti, c’était de le cacher ? Pas aux yeux du Rank où l’on sait que le Barça jouerait en 1-3-3-3, lui derrière et tous devant, si les responsables du recrutement catalan y connaissaient encore quelque chose au ballon. Quand on s’est entendu dire un jour que Bako Koné et Samuel Umtiti, c’était kif-kif, on a d’abord pensé à mettre de la mort aux rats dans le pot de Côtes des impudents, avant de se dire qu’on ferait mieux de mettre un peu d’eau dans le nôtre. Depuis, on mesure chaque jour un peu plus ce plaisir coupable qui permet de profiter de l’un et de mépriser les autres dans un même élan, un peu à la façon de ces interceptions-relances qu’Umtiti sait envoyer sur un pas. Point de gourmandise de ce genre contre Marseille. La présence de Gignac dans sa zone exigeait de s’abonner au sens du combat, ce qui a largement contribué à faire disparaître la terreur des surfaces de L1 une fois les premiers duels remportés par le Fossoyeur de Ménival – à la course, à l’épaule puis au mental. On sait que ces performances tiennent en général à trois fois rien. Un retard à l’allumage qui oblige Bedimo à prendre sa place au sauvetage (44ème), un coup de sifflet qui oublie cette intervention pue-l’embrouille sur Thauvin (77ème), un club de Premier League qui ne daigne pas lâcher 8 millions quand d’autres en arrivent à craquer pour goûter au hors-jeu de Gomis. Autant de signes qui justifient d’avoir fait le choix de la classe en premier plutôt que celui du premier de la classe.

Par Pierre Prugneau et Serge Rezza

Retrouvez le Rank’n’OL sur OL Dirty Bastards et le Libéro Lyon.

(Photo Nolwenn Le Gouic – FEP / Panoramic)

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