Fekir, le talon paye toujours

Olympique Lyonnais

RANK’N’OL #S03E33. Quand les Lyonnais bafouillent leur football, ils peuvent toujours s’en remettre à ce qu’ils ont de plus : le talent. À Gerland, Nantes n’y a cette fois pas résisté (1-0). Et si l’OL est la source d’inspiration du Rank, l’inverse est parfois vrai : une production laborieuse passe toujours mieux avec deux-trois moments de grâce.

 

Le match : Habile, Fekir

 

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Le mode d’emploi : Let’s Rank’n’OL !

 

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1. Nabil Fekir

À mesure qu’il se laisse embarquer dans des duels qu’il perd à l’impact, on en viendrait presque à se demander si Fekir n’est pas en train de s’enfermer dans son jeu de provocations et de prises de risque. Au point d’entraîner toute le reste de l’équipe avec lui. Et si Nabilon en faisait trop ? On veut bien. À condition de voir qu’on ne lui a jamais demandé autre chose. Le retour de Lacazette ne change rien à l’affaire, Fekir est bien celui par lequel les décisions doivent se faire. Pas seulement pour cette facilité technique qui lui permet d’envoyer un coup du sombrero ou de manquer d’une arrête la lucarne sur coup franc (40e). S’il en est là, c’est parce qu’il sait échapper comme personne à la pression qui l’entoure. Celle du but qui se dérobe sur un centre de Dabo (5e). Celle de la défense nantaise qui ne permet pour toute respiration qu’une frappe aux vingt mètres (15e). Celle de cette première place qui impose de jouer certes en leader, mais toujours sous la menace. On dit des plus grands qu’ils jouent comme si cette pression n’existait plus, selon qu’ils l’ont apprivoisée ou qu’ils en ont fait une question d’habitude. Fekir n’en est pas encore là. Raison de plus pour jouer avec. Si bien qu’on en perd tous ses repères lorsqu’il provoque le but (67e). La loi du talon imposerait qu’on y voit un coup de génie. Sauf qu’il est pas mal question de chance. Qu’importe quand on sait la provoquer. Les débordements pour Njie (89e et 90e+1) et le pénalty récolté ne disent rien d’autre. Pour Fekir, la pression n’existe déjà plus que dans le regard des autres.

Olympique Lyonnais2. Alexandre Lacazette

Son absence a pu justifier les trois dernières semaines lyonnaises – les nuls à la chaîne, l’attaque en rade, la défense qui sauve la tête. À en oublier que l’OL est parvenu à maintenir sa place en tête du championnat au terme d’un des passages les plus délicats de la saison (Monaco et Paris). Rien n’y fait. Toute la semaine, l’attente a eu le temps de devenir aussi démesurée que la place prise par l’attaquant. Des midinettes en transe pour une signature dans un OL Store aux comparaisons qui enflent toujours plus – « au niveau de Benzema », « en route pour le Ballon d’Or » –, on en lâcherait presque le Kid pour lui envoyer du King de Mermoz. Il y a donc l’OL qui a su conserver sa place de leader. Il y a surtout Lacazette pour l’incarner. Encore faut-il que ça se voie sur le terrain. Difficile tant il manque encore ce rythme, ces enchaînements, cette intensité qui semblaient emporter toutes les décisions, y compris celles un peu foireuses des défenses adverses (face à Lens ou à Metz). Son accélération du rond central et le tir non cadré qui suit (22e) viennent rappeler qu’il faut en passer par la reprise pour avoir le droit de revenir à la providence. Quand on manque d’à peu près tout, jusqu’au collectif, mieux vaut alors s’en remettre à ce qui reste. À commencer par cette détermination qui peut se transmettre aux autres. Elle prendra la forme d’une talonnade pour Fekir qui enverra la sienne avec ce même registre d’engagement. La rage qui s’exprime sur la célébration raconte cet autre retour qu’on avait fini par oublier à force de stats, de comparaisons et d’attente. Celui de Lisandro qu’on a d’abord rêvé en apprenant qu’il venait d’être libéré. Avant de comprendre que son esprit a choisi d’être transféré chez Lacazette.

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3. Anthony Lopes

Quiconque a passé une bonne partie des années 2000 dans les travées de Gerland se souvient de la sérénité partagée à 40.000 quand un ballon arrivait dans la surface de Grégory Coupet par les airs. Le ballon avait à peine quitté le pied de l’ailier adverse que chacun pouvait se retourner pour causer à son voisin ou se pencher pour allumer son mégot. Contre Nantes, Anthony Lopes a réussi son match sans réaliser un seul arrêt. Et si personne n’en est encore à détourner le regard par excès de tranquillité, le Portugone a, une fois encore, rassuré tout son monde en fin de match, quand les Nantais tentaient d’arroser la boîte. Aucune chance qu’il n’obtienne le même palmarès que son aîné. Mais si l’OL devait conquérir le titre cette année, il lui devra beaucoup. Lopes ne sera pas encore l’égal de Coupet, mais il aura le droit de le regarder. Les yeux dans les cieux.

Olympique Lyonnais4. Samuel Umtiti

Hubert Fournier, qui s’y connait un peu aux choses de la défense, avait décidé de casser la sienne pour relancer Bako Koné aux dépens de Lindsay Rose. L’ancien Valenciennois, d’un naturel plutôt avenant en général, avait dû comprendre dès le vendredi matin si l’on se fie à sa moue en conférence de presse d’avant-veille de match. Enfin, si comprendre est le terme approprié. Au bout du compte, le Général a joué sa partition, à grands coups de casque mais aussi (surtout) de passes et de courses jamais vraiment maîtrisées. Mais si tout cela n’a eu aucune conséquence, c’est peut-être aussi que la défense à Lyon, c’est Umtiti. L’intervention acrobatique dans les arrêts de jeu peut marquer un peu plus les esprits, c’est encore la sérénité que dégage le Fossoyeur de Ménival qui permet aujourd’hui à l’OL de posséder la meilleure défense du championnat, alors même qu’il est loin de posséder les meilleurs défenseurs. L’aura d’Umtiti dépasse largement sa zone et ses ambitions dans le jeu sont aussi une manière de déporter le danger plutôt que de se risquer à tenter de le repousser avec Dabo ou Koné. La belle passe pour éviter la mauvaise. Mieux vaut qu’un tienne que deux tuent l’aura.

Olympique Lyonnais5. Yoann Gourcuff

On aimerait bien que le jeu lyonnais retrouve cette spontanéité perdue. Depuis (à peu près) Monaco. Même symbolique, c’est le prix à payer pour être leader. Chaque mouvement, chaque passe, chaque placement doivent être pesés. Quitte à y laisser au passage ce qui impressionnait tant la Ligue 1 il y a encore un mois. Ce jeu lyonnais n’a jamais une plus grande conscience de lui-même que lorsqu’il passe par Gourcuff. Les touches de balle et les tours sur lui-même se succèdent, au risque d’y diluer toute possibilité d’accélération. C’est ce qui arrive lorsque, à force de chercher une situation de tir favorable sur un centre de Lacazette (14ème), Yo laisse filer ce qui pouvait s’apparenter à une occasion de but. On se dit alors que si ce football-là réfléchit trop, c’est surtout dans le miroir. Les premiers gestes envoyés en début de seconde période attestent un peu plus cette idée : il y a comme une recherche de pureté dans ces deux feintes précédant cette passe plein axe (49e) ou cette balle longue envoyée à l’aveugle depuis le rond central (60e), les deux fois pour Lacazette. Alors qu’on le voit en chorégraphe ordonnant son ballet imaginaire, Gourcuff en est déjà au coup d’après. Décisif : toujours ces touches de balle à répétition et ce départ de la gauche vers le centre pour retrouver Lacazette, en pivot. Deux talonnades plus tard, le but de Fekir (67e) doit sans doute une bonne part au hasard. On n’en a pas moins compris au passage qu’il en va avec Gourcuff du hasard comme de tout le reste dans le football. Il se construit.

Par Pierre Prugneau et Serge Rezza

Retrouvez le Rank’n’OL sur OL Dirty Bastards et le Libéro Lyon.

(Photo Frédéric Chambert – Panoramic)

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