Patrick Müller: « Je peux refaire ce geste dix fois, je n’arriverai jamais à la remettre comme ça »

Olympique Lyonnais

SOUS L’HORLOGE. Patrick Müller, c’était ce défenseur pas très costaud et pas très rapide, mais si intelligent. Placement irréprochable, relance propre, le Suisse restera aussi celui qui a offert le premier trophée du grand OL. Aujourd’hui à l’UEFA, il revient sur son parcours et plus particulièrement sur son passage à l’Olympique Lyonnais. « La meilleure période de ma carrière. »

 

« Je voulais absolument amener mon fils voir l’OL »

Je t’ai vu très affûté à Genève lorsqu’on s’est rencontré au match amical entre le Barça et Naples, en début de saison. Tu n’as pas pris un gramme. C’est quoi ton secret depuis la fin de ta carrière, en 2010 ?

(Rires) C’est vrai que quand on arrête sa carrière, généralement, on prend un petit peu de poids. Moi, ça ne se voit pas trop, car je n’ai pris que 500 grammes ! Je continue le sport : foot, tennis, course… Et puis j’ai cette chance, enfin si on peut appeler ça une chance, d’avoir cette morphologie : je peux manger tout ce que je veux sans grossir. Je pense quand même qu’il me manque quelques kilos, mais bon…

« Je reste convaincu qu’il y a beaucoup de choses positives dans cette équipe de l’OL. […] Il ne faut pas s’arrêter à la mauvaise passe actuelle. Il faut analyser sur la durée. Je suis certain que dans quelques années, Lyon va retrouver son lustre »

Quelles sont tes activités aujourd’hui ?

Je travaille à l’UEFA, à Nyon, depuis trois ans. Pour faire simple, je m’occupe de l’organisation de matchs de Ligue des Champions et d’Europa League. C’est une belle reconversion pour moi, ça me permet de rester dans le milieu du foot. À la fin de ma carrière, en 2010, j’ai pris une année sabbatique pour réfléchir à mes envies, puis cette opportunité à l’UEFA s’est présentée. Je ne regrette pas, car je m’y plais vraiment.

As-tu eu l’occasion de retourner à Gerland pour ça ?

Pas avec le boulot, mais j’ai la chance de vivre à Genève, ce n’est pas loin, donc j’y retourne, oui. Je voulais aussi absolument amener mon fils, qui a 8 ans, voir des matchs de l’OL. Donc dès qu’on a l’occasion de le faire, on va passer le week-end à Lyon pour voir les matchs. Mon fils est un fervent supporter de l’OL.

Le pauvre… Le niveau n’est plus le même qu’à ton époque.

(Rires) C’est vrai. Les fois où on y est allés, on avait fait match nul contre Saint-Étienne lors d’un derby…

Tu dis « on » !

Oui c’est vrai. Je devrais dire « ils ». (Il se marre) Donc on avait aussi vu une victoire contre Bastia, et une défaite face à Monaco. Mais bon, ce qui est cool, c’est que même si l’équipe marche un peu moins bien en ce moment, mon fils est quand même à fond derrière. Les lendemains de matchs perdus, il est très, très déçu. C’est vrai que ça aurait été mieux pour lui de vivre les grandes années, mais il n’était pas encore né. Aujourd’hui, c’est un peu plus difficile…

« J’avais un style assez atypique »

Que penses-tu de l’équipe actuelle, la première à ne pas jouer de Coupe d’Europe depuis 1997 ?

Je reste convaincu qu’il y a beaucoup de choses positives dans cette équipe. Lyon est un club formateur, ils sortent beaucoup de jeunes et ils leur font confiance. Ils sont en train de reconstruire, avec pour horizon le nouveau stade, l’Euro 2016… Donc il ne faut pas s’arrêter à la mauvaise passe actuelle. Il faut analyser sur la durée. Je suis certain que dans quelques années, Lyon va retrouver son lustre.

Que peuvent-ils espérer cette année ?

L’année passée, ils avaient eu un départ compliqué, un peu comme cette année. Donc je pense qu’il peuvent faire une deuxième partie de saison bien meilleure. Ce n’est pas non plus évident, avec tous les blessés qui s’accumulent. Mais il y a beaucoup de qualités dans l’équipe. Il faut un peu de temps, et j’espère qu’on sera patient avec cette équipe.

Parlons de la défense centrale, souvent critiquée. Que penses-tu de Bisevac, Koné, Rose et Umtiti ?

Rose, je ne le connais pas. Pour les autres, il faut dire que les associations changent beaucoup au gré des blessures. Une fois c’est l’un, une fois c’est l’autre… C’est pas toujours évident à gérer à ce poste. Leurs qualités de joueurs ne sont pas remises en cause, ils ont déjà été très bons, mais il est difficile de trouver des automatismes et de la sérénité lorsqu’on ne peut pas enchaîner les matchs.

« L’ambiance entre nous tous était exceptionnelle. On se retrouvait tous ensemble en dehors des entraînements, on s’entendait vraiment bien. Et ce bon état d’esprit a tiré toute l’équipe vers le haut »

Dans l’effectif lyonnais, quel joueur te ressemble le plus dans le jeu?

Je ne vois pas vraiment. J’avais un style assez atypique. Pas beaucoup de vitesse, petit gabarit… Face à des attaquants puissants, c’était difficile pour moi, donc j’essayais de compenser par autre chose. S’il faut en choisir un, je dirais Bisevac, pour son côté malin, c’est une caractéristique qui me ressemble. Mais c’est un joueur bien plus rugueux que moi.

Gardes-tu des contacts de ta période lyonnaise ?

Oui, plutôt avec quelques membres du staff technique, en place depuis de nombreuses années. Au niveau des joueurs, il n’y a aujourd’hui plus que Steed Malbranque au club, que j’ai côtoyé à mon arrivée à Lyon en 2000, mais pas longtemps, car il est vite parti en Angleterre. Après, je garde des contacts réguliers avec Grégory Coupet, Sidney Govou et Jérémy Toulalan.

En parlant de Malbranque, as-tu suivi son retour au club ?

Oui. Après une aventure à l’étranger, il a eu besoin de se poser un peu. Puis il est revenu au sources, dans sa ville, et ça lui a donné un nouveau souffle. Lors de la première saison qui a suivi son retour, il a été exceptionnel, certainement le meilleur joueur de l’effectif…

« J’ai vaincu le signe indien »

Raconte-nous ces quatre premières années, presque parfaites, que tu as passées à l’OL.

C’est la meilleure période de ma carrière. J’arrivais à Lyon, qui commençait alors à jouer le haut du tableau, la Ligue des Champions… La première année, on termine deuxième, derrière Nantes. Je me rappelle qu’on avait fait une fin de saison extraordinaire, avec sept victoires. Malheureusement, Nantes avait très bien fini aussi et on n’avait pas réussi à les rattraper. Après, on s’était consolés avec la victoire en Coupe de la Ligue…

Je suis obligé de te couper, là. Raconte-nous cette finale dont tu as été le héros.

(Rires) C’était un moment magique pour moi. Aujourd’hui, dès que je retourne à Lyon, tout le monde m’en parle encore. En Suisse, au Servette, aux Grasshoppers, j’avais perdu deux finales de coupe et fini deux fois deuxième du championnat. J’arrive à Lyon, on termine deuxième du championnat, donc je me dis que je suis vraiment un chat noir… Puis cette finale de Coupe de la Ligue est venu m’ôter tous les doutes que j’avais ! J’ai vaincu le signe indien, en marquant ce but vainqueur. C’était un grand moment. C’est un immense souvenir.

Tu n’étais pas trop habitué à marquer, alors forcément, ce but, tu dois t’en rappeler…

Je rentre dans les prolongations, au poste de milieu de terrain. Il devait rester quelques minutes. Je vois Sonny récupérer le ballon et partir sur le côté gauche. Je me dis : « Je vais essayer d’accompagner l’action, au cas où Sonny arrive à faire la différence sur son adversaire et à mettre la balle en retrait. » Donc j’y suis allé. Et bien sûr, Sonny a fait un travail extraordinaire sur le côté. Il a réussi à redresser le ballon. Je me suis jeté dessus et j’ai réussi à la mettre dans le petit filet opposé. Je peux refaire ce geste dix fois, je n’arriverai jamais à la remettre comme ça. J’y ai cru, et je me suis retrouvé au bon endroit au bon moment.

Tu es passé de chat noir à porte-bonheur, car l’OL a ensuite à chaque fois gagné le titre lorsque tu étais dans l’effectif (2002, 2003, 2004, 2006, 2007, 2008).

Oui, c’est vrai. Mais jusqu’à 2008, Lyon a connu une période extraordinaire, ça ne tenait pas qu’à moi…

« Avec Juninho, l’OL pouvait presque viser une victoire en Ligue des Champions. À une certaine époque en tout cas, je suis persuadé que le club avait l’équipe pour le faire »

Comment vivait le groupe à l’époque, lors de ton premier passage au club ?

L’ambiance entre nous tous était exceptionnelle. On a construit une équipe autour de cadres comme Sonny Anderson, Christophe Delmotte, Grégory Coupet, Pierre Laigle, Philippe Violeau… J’en oublie certainement. On se retrouvait tous ensemble en dehors des entraînements, on s’entendait vraiment bien. Et ce bon état d’esprit a tiré toute l’équipe vers le haut.

« Ne pas prolonger ? C’est vrai qu’avec du recul… »

Tu as connu plusieurs partenaires en charnière centrale. Préférais-tu jouer avec Caçapa, Edmilson ou Laville ?

Tu ne l’a pas cité ! (Rires) Je dirais Cris. Par rapport à ses qualités, c’est le joueur qui me complétait le mieux. Il avait toutes les qualités que moi je n’avais pas. On avait une bonne entente. Il était rugueux, très dur sur l’homme. Un vrai guerrier. Moi, je gérais davantage la relance. Flo’ Laville avait un profil un peu similaire à Cris, donc on était aussi assez complémentaires. Après, il y avait Edmilson. Ce gars, c’était un pur régal pour moi. J’adorais le regarder jouer. Il avait une classe naturelle assez impressionnante. Mais dans sa façon de jouer, il me ressemblait un peu plus, donc on ne se complétait pas trop, même si j’ai pris énormément de plaisir à jouer avec lui. Enfin, Caçapa, il était très complet. Rugueux, bon dans les duels, bon dans les airs… Ça se passait très bien avec lui aussi.

Et avec Grégory Coupet, ça se passait bien ?

Ah oui ! J’étais heureux d’avoir un mur derrière moi. Même quand je me faisais prendre, j’étais content de savoir qu’il y avait Grég’ dans les buts, ça me rassurait. C’est un gars extraordinaire. J’ai appris à le connaître en arrivant à Lyon, et on est toujours en contact aujourd’hui. J’ai toujours grand plaisir à le revoir et à échanger avec lui. Il est passionné dans tout ce qu’il fait: sur le terrain, en dehors… Et il a un mental hallucinant. Je pense avoir beaucoup appris à ses côtés.

Olympique Lyonnais

Patrick Müller, ici devant ses potes Coupet et Govou, capitaine lors de la victoire de l’OL à Nantes le 25 octobre 2003 (0-1, but de Juninho). (Photo Panoramic)

Quel joueur t’a le plus impressionné lors de ton passage à l’OL ?

Je ne vais pas être original: Juninho. Un joueur comme ça est capable de te débloquer un match à lui tout seul. Il était impressionnant. Il a aidé Lyon à devenir ce grand club pendant toutes ces années. Avec lui, l’OL pouvait presque viser une victoire en Ligue des Champions. À une certaine époque en tout cas, je suis persuadé que le club avait l’équipe pour le faire.

« Quand je suis revenu, Lyon n’avait plus la même image en Europe. Tous les meilleurs joueurs du championnat était à l’OL. Ça a donc été plus difficile pour moi d’être titulaire. Mais c’était un régal de faire partie de cet effectif et de vivre ces années où gagner la Ligue des Champions n’était plus un rêve impossible »

Regrettes-tu d’être parti, en 2004, en fin de contrat ? Pourquoi ne pas avoir prolongé ?

C’est vrai qu’avec du recul… À l’époque, j’avais envie de connaître autre chose, de découvrir un nouveau championnat. J’ai eu l’opportunité de partir en Espagne, et j’ai saisi cette chance. J’arrivais en fin de contrat à Lyon. Les négociations pour me faire prolonger ont un peu traîné. Je me suis dit que l’OL ne voulait pas forcément que je reste… Alors j’ai commencé à regarder ailleurs. Avec du recul aujourd’hui, je me dis que j’aurais vraiment aimé que l’OL me montre plus d’intérêt pour une prolongation. Je serais très certainement resté là-bas encore quelques années avec plaisir.

Tu pars ensuite à Majorque, où tu ne parviens pas trop à t’imposer. C’est dur la Liga ?

En choisissant le championnat espagnol, je m’étais justement dit que c’était un championnat fait pour moi. Après, quand je suis arrivé, l’entraîneur qui m’avait fait venir n’était plus là. Ensuite, je me suis blessé pendant six semaines. Entre-temps, un troisième entraineur était arrivé ! Donc ça n’a pas été évident. Il y avait aussi la barrière de la langue. Et puis mon épouse venait d’accoucher, juste avant le déménagement… Plein de petites choses m’ont fait me dire que je ne me sentais pas bien là-bas, donc j’ai décidé de partir. J’ai heureusement pu rebondir en Suisse, à Bâle…

« Quand l’OL m’a rappelé, je n’ai pas hésité une seule seconde »

Où tu as enfin gagné !

(Il éclate de rire) Oui, c’est vrai que j’ai enfin gagné le championnat suisse cette année-là. Ça m’a fait du bien de me dire que je revenais au pays. Bâle était la meilleure équipe en Suisse, gagnait des titres, donc c’était bien d’être là-bas.

En janvier 2006, après une pige à Bâle, tu reviens à l’OL. Comment s’est fait ce retour ?

J’étais en contacts avec Lyon, qui avait quelques blessés en défense centrale. Ils cherchaient un joueur qui pouvait s’adapter assez vite, qui connaissait déjà le club, la ville… Quand j’ai eu le coup de fil qui me signifiait l’intérêt de l’OL, je n’ai pas hésité une demi-seconde. J’ai foncé.

Tu arrives en pleine ère Houllier. Quel différence avec Le Guen ? As-tu trouvé l’équipe changée ? Plus forte ?

Quand je suis revenu, Lyon n’avait plus la même image en Europe. L’équipe était capable de rivaliser avec les meilleurs en Ligue des Champions. L’effectif était très étoffé, avec énormément de qualités à tous les postes. Tous les meilleurs joueurs du championnat était à l’OL. Ça a donc été plus difficile pour moi d’être titulaire. J’étais la plupart du temps sur le banc. Mais c’était un régal de faire partie de cet effectif et de vivre ces années où gagner la Ligue des Champions n’était plus un rêve impossible. Ça pouvait devenir réalité.

« Karim avait un calme et une sérénité impressionnante. Et puis quelle force dans la surface de réparation ! C’était un tueur. Hatem avait plus des qualités de dribbleur. Un talent hors-norme. Il était très insouciant, il s’éclatait, prenait énormément de plaisir »

Raconte-nous cette élimination à San Siro contre l’AC Milan… C’est la dernière année que l’OL aurait pu remporter une coupe d’Europe.

C’est marrant que tu me dises ça, car j’étais justement en train de penser que cette année-là, Lyon était vraiment taillé pour gagner la Ligue des Champions. En quart de finale, on fait match nul 0 à 0 à la maison. Au match retour, il y avait encore 1-1 à la 90e… Et puis on a pris ce but d’Inzaghi dans les arrêts de jeu (à la 88e exactement). C’était terrible. Bon, quelques années après, avec Puel, Lyon était moins fort mais est quand même allé en demi-finale de la Ligue des Champions, donc ça ne veut rien dire. (Il dit encore « on » alors qu’il était parti depuis deux ans)

Lors de ta deuxième période à l’OL, malgré l’effectif pléthorique, tu vois l’émergence de deux jeunes du centre de formation, Ben Arfa et Benzema… Étaient-ils vraiment si forts ?

(Catégorique) Oui, oui, oui. Vraiment très, très forts. Les deux m’ont beaucoup impressionné. Karim avait un calme et une sérénité impressionnante. Et puis quelle force dans la surface de réparation ! C’était un tueur. Je ne compte même pas tous les buts qu’il nous a marqués… Il avait une capacité de finisseur, même en se débrouillant tout seul, qui m’avait beaucoup marqué. Hatem, lui, avait plus des qualités de dribbleur. Un talent hors-norme. Il était très insouciant, il s’éclatait, prenait énormément de plaisir. Là, il est en Angleterre, il n’a pas encore fini sa carrière, mais bon… Il aurait pu faire beaucoup mieux. Je suis un peu déçu. Il avait un potentiel extraordinaire qu’il n’a pas su exploiter à 100%. Par contre, pour Karim, je ne suis absolument pas surpris qu’il occupe aujourd’hui la pointe de l’attaque du Real Madrid.

« J’ai senti venir cette fin de carrière »

Comment s’est passé ta dernière année à l’OL, avec Alain Perrin ?

C’était un peu particulier pour moi car je me suis gravement blessé au genou contre Auxerre, lors du premier match de la saison. Les ligaments croisés étaient partiellement déchirés. J’ai choisi un programme sans opération, avec du renforcement musculaire. Ça a été compliqué pour moi, car je ne suis pas musclé. (Rires) Je suis revenu, je me suis entraîné, et ça a relâché… Je suis à nouveau reparti sur le même programme, sans opération. Lors de mon deuxième retour, avec l’équipe réserve, mon genou lâche à nouveau dans un match. Là, je n’ai pas pu éviter l’opération. Donc j’ai perdu pas mal de temps, en restant indisponible plusieurs mois. Ce premier match de la saison face à Auxerre est donc le seul que j’ai fait de l’année.

Tu pars ensuite à Monaco. Ricardo t’accorde sa confiance. Mais l’année d’après, avec Guy Lacombe, tu es écarté. Déçu de cette dernière expérience ?

C’est évident qu’en signant à Monaco, je m’attendais à autre chose que les deux années que j’ai vécues là-bas. Je revenais d’une année sans jouer. Les seuls matchs que j’avais faits, ce sont les trois rencontres du premier tour de l’Euro 2008 avec la Suisse. À Monaco, je parle avec Ricardo qui me dit qu’il me laissera le temps de revenir à 100%. Dès que je me sens mieux, il me fait confiance et me met dans le onze pendant trois mois. Après, j’ai eu une période de creux. Plus de rythme, plus de jambes… Et je suis sorti de l’équipe. Il a mis deux jeunes du club en charnière centrale, N’Koulou et Mongongu, qui ont fait de très bons matchs. Donc il n’y avait pas de raison de me remettre dans l’équipe. La saison d’après, Guy Lacombe arrive et me dit qu’il ne compte pas sur moi, en m’encourageant à trouver un nouveau club.

« Shevchenko est le meilleur attaquant contre lequel j’ai dû défendre durant toute ma carrière. C’est lui qui m’a le plus impressionné, avec peut-être Thierry Henry »

C’est là que tu rentres en Suisse pour finalement mettre un terme à ta carrière de joueur…

Exactement. Mais j’ai senti venir cette fin de carrière. Quand je suis revenu à Lyon, j’ai moins joué, puis ensuite il y a eu la blessure… Ensuite, j’arrive à Monaco et je ne joue pas beaucoup. Je me suis dit : « Si tu ne joues pas, ce n’est pas de la faute aux autres. C’est de ta faute à toi, tu n’es plus assez bon, pose-toi les bonnes questions… » Les réponses sont arrivées assez vite. Il y a un temps pour tout, je n’avais plus la même motivation, et il était temps de mettre un terme à ma carrière.

Bon, on a encore des Suisses à l’OL, tu les connais ?

Il y a un gardien, Frick. Il y a aussi un attaquant. Pagliuca, non ?

Oui, Jérémy Frick, Kilian Pagliuca ou encore Kevin Tsimba, qui est parti cet été…

Je ne les connais pas personnellement. Je sais qu’ils sont suisses et je sais qu’ils jouent à Lyon. Dès qu’un Suisse part à l’OL, j’essaye de suivre ça attentivement. J’ai eu l’occasion de rencontrer Frick, avec qui j’ai eu quelques échanges, mais c’est tout.

Ça nous emmène à la Nati, dont tu as été un des piliers pendant longtemps. Tu te rappelle de ce match contre la France, à l’Euro 2004 ? Govou et Coupet en face…

Et Santini comme entraîneur, que j’ai connu à mon arrivée à Lyon ! Je me rappelle très bien de ce match. Cet Euro 2004, c’est la première grande compétition à laquelle j’ai participé avec l’équipe nationale. On avait un groupe difficile, avec l’Angleterre, la Croatie et la France, mais je pense qu’on avait les moyens de mieux figurer. On n’avait pas vraiment joué cet Euro, on s’était contenté d’y participer. Contre la France, c’était particulier, car il y avait Sidney et Greg en face… À la fin, ce sont eux qui ont gagné (3-1, le résumé en vidéo).

« La main contre la France en 2006 ? Sérieusement, c’était involontaire »

Parenthèse : sais-tu que Govou joue encore au foot ?

Oui. Avec Ludovic Giuly, non ? Je ne me rappelle plus du nom du club…

Chasselay, en CFA. Il a même donné deux passes décisives contre La Duchère ce week-end.

(Rires) Je ne suis pas surpris. Lui, il adore jouer. C’est bien qu’il continue. Je savais qu’il était revenu dans un petit club de la banlieue de Lyon.

Bon, on revient à la Nati. En 2006, à la Coupe du Monde, la Suisse tombe encore dans le groupe de la France.

Oui, avec cette fameuse main, non sifflée, que je fais pendant le match contre les Bleus… On ne me parle que de ça. (À 2’30 sur la vidéo)

Tu l’as fait exprès ?

Non, sérieusement, c’était involontaire. Après, l’arbitre aurait très bien pu siffler penalty, il n’y a qu’à voir les images. Si le ballon ne me tape pas la main, il rentre dans le but, c’est clair. Mais je continue à dire, huit ans après, que ce geste était totalement involontaire. Je ne m’étais pas mis dans la tête de remplacer mon gardien.

Greg t’a-t-il félicité pour cet arrêt ?

(Rires) Non ! Je pense qu’il sait qu’il y a déjà beaucoup de monde qui me parle de ça, il ne doit pas vouloir en rajouter.

En Allemagne, la Suisse a terminé première du groupe devant la France, avant de s’incliner aux tirs au but en huitièmes contre l’Ukraine de Shevchenko, qui venait d’éliminer l’OL avec le Milan…

Cette défaite a fait mal. Sans dénigrer l’Ukraine, c’était une grosse déception de se faire éliminer par cette équipe. On avait les moyens de les battre et de rencontrer l’Italie, ensuite, en quart de finale. Perdre contre l’Ukraine, ce n’est pas comme si on était tombés face à l’Espagne, la France ou l’Allemagne. Après, cette Coupe du Monde reste quand même le plus grand moment que j’ai vécu avec l’équipe nationale. Et comme tu me parles de Shevchenko, j’en profite aussi pour dire que c’est le meilleur attaquant contre lequel j’ai dû défendre durant toute ma carrière. On me demande souvent, et je réponds tout le temps Shevchenko. J’avais déjà joué contre lui quand il était encore au Dynamo Kiev, et il m’avait vraiment marqué. C’est lui qui m’a le plus impressionné, avec peut-être Thierry Henry.

Deux ans plus tard, en 2008, c’est l’Euro en Suisse et en Autriche, tes deux pays, puisque tu as la double nationalité. Regrettes-tu cette élimination au premier tour ?

C’est clairement la plus grosse déception de toute ma carrière. Jouer un Euro, dans son pays, je savais que ça ne se reproduirait jamais. On s’est fait éliminer dès le deuxième match. C’était très dur. Se dire qu’on doit encore jouer ce troisième match, pour du beurre, c’est compliqué. On a bien terminé en le remportant, mais ça reste une immense déception. On attendait cet Euro, devant notre public, depuis tellement d’années…

J’ai regardé le match de la Nati contre l’Angleterre lundi dernier. Ils ne sont pas très sereins en défense. Qu’en penses-tu ?

Je n’ai pas vu le match. Un nouvel entraîneur est arrivé, avec un nouveau système. Je ne me fais franchement aucun souci pour la qualification de la Suisse à l’Euro 2016. La Nati sera en France. C’était un premier match de qualification, contre l’Angleterre, il n’y a absolument rien d’alarmant.

Olympique Lyonnais

Pour finir, peux-tu nous donner ton onze OL star ?

Déjà, Coupet dans les buts. Latéral droit, Réveillère. Dans l’axe, Edmilson et Cris…

D’accord, donc toi, tu ne te fais pas jouer.

Non, non, je suis lucide. C’est important d’être lucide. (Rires) Je continue : latéral gauche, Abidal. Ensuite, au milieu, c’est difficile, il y a beaucoup de monde. Je mettrais Malouda à gauche. Juninho dans l’axe. Ensuite… Il y a Diarra, Essien, Tiago, mais aussi Källström, que j’apprécie énormément. Je dirai Essien et Diarra pour accompagner Juninho. Ensuite, à droite, Sidney. Et devant, en pointe, Sonny. C’est vraiment un onze idéal, que j’aurais aimé voir jouer. Il serait entraîné par Paul Le Guen, avec qui j’avais un très bon feeling. Il m’avait fait l’honneur de me nommer capitaine de l’équipe à l’époque.

Propos recueillis par Hugo Guillemet


(Photo du but en finale de la Coupe de la Ligue 2001 : Alain Mounic – Panoramic)

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